En juin 2016, le précédent ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, s'était dit favorable à sa création. Mais le fonds d'indemnisation des victimes des pesticides n'aura finalement pas vu le jour avant la fin de la mandature. Pis, la proposition de loi de la sénatrice socialiste Nicole Bonnefoy, qui prévoyait sa création, n'avait pas même été inscrite à l'ordre du jour. Grâce à une niche parlementaire réservée au groupe socialiste, le texte va finalement être examiné par le Sénat en séance publique le 1er février prochain.
Protéger et défendre les malades
Quel est l'objectif de ce texte ? "Il vise en premier lieu à protéger et défendre les malades des pesticides, au premier rang desquels les agriculteurs, trop souvent montrés du doigt pour l'utilisation de produits dont ils sont les plus nombreux à souffrir des effets nocifs", indique la sénatrice. On songe là au cas emblématique de Paul François, qui a gagné son procès contre la société Monsanto, et défend la cause d'autres agriculteurs intoxiqués à travers l'association Phyto'victimes qu'il préside.
Pour protéger les malades, le texte prévoit une réparation intégrale du préjudice subi par les travailleurs ayant contracté une maladie professionnelle occasionnée par les pesticides, mais aussi des personnes souffrant d'une pathologie liée à leur exposition en dehors d'une activité professionnelle, de même qu'aux enfants malades du fait d'une exposition de leurs parents.
La proposition de loi crée un fonds d'indemnisation, géré par la Mutualité sociale agricole (MSA), dont la mission est d'assurer cette réparation. Elle vise à créer un guichet national unique permettant de faciliter le parcours de reconnaissance et de réduire les procédures judiciaires. Cela permettra de "mettre un terme à cette autre injustice faite aux malades que constitue la longueur et la dureté des procédures judiciaires", explique Nicole Bonnefoy.
Le fonds sera chargé d'examiner si les conditions d'indemnisation sont réunies et disposera, pour cela, d'un pouvoir d'investigation auquel ne pourra lui être opposé le secret industriel ou professionnel. "Cela constitue un progrès décisif dans la documentation des expositions et de la composition des produits, auquel n'ont aujourd'hui pas accès les malades dans leur tentative de faire reconnaître leurs maladies", expliquent Nicole Bonnefoy et Bernard Jomier, rapporteur du texte apparenté au groupe socialiste. Le fonds rendra sa décision sur l'avis d'une commission médicale, dont la composition sera fixée par un arrêté interministériel.
Taxe sur le chiffre d'affaires des fabricants
Le fonds sera financé par une partie de la taxe existante sur le chiffre d'affaires des fabricants de pesticides. "Les coûts que représentent aujourd'hui les maladies causées par l'utilisation des produits phytopharmaceutiques sont aujourd'hui uniquement supportés par la collectivité", déplorent les signataires de la proposition de loi, qui souhaitent maintenant appliquer la logique pollueur-payeur.
Le produit de la taxe, de l'ordre de 4 millions d'euros, sert aujourd'hui à financer le dispositif de phytopharmacovigilance piloté par l'Anses, rappelle Bernard Jomier. Pour préserver ce financement, le sénateur de Paris propose de relever le taux de la taxe de manière à dégager de l'ordre de 2 millions d'euros supplémentaires pour le fonds d'indemnisation. Mais cette proposition ne semble pas faire l'unanimité, certains sénateurs craignant que la hausse de la taxe ne soit au final répercutée sur les agriculteurs.
Obstacles à franchir
Reste à savoir quel sort va être réservé à cette proposition de loi. Ses auteurs se veulent optimistes compte tenu de l'adoption à l'unanimité du rapport de 2012 et de la simple abstention des députés LR le 24 janvier en commission. Mais, si ce cap est franchi, se pose aussi la question de la position du Gouvernement et du groupe majoritaire à l'Assemblée sur cette proposition.
Tant l'exécutif que le Palais Bourbon ont pris des initiatives ces derniers jours ou semaines relatives aux pesticides : l'annonce d'un plan d'action pour le premier, la création d'une mission d'information pour la seconde. Dans les deux cas, ces initiatives sont plus tournées vers une réduction de l'usage des pesticides que sur la réparation des dommages aux victimes.
"Un encadrement plus étroit des produits phytopharmaceutiques a progressivement été mis en place, constate Bernard Jomier. C'est une bonne chose, mais cela ne règle ni la question des personnes malades aujourd'hui, ni celle de ceux qui seront malades demain", explique le sénateur, médecin de profession.