Par un avis et un rapport d'expertise collective publiés le 2 juillet, mais datés du 9 mars, l'Agence de sécurité sanitaire (Anses) conclut à un lien probable entre l'exposition aux pesticides, en particulier le chlordécone, et la survenue du cancer de la prostate.
S'appuyant sur l'expertise collective de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), mise à jour en 2019, et sur les dernières publications scientifiques, l'Anses confirme un excès de risques « significatif et reproductible » concernant cette pathologie chez les travailleurs exposés aux pesticides, malgré quelques limites méthodologiques. Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent en France (28 % des cas chez les hommes). Les études épidémiologiques ont identifié l'exposition aux pesticides organochlorés comme cause probable de ce cancer parmi d'autres facteurs. L'Anses recommande de prendre aussi en compte les situations d'exposition indirectes aux pesticides, les travailleurs pouvant être exposés à des articles, surfaces ou animaux traités par ces produits.
Actuellement, il n'existe que deux tableaux de maladies professionnelles, dans le régime agricole, pour l'exposition professionnelle aux pesticides. Ils concernent la maladie de Parkinson et les hémopathies malignes. Seuls trois cas, sur douze demandes, de reconnaissance de cancers de la prostate associés à une exposition aux pesticides ont été reconnus entre 2011 et 2018. « L'ensemble des éléments scientifiques développés plaide en faveur de la création d'un tableau de maladie professionnelle pour le cancer de la prostate associé aux pesticides dans les régimes agricole et général », conclut l'Anses. Il appartient maintenant à l'État de prendre une décision sur la création d'un tel tableau après consultation des partenaires sociaux. Sa création permettrait d'établir une présomption d'origine professionnelle de la maladie et de faciliter ainsi l'indemnisation.
La création de ce tableau profiterait aux victimes du chlordécone, insecticide organochloré utilisé dans les bananeraies des Antilles françaises. Lors de sa visite en Martinique en septembre 2018, Emmanuel Macron avait ouvert la voie à cette reconnaissance mais, trois ans après, elle n'est toujours pas effective. La mission d'inspection chargée d'évaluer le troisième plan chlordécone avait demandé en févier 2020 de conduire la création de ce tableau à son terme.