Dans le cadre de l'établissement de limites maximales en résidus de pesticides communes au sein de l'UE, les associations écologistes alertent sur une augmentation possible des limites actuelles et intentent un procès à la commission.
L'utilisation de produits phytopharmaceutiques pour protéger les végétaux contre les effets des organismes nuisibles peut notamment engendrer la présence de résidus dans les produits traités, chez les animaux nourris avec ces produits et dans le miel produit par les abeilles exposées. Afin de protéger la santé des consommateurs, les Etats membres de l'Union européenne (UE) ont défini des Limites Maximales en Résidus (LMR) retrouvés sur ou dans les produits alimentaires.
Pour ne pas fausser le marché intérieur au sein de l'UE, la Commission a prévu d'harmoniser ces LMR au travers du règlement n°396/2005 du 23 février 2005. Mais l'établissement de LMR demande un examen technique et scientifique approfondi. Ce processus est susceptible de prendre plusieurs années sachant que des LMR doivent être établies pour plus de 62.000 combinaisons de pesticide/produits. En attendant, le règlement prévoit la fixation de LMR « temporaires » remplaçant les limites nationales existantes jusqu'à ce que chaque pesticide soit évalué individuellement. Ces LMR temporaires ont été présentés par la Commission en janvier dernier au travers du règlement n°149/2008.
en augmentant le niveau des LMR, la Commission européenne nous entraîne vers une contamination toujours plus importante d'un nombre toujours plus grand de pesticides présents dans les aliments
Mais tandis que ces nouvelles limites doivent entrer en vigueur le 1er septembre prochain dans tous les Etats membres, des associations européennes de protection de l'environnement alertent sur les conditions de définition de ces LMR et intentent un procès à la Commission. Elles lui reprochent de s'être basée sur les limites nationales les plus laxistes pour fixer ces nouveaux seuils. Clairement expliquée dans un avis rendu en mars 2007 par l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), cette approche entraînerait par conséquent une hausse spectaculaire de ces seuils notamment en France.
Après analyse et comparaison avec certaines LMR nationales aujourd'hui en vigueur en France et celles prévues par l'UE, nous avons pu constater qu'un consommateur risquait, à l'avenir, de consommer certaines molécules à des taux plus élevées, explique François Veillerette, Président du Mouvement pour le Droit et le Respect des Générations Futures (MDRGF) en France. Le président de l'association se base sur l'étude comparative réalisée par la branche allemande de Greenpeace et précise par exemple que pour les agrumes, la molécule fénoxycarbe, considérée comme cancérigène probable et perturbateur endocrinien possible, serait tolérée à des taux 40 fois supérieurs par rapport à la valeur actuelle. Cette LMR spécifique passerait en effet de 0,05 mg/kg à 2 mg/kg. Autres cas : pour le couple haricot / cycloxydime on passe de 2 mg/kg à 5 mg/kg soit une multiplication par 2,5 et pour le couple cyprodinyl / abricot de 0,5 à 2 soit 4 fois plus. Pour Ulrike Kallee, experte pour Greenpeace sur les produits chimiques, il est donc évident que l'UE doit revoir sa copie :
en augmentant le niveau des LMR, la Commission européenne nous entraîne vers une contamination toujours plus importante d'un nombre toujours plus grand de pesticides présents dans les aliments. L'UE doit revoir immédiatement ces limites que nous jugeons dangereuses, explique-t-elle.
En avril dernier les ONG Natuur en Milieu et le réseau Pesticides Action Network (PAN) Europe avait déjà écrit au Commissaire européen de la santé pour demander officiellement un réexamen interne du règlement 149/2008. En juillet, la Direction générale de la santé et des consommateurs de la Commission a répondu au nom du Commissaire à la santé en faisant valoir que la demande de PAN Europe était irrecevable d'un point de vue juridique. En réponse, les associations ont décidé de lancer une action en justice contre cette nouvelle législation. Le 11 août dernier, PAN Europe a formé un recours devant le Tribunal de première instance afin de forcer la Commission à réexaminer le règlement. PAN Europe soutient que
le règlement est fondamentalement viciée et doit être revu d'urgence. Natuur en Milieu et PAN Europe attendent maintenant que la Commission fournisse à la Cour une copie de sa position officielle dans les trois prochains mois. La Cour pourrait alors donner un avis début 2009.
Mais en attendant, ces nouvelles limites maximales de résidus dites « temporaires » s'appliqueront dès le 1er septembre prochain, c'est à dire dès lundi…
Article publié le 29 août 2008