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PFAS : des recours pour mieux connaître l'ampleur de la contamination

Deux types de leviers juridiques ont été déposés, l'un par un collectif dont Notre Affaire à tous, l'autre par Générations futures. L'objectif : mieux connaître la contamination aux PFAS, de l'environnement ou humaine. Explications.

Eau  |    |  D. Laperche
PFAS : des recours pour mieux connaître l'ampleur de la contamination

Disposer d'une meilleure photographie de la contamination aux substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) (1) , ces polluants tellement résistants à la dégradation qu'ils sont qualifiés d'éternels : c'est le point commun entre deux recours juridiques présentés lundi 5 juin, l'un par un collectif mené par Notre Affaire à tous, l'autre par Générations futures.

Le premier recours se repose sur le dépôt d'un référé pénal environnemental à l'encontre qu'Arkema France, un industriel installé dans la vallée de la chimie, près de Lyon (Rhône) et qui utilise dans ses procédés notamment le 6:2 FTS. Portée par Notre Affaire à Tous,  (2) 10 associations et syndicats (3) et 37 victimes, l'initiative vise à la fois à limiter immédiatement les rejets des PFAS dans l'eau à 1 kg par mois, mais également à mener une campagne de mesures de la contamination. Celle-ci permettra de réaliser ensuite une étude des risques sanitaires auxquels est exposée la population.

Des études qui pourraient être menées durant douze mois

« Le référé environnemental nous permet de demander des mesures pendant un an, a détaillé Louise Tschanz, avocate spécialisée en droit de l'environnement du cabinet Kaizen, chargée de l'affaire. Nous demandons pendant six mois des analyses de sang, des prélèvements de lait maternel, de sols, d'air et d'eau potable dans les établissements scolaires et les stades de Pierre-Bénite et d'Oullins, des denrées alimentaires chez des professionnels bios et non bios situés dans un périmètre de 10 km autour de l'ICPE, de l'eau de pluie et de faune et flore sauvage. »

Les associations ont souligné l'importance de réaliser des prélèvements sanguins, à la fois pour étayer les futures actions, mais également pour évaluer l'imprégnation de la population. « Le temps de demi-vie dans le corps des PFAS est longue, jusqu'à quatre ans pour certaines substances, mais le corps l'évacue petit à petit, d'où l'importance de réaliser rapidement des prélèvements. La Métropole de Lyon envisage de le faire, mais dans un temps long, a pointé Louise Tschanz. Par ailleurs, toutes les actions qui ont pu être menées en Italie et aux États-Unis sont passées par des analyses sanguines. »

Ces actions seraient complétées par un suivi médical adapté aux PFAS pour chaque victime requérante. Les analyses devront être réalisées par un bureau d'études et un laboratoire qui n'ont jamais travaillé auparavant avec Arkema et qui disposent d'une expertise reconnue sur les PFAS. « Nous avons vérifié que tous les prélèvements que nous demandons ne sont pas déjà réalisés par la Dreal », a souligné Notre Affaire à tous.

Les six mois suivants seraient ensuite consacrés à l'analyse des prélèvements pour une étude des risques sanitaires ainsi qu'à l'élaboration de recommandations pour protéger la population. « Six pathologies sont reconnues comme en lien avéré avec les PFAS : des maladies thyroïdiennes, le cancer des testicules, du rein, des lésions au foie, un taux élevé de cholestérol », a noté Louise Tschanz. Des effets seraient également constatés pour les enfants à naître, comme une réponse réduite aux vaccins.

Une confiance émoussée dans les industriels

Concernant la limite de rejet, l'industriel a commencé à réduire ses rejets du composé 6:2 FTS. Selon un arrêté préfectoral pris en septembre 2022, il doit totalement les cesser d'ici au 31 décembre 2024 et les maintenir d'ici là à un seuil maximal de 60 kg par mois.

« Arkema indiquait en mars rejeter 9 kg par mois dans le Rhône, mais ces données sont issues d'un autocontrôle, les analyses réalisées le sont par des prestataires qu'ils ont choisis, a précisé Thierry Mounib, président de l'association « Bien vivre à Pierre-Bénite ». Je n'ai plus confiance dans les industriels. Il faut un réel état des lieux de ce qu'il se passe dans la région. »

Une confiance émoussée notamment par des faits qui remontent à la dernière campagne de mesure des PFAS dans l'environnement par le laboratoire de Nancy de l'Anses. Elle avait notamment montré qu'un quart des eaux brutes testées contenaient au moins un PFAS parmi les dix recherchés. « Arkema France a eu une démarche de dissimulation de preuve illustrée dans le rapport issue de la campagne de l'Anses de 2011, a dénoncé Louise Tschanz. Alors que l'Anses et la Dreal avaient envoyé leur plan de prélèvements, la veille Arkema a démonté un piézomètre [qui permet de réaliser les prélèvements] qui se situait dans la zone la plus contaminée. »

Les requérants du référé dénoncent également des contournements de la réglementation par Arkema. Dans le cadre de son programme de surveillance, l'industriel aurait dû réaliser ou faire réaliser au moins une fois par an des prélèvements et des mesures dans les sédiments, la flore et la faune aquatiques. « Depuis 2007, Arkema a réalisé trois surveillances annuelles, dont une concerne les PFAS », a noté Louise Tschanz.

