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AccueilPhilippe CosteSystème d'Echange d'Emissions de CO2 : ça bouge en Asie

Système d'Echange d'Emissions de CO2 : ça bouge en Asie

Philippe Coste, vice-président de Carbonium, revient pour Actu-Environnement, sur la dynamique autour de Systèmes d'Echange d'Emissions (ETS) en Asie, malgré les déconvenues évidentes, mais instructives, du marché Européen.

Publié le 10/02/2014

Depuis son lancement à son de trompes il y a bientôt dix ans, force est de constater que le marché européen du carbone collectionne les déconvenues. Il y a eu la fraude, puis les utilisations abusives d'allocations et autres détournements de Mécanismes de Développement Propre (MDP), et aujourd'hui, c'est l'effondrement des cours du CO2 qui remet carrément en question la raison d'être même de toute la construction : à quoi sert de monter un mécanisme aussi extraordinairement sophistiqué s'il n'est bientôt plus en état de jouer son rôle ?

En bonne logique, le désenchantement qui a gagné les Européens aurait dû se diffuser largement à travers le monde, tant il est vrai que l'EU ETS est donné pour une entreprise pionnière, un modèle offert à l'imitation des pays désireux de limiter les émissions de gaz à effet de serre.
En effet : quel sens y aurait-il à reproduire un prototype qui ne fonctionne pas ? Or, à l'heure où les décideurs européens en sont encore à débattre des mesures à prendre pour rafistoler leur modèle, l'Asie avance à marche forcée dans la même voie, en espérant bien éviter les embûches auxquelles les Européens ont été confrontés.

Des émules en Asie

Le séminaire organisé par la Banque Asiatique de Développement début Décembre a permis de prendre la mesure du phénomène. Il avait pour thème à la fois l'ETS de Shanghai et les perspectives de liaisons avec d'autres ETS de la région (linkage) ; c'est dire qu'il donnait l'occasion de faire le point sur deux grandes tendances de la planète carbone.

Première tendance, le bourgeonnement des marchés nationaux ou régionaux, surtout en Asie. On le sait, la Nouvelle-Zélande, le Japon, l'Australie et le Kazakhstan ont lancé des ETS ces dernières années et la Corée du Sud se prépare à faire de même pour 2015. On sait aussi que sept villes ou régions intérieures de Chine ont été retenues pour mettre en place autant de marchés carbone. Celui de Shenzen a ouvert en Juillet 2013, celui de Shanghai en Novembre dernier.

Au cours du séminaire qui réunissait les responsables du marché shanghaïen le 10 décembre dernier, les responsables des cinq autres ETS présents dans la salle, ont confirmé que leurs marchés allaient suivre incessamment. Confirmé aussi, le fait que d'autres pays de la région se préparaient à leur emboîter le pas. C'est le cas de l'Inde, de l'Indonésie, de la Thaïlande et du Vietnam, qui travaillent en ce moment à la meilleure manière de fixer chez eux le prix du carbone.

Tous se lancent dans cette voie parce qu'ils sont convaincus que la formule de l'ETS constitue, avec la taxe, un excellent moyen de réduire effectivement les rejets de gaz à effet de serre. Par comparaison avec la taxe qui a pour effet de renchérir le prix des émissions, l'ETS plafonne les quantités autorisées et le plafond peut être réduit d'année en année. D'autre part, les échanges d'allocations autorisent les assujettis à se conformer à leurs obligations au meilleur coût. Rigueur sur l'objectif à tenir et souplesse sur la façon d'y parvenir en font un instrument idéal de politique énergétique : les pays d'Asie, qui s'industrialisent et augmentent leurs rejets à vitesse accélérée, en sont bien convaincus.

Le bourgeonnement des marchés du carbone conduit tout naturellement à s'interroger sur la possibilité de les mettre en relation de manière à constituer progressivement un marché international unifié : tel était en effet l'autre thème du séminaire de Shanghai. Il s'agit, par accord entre deux systèmes, de permettre aux entreprises assujetties à l'un d'entre eux d'utiliser les crédits de l'autre au même titre que les siens propres. Les avantages du linkage sont évidents : élargissement du marché, moindre volatilité, limitation des risques de fuite, baisse des coûts de mise en conformité…

Système à plusieurs ETS : prometteur mais complexe

D'ores et déjà, il est clair que les sept marchés chinois ont vocation à se relier mutuellement, voire d'établir des liaisons avec d'autres marchés, situés ou non dans la région Asie-Pacifique. Certes, en contradiction avec cette tendance, le nouveau gouvernement constitué à Cambera à la suite des élections de septembre dernier vient de remettre en cause le projet de liaison entre les marchés européen et australien. Les participants au séminaire, déterminés à aller de l'avant, n'ont voulu y voir qu'une péripétie peu susceptible d'enrayer durablement l'unification progressive des marchés.

