Comment savoir s'il faut restreindre l'usage de l'eau potable en cas de pollution aux pesticides ? En se basant sur la valeur sanitaire maximale des substances présentes. Mais que faire si cet élément clef pour la décision n'a pas encore été évalué ? Pour répondre à cette épineuse question, la Direction générale de la santé (DGS) a sollicité le Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Car l'enjeu est conséquent. Près de 10 millions d'habitants pourraient être concernés. En cause : la mise à jour des listes des pesticides et métabolites de pesticides recherchés dans le cadre du contrôle sanitaire.
Fin décembre 2020, une instruction adressée aux agences régionales de santé (ARS) a établi, en effet, une nouvelle approche pour harmoniser la sélection des substances à rechercher. Cette modification des polluants sous surveillance a entraîné le basculement vers des non-conformités – pour la limite de qualité – d'un certain nombre de captages d'eau potable. Ce seuil est toutefois uniquement réglementaire et n'a pas de fondements toxicologiques : il correspond à la limite de détection des méthodes d'analyses existantes lors de l'élaboration des règles (la directive européenne sur la qualité des eaux de 1998). En complément, des valeurs sanitaires maximales ont donc été progressivement déterminées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). En tout, près de 200 substances actives ou métabolites de pesticides disposeraient aujourd'hui de cette référence, mais pas toutes.
Des dépassements a priori sans risque pour la santé
Concernant les dépassements observés aujourd'hui, la DGS se veut rassurante : ils seraient « a priori, sans risque pour la santé car les concentrations sont inférieures aux valeurs sanitaires maximales lorsqu'elles existent », estime la DGS. Mais le bât blesse pour dix molécules problématiques. En raison d'un manque de connaissances – notamment des valeurs toxicologiques de référence (VTR) –, elles attendent toujours leur seuil sanitaire. Ce qui complique pour les services l'arbitrage concernant la gestion de l'eau potable. « Au regard de l'état des lieux et de la présence de molécules ne disposant pas encore de valeur sanitaire – notamment NOA métolachlore, métabolites de la chloridazone, R471811 du chlorothalonil –, une restriction des usages de l'eau pourrait être prononcée sur le seul principe de précaution pour plusieurs millions d'habitants, posant de graves difficultés d'alimentation en eau potable en France, sans que cela ne soit justifié sur le plan sanitaire », pointe la DGS.
Établir des valeurs sanitaires provisoires
Le Haut Conseil de la santé publique a également retenu l'idée d'utiliser pendant la période durant laquelle les valeurs sanitaires ne sont pas disponibles pour les substances d'intérêt, une valeur sanitaire provisoire (VSP). Il recommande pour cela de structurer rapidement, et dans une vision à long terme, une entité nationale. Celle-ci établira des VSP « dans un délai défini par la tutelle et rendu compatible, après un examen rapide et exhaustif des éléments disponibles dans la littérature et auprès d'agences internationales ». Cette structure pourrait être intégrée à l'Anses, mais elle devra être dotée de moyens supplémentaires, selon le HCSP. Elle devra évaluer rapidement la méthode développée par l'UBA dans l'optique d'une harmonisation à l'échelle européenne.
« Une politique active et urgente doit être mise en œuvre pour réduire la contamination des ressources par les pesticides, considérant que la connaissance développée sur les contaminations par une partie de leurs métabolites, dont certains sont très polaires, montre que les actions curatives traditionnelles mises en œuvre dans les filières de traitement sont peu ou pas efficaces », a néanmoins souligné le HCSP.