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Pesticides dans l'eau potable : les pistes de deux syndicats pour tenter d'y faire face

Deux syndicats départementaux, Sydec dans les Landes et Atlantic'eau en Loire-Atlantique, détaillent leurs stratégies pour faire face aux pesticides dans l'eau potable. Focus sur les difficultés et leviers d'action, notamment avec des bioessais.

Eau  |    |  D. Laperche
Pesticides dans l'eau potable : les pistes de deux syndicats pour tenter d'y faire face
Actu-Environnement le Mensuel N°428
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°428
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Quelle stratégie adopter pour les collectivités face à la présence de résidus de pesticides dans l'eau potable ? C'est l'épineuse question à laquelle a essayé de répondre une conférence parrainée par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) lors du Carrefour des gestions locales de l'eau (CGLE), mercredi 29 juin.

La présence de pesticides dans l'eau potable n'est pas nouvelle, mais la liste des communes les plus touchées s'allonge. En cause : une évolution de la méthode pour leur recherche. Fin décembre 2020, une instruction adressée aux agences régionales de santé (ARS) a, en effet, établi une nouvelle approche pour harmoniser la sélection des substances à rechercher. Et la prise en compte (1) de cette modification aboutit, aujourd'hui, à un basculement vers des non-conformités – pour la limite de qualité – d'un certain nombre de captages d'eau potable. Une dizaine de millions d'habitants seraient ainsi susceptibles d'être desservis par une eau non conforme à la réglementation (2) à cause des pesticides. Avec un risque d'augmentation du prix de l'eau, dans un contexte de préparation aux nouvelles orientations de la directive Eau potable révisée et de la guerre en Ukraine. « Le contexte d'instabilité géopolitique a des impacts sur le coût de l'énergie et des réactifs », a pointé Franco Novelli, expert technique du département cycle de l'eau à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR).

Pour répondre à ces défis, deux établissements publics ont partagé leurs expériences et pistes de réponses, lors du CGLE : le Syndicat départemental d'équipement des communes des Landes (Sydec 40 (3) ) et le syndicat Atlantic'eau (4) en Loire-Atlantique.

Le plan décennal de reconquête de la qualité dans les Landes

Parmi la centaine de forages dont il dispose, le Sydec doit composer avec deux captages (5) classés comme prioritaires en 2013. Des ressources considérées comme stratégiques (distribution d'eau potable à 20 000 habitants) et sans possibilité de substitution. La qualité de ces dernières est dégradée, notamment à cause de la présence d'un métabolite du métalochlore (6) , le Esa métolachlore (7) , et de nitrates. Comme ces polluants présentent des teneurs supérieures à la limite réglementaire, mais inférieures à la valeur sanitaire maximale, le préfet a accordé, en février 2018, une dérogation pour poursuivre la distribution d'eau, à condition que soient mises en œuvre des solutions curatives et préventives.

“ Des solutions préventives doivent prendre le relai, avec principalement des actions de sensibilisation ” Lucie Schwartz, Sydec 40
Dès 2018, le Sydec a donc eu recours à une unité de traitement au charbon actif en grains pour réduire la concentration des polluants. « Le traitement est très coûteux, a indiqué Lucie Schwartz, animatrice du premier plan d'actions territorial engagé par le Sydec 40. Des solutions préventives doivent prendre le relai, avec principalement des actions de sensibilisation. » Le plan d'actions territorial Re-sources Arbouts-Pujo, signé en mars 2021, vise le retour à une eau conforme d'ici dix ans. Pour l'établir, le syndicat a tout d'abord délimité les aires d'alimentation des captages pour définir les territoires sur lesquels des actions doivent être engagées. Sur le secteur, quarante-et-un exploitants agricoles (totalisant 1 500 hectares) ont été recensés. Un diagnostic territorial (sociologique et agricole) a été établi. « Dans les Landes, près de 70 % de la surface agricole sont recouverts par du maïs, dont les deux tiers sont irrigués, a décrit Lucie Schwartz. Le profil des agriculteurs identifiés montre que 70 % d'entre eux sont des entrepreneurs capables de trouver des solutions lorsque nous leur donnons les moyens de le faire. » Le plan d'actions prévoit une évolution des pratiques, avec une volonté que les acteurs travaillent ensemble ou sur des enjeux communs. Le désherbage mécanique a notamment été mis en place. « Il faut un effort collectif sur une aire d'alimentation du captage, car si seulement 10 % agissent, le résultat ne sera pas là, a constaté Lucie Schwartz. Il faut également travailler sur des filières de valorisation locale pour pérenniser les pratiques. » Le syndicat souhaite également faire évoluer son statut pour intégrer la compétence protection de la ressource en eau.

