Le palais du Luxembourg a opté pour le « name-and-shame », dans le but de réprimander publiquement les manquements du lobby des pesticides envers ces parlementaires. Le 3 mai, le président du Sénat, Gérard Larcher (LR), a mis publiquement en demeure Pytheis (ex-UIPP), qui représente les intérêts de dix-neuf producteurs français de pesticides, pour « avoir manqué au principe de probité ». Si cette décision n'entraîne pas de sanction pénale, elle constitue un rappel à l'ordre et au respect des « obligations déontologiques auxquelles les représentants d'intérêts sont assujettis ». Il s'agit de la première mise en œuvre des dispositions prévues par la loi contre la corruption, dite Sapin II, par la chambre haute du Parlement.
Cette mise en demeure (1) est issue d'un signalement formulé, le 21 février, au comité de déontologie parlementaire par Joël Labbé, sénateur EELV du Morbihan. Ce dernier transmettait lui-même les inquiétudes de quatre associations (Transparency International France, Les Amis de la Terre France, Foodwatch France et l'Institut Veblen) à la lecture d'une enquête (2) du journal Le Monde datée de janvier 2020. Le manquement de Phyteis épinglé par le Sénat résulte d'un « chantage à l'emploi » opéré lors de l'examen du projet de loi Pacte durant l'hiver 2018-2019. L'objectif des lobbyistes était d'y faire voter un amendement revenant sur l'interdiction de continuer à produire en France des substances interdites en Europe, fixée dès 2022 par la loi Egalim. Leur argument s'appuyait sur la perte éventuelle de « 2 700 emplois directs et plus de 1 000 emplois indirects », dont Phyteis n'a finalement pas été en mesure d'assurer la véracité. Si l'amendement recherché avait bien été voté dans la loi Pacte, il a été retoqué a posteriori par le Conseil constitutionnel, permettant donc la bonne entrée en vigueur de l'interdiction initiale.
« Cette mise en demeure, rendue publique, crée un précédent, se réjouissent aujourd'hui les quatre associations. La perte de crédibilité du discours de Phyteis est aujourd'hui indéniable, alors même que des interdictions similaires d'exportation de produits phytosanitaires sont en discussion dans plusieurs pays européens et au niveau communautaire. » Il est à noter que, d'après elles, la Haute Autorité pour la transparence la vie publique (HATVP) mènerait également une investigation « concernant les communications de Phyteis auprès des membres de l'exécutif » dont les conclusions devraient être rendues « prochainement ».