La loi Grenelle I affichait l'objectif d'interdire l'épandage aérien de produits phytopharmaceutiques, sauf dérogations. La lecture du nouvel arrêté réglementant cette pratique montre que les dérogations à ce principe d'interdiction restent nombreuses.
Une interdiction serait prématurée
Il faut dire qu'un rapport officiel est entre-temps revenu sur ce principe d'interdiction. Ce rapport du CGEDD et du CGAAER, remis aux ministres de l'Agriculture et de l'Ecologie en février 2010 et rendu public en juin de la même année, estime « qu'il est actuellement prématuré d'interdire la possibilité de recourir à l'aéronef ».
« Il s'avère que moins de 0,3 % de la surface agricole utile est concernée par les traitements par aéronefs », justifient les auteurs du rapport qui tiennent compte également « des cultures et des techniques agronomiques employées, des matériels terrestres disponibles, des bio-agresseurs concernés, des règles strictes imposées aux traitements par aéronefs (produits à utiliser, bande de protection à respecter…)… ».
La loi Grenelle II a certes réaffirmé l'interdiction d'épandage mais en précisant : « sauf dans des conditions strictement définies par l'autorité administrative pour une durée limitée lorsqu'un danger menaçant les végétaux, les animaux ou la santé publique ne peut être maîtrisé par d'autres moyens ou si ce type d'épandage présente des avantages manifestes pour la santé et l'environnement par rapport à une application terrestre (…) ».
Des dérogations multiples
Le nouvel arrêté, d'une rédaction curieuse, semble oublier le principe d'interdiction, pourtant inscrit dans la loi, pour ne traiter que des dérogations.
Des dérogations annuelles peuvent ainsi être accordées par les préfets de département pour les cultures de vigne, de maïs, de riz et de banane, afin de traiter les organismes nuisibles listés en annexe de l'arrêté.
Le texte prévoit également que « des demandes de dérogation ponctuelle peuvent porter sur des cultures ou organismes nuisibles non visés à l'annexe dans des circonstances particulières relevant de l'urgence ou de situations où le danger ne peut être maîtrisé par d'autres moyens que l'épandage par voie aérienne ».
Sans oublier la possibilité pour le ministre de l'Agriculture, ou le préfet en cas d'urgence, d'autoriser le recours à l'épandage aérien nécessaire « à la prévention de la propagation des organismes nuisibles » sur le fondement de l'article L. 251-8 du Code rural, dans des conditions beaucoup plus souples.
La contrainte européenne
« Afin de se conformer à la directive européenne sur les pesticides, aux textes législatifs français », comme le préconisait le rapport du CGEDD et du CGAAER, le recours à l'épandage aérien est toutefois encadré de façon plus stricte que dans le système antérieur.
L'arrêté prévoit qu'il « ne peut être autorisé que lorsque la hauteur des végétaux, la topographie (reliefs accidentés, fortes pentes), les enjeux pédologiques des zones à traiter (portance des sols), la réactivité ou la rapidité d'intervention sur des surfaces importantes ne permettent pas l'utilisation des matériels de pulvérisation terrestre ».
A compter du 26 novembre 2011, les produits utilisés devront avoir fait l'objet d'une évaluation spécifique pour l'épandage aérien conformément à la directive 2009/128.
Le texte prévoit également que les intervenants doivent être titulaires d'un certificat garantissant l'acquisition des connaissances exigées. Il est aussi prévu que l'opérateur dispose des fiches de données de sécurité des produits pulvérisés.
Les ruches oubliées ?
Au-delà de la procédure de déclaration préalable déjà existante dans le système antérieur, mais maintenant renforcée, le texte prévoit une publication des autorisations accordées sur les sites internet des préfectures. De même qu'une information systématique du public au moins 48 heures avant le traitement par le biais d'un affichage en mairie ainsi que sur les voies d'accès à la zone traitée.
Le donneur d'ordre de l'opération d'épandage doit aussi informer les syndicats apicoles concernés dans des conditions qui doivent être définies au niveau départemental. Est-ce pour compenser le fait que les ruches déclarées ne figurent plus dans la liste des lieux sensibles pour lesquels une distance minimale de sécurité de 50 mètres doit être respectée en cas de traitement aérien ?