Les conséquences du moratoire photovoltaïque de 2010 n'en finissent pas d'occuper les tribunaux. Et la décision juridique tombée jeudi 7 juin marque un tournant dans ce feuilleton. La Cour d'appel de Nîmes puis le Tribunal de Nanterre ont reconnu que les arrêtés tarifaires de 2006 et 2010 étaient illégaux. La France a mis en place ce soutien public qui s'apparente à une aide d'Etat sans en avoir averti la Commission européenne, conformément aux traités en vigueur.
Les producteurs photovoltaïques sont déboutés
Cette décision a été prise dans une affaire qui oppose un exploitant de centrale au gestionnaire de réseau Enedis et par ricochet à sa compagnie d'assurance Axa. Entre 2006 et 2012, de très nombreux candidats à la production d'électricité solaire ont transmis à Enedis une demande d'examen de leur projet à une époque où le tarif d'achat d'électricité par EDF était particulièrement bonifié. Celui-ci l'était bien moins à la date à laquelle le gestionnaire leur a répondu suite au moratoire du Gouvernement et aux baisses successives de tarifs. Les producteurs ont assigné en justice le gestionnaire et l'assureur faisant valoir "une faute" en tardant à répondre. Le préjudice en résultant correspondrait à une perte de revenu sur vingt ans, durée d'octroi du tarif d'achat. "Dans l'affaire ici jugée, le producteur solaire réclamait 34 millions d'euros. Au total, les demandes représentaient 150 millions d'euros", explique l'avocat d'Axa, Matthias Pujos.
Avec son confrère du cabinet Loison, l'avocat a choisi d'attaquer la légalité des tarifs d'achat. Une stratégie payante. En s'appuyant sur la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de mars 2017, le juge a reconnu qu'en tant qu'aide d'Etat, l'arrêté aurait dû être notifié par la France à la commission européenne. "Les juges ont constaté de façon très exacte l'absence de notification à la Commission de Bruxelles de l'aide d'Etat accordée aux producteurs solaires, commente Matthias Pujos. C'est une victoire judiciaire retentissante pour Enedis et Axa face à des producteurs qui réclamaient le bénéfice d'une aide radicalement illégitime".
Vers une récupération des sommes auprès des producteurs ?
Cette affaire n'est pas sans rappeler celle de l'éolien terrestre. Cette autre filière énergétique a elle aussi vu son arrêté tarifaire abrogé suite à la non notification à la Commission européenne. Attaqué par l'association Vent de Colère, l'arrêté tarifaire éolien avait été jugé illégal et annulé par le Conseil d'Etat en mai 2014. Une annulation dont les effets étaient restés limités compte tenu de l'adoption immédiate d'un nouvel arrêté offrant le même tarif d'achat. Les professionnels de l'éolien ont toutefois dû s'acquitter des intérêts liés à l'aide octroyée sur la base de l'arrêté tarifaire annulé. Un remboursement d'environ 47 millions d'euros, qui a impacté 550 sociétés pour un montant représentant 0,8% de leur chiffre d'affaires sur la période considérée.
Se pose désormais l'éventuelle demande de récupération de l'aide d'Etat par le gouvernement français aux producteurs photovoltaïques en ayant indûment bénéficié. La décision juridique qu'Actu-Environnement a pu consulter précise clairement que "lorsqu'une aide est illégalement versée au motif que la commission européenne n'a pas été en mesure, faute de notification, de se prononcer au préalable sur sa compatibilité avec le marché commun, cette illégalité implique la restitution des sommes versées". La CJUE a néanmoins admis que cette restitution n'était pas exigée lorsque la Commission européenne avait adopté une décision finale constatant la compatibilité de l'aide avec le marché commun. C'est le cas des mécanismes de tarifs d'achat. Dans cette situation, le bénéficiaire de l'aide serait néanmoins tenu de payer les intérêts au titre de la période d'illégalité.