L'intérêt de l'existence d'un tableau de maladie professionnelle est de permettre de bénéficier d'une présomption d'origine professionnelle pour une pathologie, ce qui dispense de prouver le lien entre celle-ci et le travail. L'association Phytovictimes dénonce le non-respect de cette présomption d'imputabilité à travers les difficultés qu'a rencontrées son président, mais également beaucoup d'autres victimes des pesticides, à faire reconnaître sa maladie professionnelle.
Antoine Lambert, céréalier en Normandie, a déclaré, en janvier 2021, une thrombocytémie essentielle, un des cancers du sang regroupés sous le nom de « syndrome myéloprolifératif », explique l'association de défense des victimes de pesticides. Cette pathologie figure dans le tableau 19 des maladies professionnelles du régime agricole intitulé « Hémopathies provoquées par le benzène et tous les produits en renfermant ». Fin juillet 2021, il soumet sa demande de reconnaissance à la Mutualité sociale agricole (MSA) et au Fonds d'indemnisation des victimes des pesticides (FIVP), relate l'association. Mais, malgré la preuve apportée de son exposition au benzène, qui est utilisé comme solvant dans les pesticides et est également présent dans les carburants, le dossier est transmis au Comité de reconnaissance en maladie professionnelle (CRMP), « qui rejette le lien direct et essentiel entre sa pathologie et son exposition aux pesticides ». Face à ce refus, M. Lambert a engagé une action judiciaire. Mais l'audience, qui était prévue le 2 mars 2023, a été annulée car le FIVP a finalement reconnu le caractère professionnel de la maladie, informe Phytovictimes via un communiqué en date du 24 mars.
« C'est donc après un an et demi qu'Antoine Lambert obtient la reconnaissance de sa maladie professionnelle, alors que le FIVP aurait dû le reconnaître au bout de quatre mois, compte tenu [du fait] qu'il respectait toutes les conditions prévues dans le tableau 19. Jamais son dossier n'aurait dû être soumis au CRMP, s'indigne l'association (…). Aujourd'hui, c'est à toutes les victimes des pesticides qui se sont retrouvées ou se retrouvent dans la même situation que nous pensons. Isolées et sans avocat, auraient-elles eu le courage d'aller devant le tribunal après un refus confirmé par une commission ? Il est probable que non. » L'association dénonce une nouvelle fois les défaillances de la procédure de reconnaissance en maladie professionnelle. D'autant que celle-ci ne constitue qu'une première étape avant celle de l'indemnisation. « Actuellement, la loi n'oblige pas un organisme de sécurité sociale à vous convoquer sous un délai maximum après l'envoi du certificat de consolidation. Certains ont dû attendre plusieurs mois avant d'être convoqués et indemnisés. En attendant, qui doit assumer les difficultés que la maladie engendre sur l'équilibre financier d'une exploitation ? L'agriculteur et sa famille », s'indigne l'association, qui demande aux organismes de sécurité sociale de respecter simplement le droit des assurés.