Moins vigilants face aux prédateurs, plus apathiques ou amorphes : les oiseaux exposés à des pesticides n'ont rien de vigoureux, constatent des scientifiques français du CNRS. Dans une étude publiée dans la revue Agriculture, Ecosystems & Environment, des chercheurs du Centre d'études biologiques de Chizé, au sein de l'université de La Rochelle, et de l'université Bourgogne-Franche-Comté détaillent l'état de santé comportementale de six espèces de passereaux capturés au filet dans des haies au milieu de champs en agriculture biologique (sans pesticides) ou conventionnelle (avec pesticides). Les parcelles en question ont été choisies parmi les 435 exploitations agricoles au sein de la Zone atelier plaine et val de Sèvre, au sud de Niort (Deux-Sèvres), dont les pratiques sont documentées depuis trente ans.
Pour évaluer la vivacité des individus attrapés, les chercheurs ont observé leur capacité à fuir un prédateur puis, une fois tenu en main, à se débattre, à pousser des cris ou à donner des coups de bec. « Les oiseaux capturés en agriculture conventionnelle se débattaient beaucoup moins à l'approche du prédateur, étaient beaucoup moins agressifs et vocalisaient moins face à l'expérimentateur », attestent les auteurs de l'étude. Cependant, selon ces derniers, une baisse d'énergie, issue d'un éventuel manque de ressources, n'en est pas la cause : la corpulence des individus ne changeait pas entre les deux types d'agriculture. Pour les chercheurs, cette « dégradation nette de l'état de santé comportementale » proviendrait plutôt de perturbations physiologiques liées aux pesticides, notamment nerveuses ou immunitaires.
Ce constat est d'autant plus alarmant qu'il concerne des espèces migratrices, dont la durée de vie est courte (un ou deux ans, en moyenne) et celle d'exposition aux pesticides encore plus courte (le temps de la saison de reproduction, trois mois). « Les effets négatifs [sur les oiseaux de l'utilisation des pesticides] sont largement sous-estimés par les études qui ne se préoccupent que d'exposition aigüe aux doses plus importantes en mesurant la mortalité et souvent par le biais d'expériences en laboratoire ne mimant pas la réalité du terrain, remarquent, enfin, les chercheurs. Peu d'études se préoccupent également du comportement. Or, ce dernier est souvent la première composante visible d'une intoxication. »