Selon la conclusion d'une enquête participative, vivre à 20 mètres d'une culture traitée par des pesticides n'est pas suffisant pour limiter l'exposition des riverains. L'association Générations futures préconise de rehausser cette distance à 100 mètres.
L'association Générations futures publie, ce 25 novembre, les résultats d'une enquête participative de terrain de plusieurs mois, intitulée ExpoRip (pour expositions des riverains aux pesticides). Sa conclusion est simple : les distances réglementaires d'épandage de produits phytosanitaires doivent être rehaussées. D'après ses statistiques, des résidus importants de pesticides se retrouvent sur les fenêtres des riverains situées même à 100 mètres, ou plus, de cultures diverses.
15 pesticides sur 30 relevés au moins une fois
L'ONG s'appuie sur l'analyse d'échantillons, recueillis par 58 participants domiciliés dans 26 départements, réalisée par Yootest, laboratoire indépendant spécialisé dans la qualité de l'air. Les riverains ont été encouragés par Générations futures à se doter eux-mêmes d'un kit de prélèvement (dotée d'une simple lingette, à passer sur les vitres donnant sur l'extérieur) et à l'envoyer pour analyse, en complément d'un questionnaire établissant des renseignements utiles pour catégoriser la distance, le contexte du domicile et le type de culture. Trente pesticides, parmi les plus utilisés en France, ont été analysés par Yootest – excluant le glyphosate, nécessitant un processus analytique à part plus coûteux, et le folpel, dont la substance impacterait la fiabilité des mesures.
Occurrence des pesticides détectés dans l'étude Exporip pour des distances entre la fenêtre et la culture inférieures à 20 m (violet), entre 21 m et 100 m (bleu) et supérieure à 101 m (vert).
© Yootest
Au total, presque 80 % des prélèvements révèlent la présence d'au moins un pesticide de la liste, parfois à des distances de plus d'un kilomètre. Les concentrations oscillent entre
« quelques dizaines de nanogrammes par mètre carré (ng/m2) et 0,1 mg/m2, ce qui constitue une concentration très importante », précise Vincent Peynet, responsable scientifique du laboratoire. En moyenne, deux pesticides ont été recensés dans plus de 40 % des cas : l'amétoctradine, considéré comme un reprotoxique, et le métolachlore, l'une des onze substances aux
« effets perturbateurs endocriniens avérés ou suspectés » relevés. Par ailleurs, les riverains les plus touchés se révèlent être ceux vivant à proximité de
viticultures : 94,4 % de ce type d'échantillons ont comporté le résidu d'au moins un pesticide. Les participants proches de grandes cultures, quant à eux, ont prélevé des traces de ces produits dans 73 % des cas.
La nécessité d'augmenter la distance
« Une tendance se dessine qui montre que l'exposition moyenne aux pesticides semble assez comparable dans notre échantillonnage dans les zones de zéro à vingt mètres des cultures et 21 et 100 mètres des cultures », souligne François Veillerette, porte-parole de l'ONG. Environ 95 % des échantillons prélevés à moins de 20 mètres ont présenté les traces d'au moins un pesticide (contre trois, en moyenne), et dans 90 % des cas jusqu'à 100 mètres. En comparaison, seules 50 % des vitres des riverains habitant à plus de 100 mètres d'une culture ont été touchées par la pulvérisation d'un pesticide.
La distance de 100 mètres semble avoir un effet très net sur la baisse de l'exposition aux pesticides
François Veillerette, Générations futures
« Ces premiers résultats plaident donc pour la mise en place de zones sans traitement réellement efficaces, bien plus larges que les cinq à dix mètres prévus actuellement, conclut François Veillerette. La distance de 100 mètres, demandée par Générations futures et de nombreuses ONG depuis longtemps, semble bien avoir un effet très net sur la baisse de l'exposition aux pesticides. » Le gouvernement travaille actuellement à la réécriture des textes de loi portant sur la réglementation des zones de non-traitement (ZNT). Il a été sommé par le Conseil d'État, en juillet dernier, à la suite de recours déposés par les ONG citées. Pour rappel, la réglementation avait initialement fixé des distances minimales d'épandage de 5 à 10 mètres des habitations, en fonction des cultures, ou de 20 mètres pour les substances les plus préoccupantes pour la santé humaine.
Un rapport de synthèse de l'étude « Exporip » et de ses conclusions a été transmis aux ministères compétents, à l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ainsi qu'à Santé publique France. Générations futures et Yootest prévoient, d'ores et déjà, de renouveler leur enquête en 2022, afin « d'évaluer l'évolution des niveaux relevés et de donner plus de puissance statistique à (leurs) résultats ».
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Note Télécharger le rapport de synthèse de l'étude Exporip Plus d'infosArticle publié le 25 novembre 2021