Le financement, point sensible pour les agriculteurs

Une des difficultés relevées par le Sydec reste la mobilisation sur le long terme des acteurs, car le résultat des efforts entrepris ne peut devenir visible que de nombreuses années plus tard. « La méconnaissance des mécanismes de transfert n'aide pas à valider les pratiques agricoles, a également souligné Lucie Schwartz. Les aides directes aux agriculteurs ne sont pas assez incitatives et adaptées à un changement de pratiques. »

Le financement constitue précisément un des points sensibles de la démarche. Des initiatives tentent de pallier les manques. « Des mesures agroenvironnementales et climatiques propres au territoire sont en cours d'analyse auprès du ministère de l'Agriculture », a ajouté Lucie Schwartz. « Certains agriculteurs se regroupent en association pour financer leur changement de pratiques grâce aux revenus apportés par des panneaux photovoltaïques », illustre-t-elle.

Le Syndicat départemental d'alimentation en eau potable de Loire-Atlantique Atlantic'eau a, quant à lui, été confronté à une présence importante de l'herbicide qui remplace désormais le métalochlore, le S-métalochlore et ses métabolites. « Face à cette situation, les élus ont rencontré la préfecture, en janvier 2016, pour demander d'interdire le S-métalochlore, mais cela n'a pas été suivi d'effet, a expliqué Laurent Caderon, directeur d'Atlantic'eau. Nous avons donc fermé les forages les plus touchés, réalisé des transferts d'eau et des mélanges entre ressources de différentes qualités, mais également traité avec du charbon actif en poudre. » Le syndicat a investi 6,5 millions d'euros dans des réacteurs à charbon actif micrograin. « Le coût du traitement est moindre par rapport à du charbon actif en grains, mais la production est localisée en Chine… ce qui pose des questions pour le futur », a constaté Laurent Caderon.

Certains élus de communes touchées par cette pollution ont voté des motions pour interdire l'utilisation des phytosanitaires, sans succès. D'ailleurs, le Conseil d'État leur a dénié toutes compétences pour réglementer ces molécules.

Les aides des agences de l'eau pour traiter les pesticides

Du côté des agences de l'eau, si la première approche reste un appui au volet préventif, une petite fenêtre pour le financement des solutions curatives s'ouvre. Les modalités diffèrent d'une agence à l'autre, mais la philosophie reste la même : ce soutien est conditionné à la mise en œuvre d'actions préventives et est réservé à certaines zones (comme les zones de revitalisation rurale) ou certains cas particuliers (en réponse à une demande d'un traitement d'urgence).
Des rencontres ont également été organisées avec les agriculteurs pour induire des changements. « Nous proposons notamment des aides au désherbage mécanique de 35 euros par hectare et par passage et de 20 % pour l'acquisition de matériel, a indiqué Laurent Caderon. Nous réfléchissons à de l'acquisition foncière, mais nous rencontrons une forte opposition de l'ensemble des agriculteurs. » Dans le bassin de Saffré (8) , le syndicat a élaboré avec la chambre d'agriculture une charte pour atteindre un objectif de zéro phytosanitaire de synthèse dans le bassin versant en 2040. « L'objectif est lointain, mais il est indispensable pour embarquer l'ensemble des acteurs, a noté Laurent Caderon. Des paiements pour services environnementaux ont été mis en place avec l'agence de l'eau, mais encore faut-il qu'ils ne soient pas perçus comme une aide supplémentaire. »

Concernant les captages de Masserac, le comité du syndicat a délibéré pour réviser les périmètres de protection : dans le nouveau document, l'interdiction de tous les phytosanitaires de synthèse devrait être demandée dans le périmètre rapproché (800 hectares).

L'approche par bioessais d'Atlantic'eau

Le syndicat a également développé un outil de vigilance pour repérer les polluants dans l'eau, mais également informer les consommateurs sur l'état de la ressource. Grâce à une approche avec des bioessais, le syndicat vérifie si l'eau pourrait avoir un impact toxique sur le vivant… Quelles que soient la concentration des molécules et leurs possibles interactions et effets cumulés. « Dans le département, nous avons observé un surnombre de cancers pédiatriques, d'enfants nés avec une malformation des membres supérieurs ; il y a une réelle inquiétude de la population : un sondage montre que, par rapport à la moyenne nationale, la confiance dans l'eau du robinet est moindre », a souligné Laurent Caderon.

