Malgré la parution de textes modificatifs, la réglementation relative aux zones de non-traitement (ZNT) de produits phytosanitaires continue de faire débat. Ce mercredi 26 janvier, le gouvernement a publié le décret et l'arrêté portant plusieurs modifications aux précédents textes du 27 décembre 2019, retoqués par une décision du Conseil d'État, en juillet 2021.
La réponse du gouvernement au Conseil d'État
Pour rappel, la Haute Juridiction demandait, d'une part, à ce que les chartes d'engagement, élaborés par les agriculteurs en prévention du traitement de leurs cultures, offrent plus d'informations aux riverains. D'autre part, la protection apportée aux travailleurs et aux riverains, notamment concernant l'épandage de produits suspectés d'être cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR de catégorie 2), avait été jugée insuffisante.
Par conséquent, le décret signé par le gouvernement prévoit l'élaboration de nouvelles chartes d'engagement locales, fournissant un calendrier d'épandage et des informations aux riverains. Elles devront être soumises à consultation après approbation par le préfet. L'arrêté, quant à lui, étend le périmètre des ZNT « aux lieux accueillant des travailleurs présents de façon régulière » à proximité des cultures traitées. S'agissant du cas des distances minimales d'épandage des CMR2, le gouvernement a choisi de s'en remettre à l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Cette dernière devra rendre un avis d'ici à octobre 2022.
Les deux nouveaux textes n'ont subi aucune modification après avoir fait l'objet d'une consultation publique du 21 décembre 2021 au 11 janvier 2022. Cela étant dit, une seule disposition a été ajoutée à la version initiale de l'arrêté : les nouvelles obligations, relatives aux lieux de travail aux ZNT, s'appliqueront à compter du 1er juillet 2022 sur les parcelles préalablement « emblavées au titre d'un cycle cultural ».
Le cas des CMR2 dangereusement non résolu
Au regard des 7 195 contributions délivrées au cours de la consultation publique des deux textes, certaines personnes s'insurgent même de l'absence d'une interdiction pure et simple de ce type de pesticides. « L'État doit garantir au niveau de la production et de la consommation une alimentation saine et sans risque pour la santé », déclare un citoyen cité par le ministère de l'Agriculture dans sa synthèse de la consultation. D'autres s'interrogent également sur la capacité de l'Anses à réaliser l'état des lieux, demandé par l'État, dans le temps imparti.
La grande majorité des contributions, portées par des agriculteurs, regrettent également le manque de prise en compte de leurs pratiques. Les exploitants demandent, par exemple, à ce que les distances varient en fonction de la présence d'une haie ou d'un mur capables de faire écran. Ils proposent également à ce que l'effet de « dispositifs anti-dérives » soit reconnu, afin de réduire les distances. « La majorité des agriculteurs utilisent du matériel précis qui s'améliore tous les ans avec des procédés anti-dérives, soit avec des buses adaptées ou des adjuvants qui permettent de travailler très précisément », énonce ainsi un agriculteur.
Des dispositions considérées trop imprécises
En outre, les citoyens consultés évoquent l'imprécision de la disposition de l'arrêté fixant la protection des lieux de travail à proximité des zones d'épandage. Alors que la décision du Conseil d'État prônait la protection des personnes « travaillant à proximité des zones d'utilisation », beaucoup pointent du doigt la nouvelle formulation – « travaillant de façon régulière » – employée dans l'arrêté. Le gouvernement ne précise effectivement pas à quoi équivaut cette régularité. « Comment doit-on considérer les travailleurs dans les champs qui sont là pour des tâches précises (relevage, épamprage, bêchage, pour la vigne par exemple) ? Sont-ils considérés comme étant présents de façon régulière ou non ? » s'interroge un participant à la consultation. Selon certaines contributions, cette nuance floue « dénature la décision du Conseil d'État qui vise à protéger toute personne qui travaille à proximité, de façon régulière ou pas, notamment sur les terrains agricoles proches ».
La nouvelle obligation concernant les chartes d'engagement n'est, par ailleurs, pas mieux accueillie par les intéressés. De nombreux agriculteurs soulignent que leur activité est incompatible au quotidien avec le respect d'un cadre d'information et d'échange, fixé préalablement à l'utilisation des produits, par l'intermédiaire d'une charte. « Il ne sera pas possible de prévenir tous les riverains de mes parcelles avant un traitement, car je déclenche mes interventions au dernier moment, en fonction des conditions climatiques optimales pour diminuer les doses, relate un témoignage. De plus, cela tombe souvent la nuit et, si je me réveille et que les conditions ne sont pas bonnes, je repousse mon intervention. On ne peut pas prédire nos interventions. »
D'autres contributeurs s'inquiètent d'une éventuelle multiplicité de chartes, aux calendriers d'épandage variant de l'une à l'autre. Ils appellent donc à la mise en place d'un modèle d'information et d'engagement identique sur tout le territoire pour éviter une « cacophonie entre les départements, ingérable pour les exploitations viticoles présentes sur plusieurs départements ».