Cette contamination par les PFAS a conduit l'Agence régionale de santé (ARS) à recommander aux habitants de quinze communes situées à proximité de la plateforme chimique de ne pas consommer les œufs et les volailles venant des poulaillers de particuliers ainsi que les poissons pêchés dans le Rhône en aval de Pierre-Bénite et dans le Garon. Les agriculteurs de la zone craignent également que leurs productions soient interdites si leurs champs sont contaminés. Aucune compensation n'est prévue pour l'instant.

Les requérants du référé souhaitent à travers leur démarche que le principe du pollueur-payeur soit respecté.

Des plaintes déposées dans trois départements

La seconde action, portée par Génération futures, vise cinq infractions au cadre prévu pour les industriels concernant les PFAS : des atteintes à l'environnement aquatique et aux poissons, la dégradation substantielle de la qualité de l'eau, la pollution aggravée des eaux et la mise en danger de l'environnement. L'association a déposé plusieurs plaintes contre X auprès des procureurs de la République de trois zones concernées par la pollution. « Les investigations menées par le parquet permettront de connaître l'ampleur de la contamination, a souligné Hermine Baron, avocate du cabinet TTLA. La plainte contre X permet à ce dernier d'élargir ses investigations si besoin. »

Générations futures a ciblé la première zone à proximité d'une plateforme chimique de Villers-Saint-Paul, dans l'Oise (Hauts-de-France). Ce site a déjà fait l'objet d'un suivi, en 2013, qui a montré la présence de PFAS en concentration importante en aval. L'association a souhaité voir l'évolution de la situation et a constaté aucun changement. « Nous avons réalisé des prélèvements en amont et en aval de la plateforme pour 46 PFAS. Le site reste l'un des lieux de hot spot recensés par la carte du journal Le Monde (4) , a expliqué François Veillerette, porte-parole de Générations futures. Le premier retrouvé à l'exutoire, le 6:2 FTS, ne figure pas dans la surveillance obligatoire, ce qui pose question. »

Le second site choisi est celui où est implanté l'usine Solvay, un des cinq producteurs de PFAS en France : à Tavaux, dans le Jura. Le troisième se trouve la zone de Paimboeuf, en Loire-Atlantique. Générations futures s'est basée pour cela sur un rapport de l'Inspection générale de l'environnement (Igedd) et les résultats d'autosurveillance des rejets réalisés par les industriels. « Les rejets importants dans les cours d'eau motivent la plainte », a indiqué François Veillerette. L'association est en train d'étudier la possibilité de recours pour d'autres sites. Elle demande également des mesures concrétes pour limiter la pollution à la source dès maintenant.

Des initiatives sur le plan législatif

Des initiatives sont également menées sur le législatif en France pour essayer d'agir sur la contamination aux PFAS. Une première proposition de loi pour limiter la contamination par ces polluants a ainsi été discutée en commission du développement durable de l'Assemblée nationale, mercredi 31 mai, et devrait passer en séance publique, le 8 juin. « Je regrette que le texte ait été vidé de sa substance en faisant référence au règlement Reach, a toutefois déploré David Taupiac (député Liot du Gers), son rapporteur. Je vous alerte sur le fait que nous ne pourrons pas - contrairement à ce que vous avez indiqué dans vos amendements – attendre indéfiniment que Reach soit opérationnel, car cela va prendre beaucoup de temps. Et il me semble qu'il faudra remettre rapidement le sujet sur la table. »

Le règlement Reach doit en effet être révisé. Parmi les évolutions envisagées : passer à une évaluation des produits chimiques non pas substance par substance mais par famille de produits. Une approche particulièrement adaptée aux PFAS, qui compte près de 10 000 substances.

Une seconde proposition de loi, portée par Nicolas Thierry, député écologiste de Gironde, devrait, quant à elle, être examinée lors de la prochaine niche parlementaire des écologistes à l'Assemblée. Le calendrier qui la fixera sera connu en septembre. Les deux députés se sont toutefois prononcés en faveur de la poursuite du travail, éventuellement dans un groupe transpartisan.

À l'échelle européenne, cinq pays (l'Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède et le Danemark) ont soumis une proposition de restriction auprès de l'Agence européenne des produits chimiques (Echa), en janvier dernier, pour la production, l'utilisation et la mise sur le marché de PFAS.

Reste à voir comment se concrétiseront ces initiatives et comment elles évolueront.

1. Lire PFAS : une pollution qui redevient visible<br /><br /><br />
https://www.actu-environnement.com/dossier-actu/PFAS-eau-industries-villes-reach-polluants-eternels-mousses-anti-incendie-vallee-chimie-95#:~:text=PFAS%20(1%2F3)%20%3A,de%20ces%20polluants%20dits%20éternels.
2. Notre Affaire à Tous - Lyon, Notre Affaire à Tous, Agribio Rhône Loire, Alternatiba ANV Rhône, Réseau AMAP AURA, Bien-Vivre à Pierre-Bénite, Fédération Syndicale Unitaire, La Ruche de l'écologie, Les Amis de l'Ile de la Table-Ronde, le Réseau Environnement Santé.3. Notre Affaire à Tous - Lyon, Notre Affaire à Tous, Agribio Rhône Loire, Alternatiba ANV Rhône, Réseau AMAP AURA, Bien-Vivre à Pierre-Bénite, Fédération Syndicale Unitaire, La Ruche de l'écologie, Les Amis de l'Ile de la Table-Ronde, le Réseau Environnement Santé.4. Consulter « Polluants éternels » : explorez la carte d'Europe de la contamination par les PFAS<br /><br /><br />
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/02/23/polluants-eternels-explorez-la-carte-d-europe-de-la-contamination-par-les-pfas_6162942_4355770.html

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