Ces dernières années, la filière photovoltaïque française a vécu au rythme de la météo réglementaire : vent en poupe après le Grenelle de l'environnement, gel après le moratoire et légère éclaircie depuis la mise en place des appels d'offres et des tarifs d'achat révisables trimestriellement.
A Perpignan, un projet de développement du photovoltaïque sur les toitures d'entreprises d'une zone d'activité, réunies au sein du Pôle économique Saint-Charles (PESC), a bien failli ne jamais voir le jour ! En 2010, 43 sociétés, représentant quelque 90.000 m2 de toitures, s'apprêtaient à déposer un dossier de demande de tarif d'achat d'électricité photovoltaïque. Mais le moratoire est passé par là, remettant en question la rentabilité du projet. Alors que le dossier aurait pu tomber aux oubliettes, il renait de ses cendres aujourd'hui, avec un nouveau modèle indépendant des variations réglementaires : l'autoconsommation.
L'idée : "Revenir aux fondamentaux du solaire, explique André Joffre, PDG du bureau d'études Tecsol. Nous devons nous défaire des subventions, d'autant que le système de tarifs d'achat pèse aujourd'hui sur la CSPE et sur les tarifs de l'électricité. Si ce schéma doit continuer à exister pour booster certaines installations, nous devons développer un autre schéma, basé sur un nouveau modèle économique".
Saint-Charles 2.0
Une trentaine d'entreprises devrait participer au projet d'autoconsommation, baptisé Saint-Charles 2.0, qui verra le jour en 2013. Au total, 4 à 5 MW de photovoltaïque devraient être installés. Avant la pose des panneaux, la consommation de chaque bâtiment sera mesurée et les anomalies de consommation corrigées. Ce n'est qu'après ces deux étapes qu'interviendra le dimensionnement de l'installation photovoltaïque, fixé en fonction de la consommation de base de chacun des bâtiments. L'objectif est d'éviter toute surproduction et de satisfaire la demande supplémentaire d'électricité grâce au réseau (30 à 40% des besoins en moyenne).
"Nous suivons de près ce projet qui couple une analyse des consommations et des besoins des entreprises, l'optimisation de la consommation et la production d'énergie renouvelable. Il est unique de par son envergure et le fait que cette démarche soit collective. Les entreprises concernées représentent une consommation électrique importante, notamment pour celles qui produisent du froid", observe Jacqueline Roisil, directrice régionale adjointe de l'Ademe, qui finance en partie les études amont.
Le producteur peut également choisir de vendre son surplus, dans le cadre de tarifs d'achat. L'installation disposera alors de deux compteurs : un pour la production, un pour la consommation. L'électricité produite est directement consommée par le producteur et le surplus est revendu sur le réseau.
Pour les particuliers, l'autoconsommation n'est pas avantageuse : il est plus rentable de vendre, au tarif d'achat, la totalité de l'électricité produite à l'opérateur et de racheter l'électricité à un prix moindre. De nombreux acteurs demandent la mise en place d'une prime à l'autoconsommation (quelques centimes d'euros par kilowatt heure autoconsommé), mais le dispositif est jugé trop coûteux par les pouvoirs publics.
Le surplus de production sera envoyé sur le réseau électrique gratuitement, puisque l'installation ne bénéficie pas de tarifs d'achat. "Nous étudions actuellement la possibilité, en cas d'excédent d'électricité, de faire don de cette électricité à une association caritative, comme les Restos du cœur, qui pourraient aider les ménages en précarité énergétique. Cela demanderait néanmoins une petite adaptation législative", indique André Joffre.
Un nouveau modèle économique pour le photovoltaïque
Ce projet repose sur un nouveau modèle économique. "La recette ? C'est l'économie que l'on fait !", explique André Joffre, qui précise : "En ne s'inscrivant pas dans le cadre de tarifs d'achat ou d'appel d'offres, les entreprises auront une totale liberté pour installer leurs panneaux photovoltaïques. Elles échappent ainsi aux contraintes d'intégration au bâti, peuvent couvrir les abris de voiture, les toitures terrasses… Ainsi, les prix d'installation seront beaucoup plus bas que ceux pratiqués aujourd'hui". Le watt crête installé devrait revenir à 1,5€, contre 6€ pour la couverture récente avec des tuiles solaires du marché Saint-Charles International. Soit quatre fois moins !
L'entreprise, grâce à son installation solaire, réduira sa facture d'électricité et deviendra, au fil du temps, moins dépendante de l'augmentation du prix de l'électricité. "En se basant sur les hypothèses de la Commission de régulation de l'énergie (+30% des prix de l'électricité en 2016) et du Sénat (+50% en 2020), nous avons estimé le temps de retour sur investissement à 10 ou 12 ans, selon le dimensionnement de l'installation", observe le PDG de Tecsol.