L'approche s'appuie sur des banques d'empreintes spectrales d'eau de surface pour rechercher, sans « a priori », les micropolluants présents. Des outils statistiques permettent ensuite de faire des liens entre les signatures chimiques et les effets (perturbations endocriniennes, reprotoxicité, etc.). « Dans certaines zones, nous ne détections rien avec des analyses de molécules, mais notre approche par bioessais a montré que les échantillons avaient un effet antifongique », a illustré Mickaël Derangeon, vice-président chargé de la qualité sanitaire à Atlantic'eau et maître de conférences à l'UFR médecine et technique médicales de l'université de Nantes.

Un rapport de l'Anses a apporté, en 2019, un éclairage sur la question, qui peut être rassurant ou inquiétant, selon le point de vue : l'eau potable serait plus faiblement contributrice que l'alimentation dans l'exposition aux pesticides.

1. Renouvellement des marchés publics des laboratoires agréés pour réaliser ces prélèvements et ces analyses.2. La limite de qualité réglementaire dans l'eau du robinet est fixée à :
• 0,1 μg/L pour un pesticide ou métabolite pris individuellement,
• 0,5 μg/L pour la somme des pesticides et leurs métabolites recherchés.
3. Organisme public qui regroupe les 331 communes landaises et de nombreux établissements de coopération intercommunale du département des Landes.4. Service public de distribution de l'eau potable auprès de 166 000 habitants de Loire-Atlantique (159 communes de Loire-Atlantique, deux communes de Vendée et une commune du Maine-et-Loire).5. Le captage des Bordes, à Pujo-le-Plan, et le captage des Arbouts, à Saint-Gein.6. Herbicide interdit depuis 2003 en France.7. À la VMax sanitaire de 510 μg/L.8. En Loire-Atlantique, les captages de Saffré, de Nort-sur-Erdre et de Machecoul ont été retenus par le niveau national comme prioritaires. Le captage de Vritz, situé en Loire-Atlantique, mais alimentant en eau destinée à la consommation humaine le département du Maine-et-Loire, est également pris en compte. Le nombre de captages à protéger a été étendu à l'occasion de la Conférence environnementale de septembre 2013. Les captages des Gatineaux, situé sur la commune de Saint-Michel-Chef-Chef et du Gros Cailloux, situé sur la commune de Pornic, ont ainsi intégré la liste des captages prioritaires.

Réactions2 réactions à cet article

Le monde agricole doit prendre la mesure de sa responsabilité d'utilisation des produits phytosanitaires nuisibles et des conséquences que cela engendre, notamment des bébés qui naissent sans bras et l'on se demande pourquoi ? Supprimer la source de pollution plutôt que de financer des formules chimiques de retraitement des eaux pour ne pas être dépendant de la Chine semblerait plus raisonnable ...Je réagis en ce sens, car je croise un enfant victime de temps à autre et cela me révulse.

Pépette 01 | 18 juillet 2022 à 15h46 Signaler un contenu inapproprié

Les agriculteurs feront ce qui est nécessaire à la santé publique dès qu'ils le pourront, cad dès qu'on les aidera suffisamment pour s'équiper et trouver des solutions pérennes. Ils n'empoisonnent personne de gaité de cœur. C'est seulement parce que jusqu'à présent personne ne les a aidés qu'ils se résolvent à épandre ces molécules dangereuses. N'oublions pas que les industriels fabriquant ces pesticides ont usé de tout leur poids pour justifier leur emploi et qu'ils font régulièrement obstruction à toutes les autres solutions, y compris en usant de menaces sur les cultivateurs. Tout cela est consternant. Quant à faire venir du charbon actif de Chine , c'est tout autant consternant car sa fabrication n'est ni couteuse ni difficile. Mais bien sûr il vaudrait mieux sécuriser les captages que de traiter l'eau, c'est une évidence. Je remarque que les choix sont toujours ceux de la facilité et du rendement immédiat au risque de la santé publique. Vivement que les jeunes générations mieux formées et plus conscientes prennent le pouvoir, on n'en peut plus des vieux ultra capitalistes.

gaïa94 | 19 juillet 2022 à 17h41 Signaler un contenu inapproprié

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