Il n'empêche : si la tendance générale va bien dans le sens de la constitution progressive d'un marché mondial du carbone, la volte-face australienne vient nous rappeler utilement à quel point mettre en place des ETS et a fortiori un système de plusieurs ETS constitue une opération extrêmement complexe au plan technique mais aussi, et peut être surtout, très délicate au plan politique.

Techniquement, dès lors que toute la machinerie repose sur une connaissance très précise des émissions de chaque établissement assujetti, disposer de données fiables est un préalable absolu. Ceci suppose :

1) une armée de vérificateurs (songeons à la myriade de sites industriels concernés) ;
2) qui puissent avoir accès aux informations (en Chine p. ex., elles sont réputées confidentielles) ;
3) qui soient bien formés et compétents (ce qui suppose un considérable effort de formation professionnelle) ;
4) qui soient (last but not least) inaccessibles à la corruption : vaste programme.

Politiquement, il faut que les autorités — et l'opinion publique derrière elles — soient suffisamment pénétrées de la nécessité de réduire les rejets de gaz à effet de serre pour résister victorieusement aux pressions des industriels en faveur de surallocations de quotas et pour imposer aux émetteurs des plafonds aussi ajustés que possible : ici aussi, vaste programme.

Autrement dit, si l'Asie est bien décidée à se mettre en ordre de marche, la route est encore longue et très escarpée. Pour nous autres Européens, cette volonté d'aller de l'avant sur la voie où nous hésitons nous adresse un message de confiance. Quant aux difficultés de la route, elles représentent autant d'opportunités pour faire part de nos expériences et transmettre nos savoir-faire.

Avis d'expert proposé par Philippe Coste, vice-président de Carbonium

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3 Commentaires

Guydegif(91)

Le 11/02/2014 à 10h40

Oui, il faut soit REDUIRE le CO2 et GES, ou Valoriser ou Stocker (CSC) !
L'ETS est une approche !
CSC càd Capture et Stockage CO2 en est une autre.
Extrait de ci-dessus:
''Politiquement, il faut que les autorités — et l'opinion publique derrière elles — soient suffisamment pénétrées de la nécessité de réduire les rejets de gaz à effet de serre pour résister...''
Car il est bien connu, que les frontières des pays ne sont pas des murs infranchissables pour GES, CO2 et autres nuisibles, et quil faut donc COMBATTRE le FLEAU au global, mondialement.
YA+KA ! mais ASAP !
A+ Salutations
Guydegif(91&68)

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Terra

Le 11/02/2014 à 10h54

Vaste programme en effet.
Le plafond européen peut-il être également baissé ? Car on entend beaucoup parler de sur provision sur le marché CO2 mais ne peut on pas simplement le baisser ?

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Albatros

Le 11/02/2014 à 14h07

Yakafokon. Baissons donc le plafond au niveau de l'esprit de ceux qui croient que les marchés de quotas vont sauver la planète.
Voilà un de ces "experts" dont les propos vont dans le sens de développer le business des experts...
Pour l'"extraordinaire complexité" de l'ETS européen, je m'inscris en faux: ETS est diaboliquement simple (voire naïf); ce qui est "extraordinairement complexe" ici, ce sont les circuits financiers, et l'opacité introduite par la finance, bien aidée par les "experts". Ce qui est extraordinairement naïf de la part des autorités, c'est de laisser à ces gens d'extraordinaires libertés de gestion pour leur permettre de prospérer sur les ruines de l'industrie, forcément désignée "coupable".
Quand on voit ce que la finance a fait à la finance (voir la crise depuis 2008), on frémit quand on pense à ce qu'elle prépare pour le climat.
Amis naïfs et écolos, accrochez vous. Vous voyez disparaître les usines d'Europe sans aucun effet sur le climat. Par contre, sur les emplois, comme nous ne sommes pas tous "experts" ni fonctionnaires ni consultants en bilans carbone bidons, il me semble qu'on voit très bien l'effet sur l'emploi industriel...

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