"Mon arrêté d'interdiction de l'épandage aérien des pesticides est publié ce matin au Journal officiel". C'est par ces mots que la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal a annoncé via Twitter la publication de ce texte présenté comme une mesure d'interdiction définitive de cette pratique. En réalité, les choses sont un peu plus compliquées que cela.
Le principe de l'interdiction de l'épandage aérien des produits phytopharmaceutiques est prévu par une directive européenne de 2009 et a été inscrit dans le code rural par la loi Grenelle 2. Mais cette dernière prévoit des possibilités de dérogations que les gouvernements successifs ne se sont pas privés d'utiliser.
Une façon maladroite de légaliser les épandages aériens ?
Le 6 mai dernier, le Conseil d'Etat suspendait l'arrêté en vigueur réglementant les conditions d'épandage des pesticides, dans la mesure où celui-ci prévoyait des cas de dérogation au principe d'interdiction qui pourraient se révéler plus larges que ceux que la loi autorise.
Dans la foulée, Ségolène Royal annonçait la signature d'un nouvel arrêté interdisant l'épandage aérien pour l'ensemble des cultures qui pouvaient bénéficier de dérogations : sans délai pour le maïs et les bananes, d'ici 18 mois pour le riz et la vigne.
Le ministère de l'Agriculture, car il s'agit d'un arrêté interministériel contrairement à ce que l'on pourrait croire, a mis en consultation le projet de texte au début de l'été. Cette consultation a donné lieu à pas moins de 17.729 messages. Il faut dire que l'association Agir pour l'environnement avait lancé une pétition en ligne s'opposant à ce projet de texte considéré comme "une façon maladroite de légaliser les épandages aériens". Seuls 14 messages soulignaient la nécessité de poursuivre l'épandage aérien pour certaines cultures, notamment les vignobles très pentus. "Plus de 99,8% des avis émis s'opposaient aux épandages aériens", en conclut l'ONG pour laquelle cette consultation n'était donc "qu'une illusion démocratique au service du lobby des pesticides", vu que l'arrêté a tout de même été signé.
Le ministère de l'Agriculture indique pourtant avoir tenu compte des observations du public sur trois points. Il a notamment supprimé l'article qui définissait la notion de "danger non maîtrisable" susceptible de justifier une dérogation. Et a par ailleurs ajouté la description des accessoires équipant l'aéronef en vue de réduire la dérive des produits épandus dans la liste des éléments à produire dans le dossier de demande de dérogation.
La fin des dérogations programmée pour 2016
Au final, quelles sont les avancées par rapport à l'arrêté du 23 décembre 2013 que le nouveau texte abroge ? Désormais, les épandages aériens sur les cultures de maïs et de bananiers ne sont effectivement plus possibles. Le ministère de l'Agriculture avait indiqué en juin dernier que ces cultures, tout comme celles du blé, du châtaignier, du colza, des feuillus et des productions maraîchères, n'étaient de toute manière plus du tout traitées par voie aérienne.
En revanche, l'épandage sur les vignes et les cultures de riz peut continuer à bénéficier de dérogations jusqu'au 31 décembre 2015. Les distances de sécurité de 50 mètres vis-à-vis des lieux sensibles (habitations, lieux accueillant du public, élevages, espaces protégés, points d'eau) n'est pas modifiée. "Effectués avec des aéronefs ou hélicoptères, le respect de ces 50 mètres est totalement illusoire mais semble contenter les tenants d'une écologie hors-sol", réagit Agir pour l'environnement.
De plus, les possibilités de dérogations dites "d'urgence" ne sont pas modifiées. Les préfets conservent la possibilité d'autoriser des épandages "en cas d'urgence dûment justifiée, à caractère imprévisible ou exceptionnel, notamment climatique, ou lorsqu'un organisme nuisible ne peut être maîtrisé par d'autres moyens que l'épandage par voie aérienne". Et pour ces dérogations d'urgence, le texte ne prévoit pas de restrictions portant sur les cultures ou les organismes nuisibles concernés, contrairement aux autres dérogations dites "temporaires". Ces possibilités devraient toutefois prendre fin le 31 décembre 2015 également, à moins… que le Gouvernement ne prenne un nouvel arrêté de prolongation d'ici là.