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Projets photovoltaïques recherchent terres (désespérément)

Les objectifs fixés pour le développement du photovoltaïque nécessitent d'accélérer le rythme d'installation. Mais alors que la filière lorgne sur les terres agricoles et que l'État envisage de faciliter l'agrivoltaïsme, de nombreuses voix s'élèvent.

Energie  |    |  S. Fabrégat
Projets photovoltaïques recherchent terres (désespérément)
Actu-Environnement le Mensuel N°430
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°430
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Si le solaire bénéficie d'une image positive chez la plupart des Français, certains gros projets photovoltaïques au sol n'échappent pas à la polémique. À l'instar du projet Horizeo, en Gironde, qui prévoit de couvrir 2 000 hectares pour une puissance de production d'un gigawatt, et de déboiser 1 000 hectares. Ou encore du projet Solarzac, prévu sur un terrain de chasse privé dans le Larzac. Bien que revu à la baisse (de 400 à 200 hectares), une concertation tout au long du processus et l'intégration d'une coactivité agricole, le projet suscite des inquiétudes.

La France peut-elle se passer de ces gigaprojets pour atteindre ses objectifs de diversification du mix énergétique ? La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévoit une fourchette de 35 à 44 gigawatts de photovoltaïque installés en 2028, alors qu'à peine la moitié (15,2 GW) l'est mi-2022. Pour y parvenir, le rythme d'installation doit être doublé, passant de 2 GW raccordés en 2021 à 4 GW par an. Ce qui correspondrait à une surface installée comprise entre 30 000 et 40 000 hectares au sol et entre 15 000 et 20 000 hectares sur toitures, estime la PPE.

Si on regarde à plus long terme, 2050, ce sont entre 120 et 150 GW de solaire qui sont visés. « Soit plus de 100 GW en trente ans, souligne Daniel Bour, président du syndicat des professionnels du solaire Enerplan. Pour atteindre cet objectif, il faudra tout développer : centrales au sol, ombrières, bâtiments… La question est : qu'est-il raisonnable de faire ? Selon nous, il faut ajouter 70 GW de solaire au sol et 30 GW ailleurs. Cela représente 60 000 à 80 000 hectares de projets au sol. »

Une loi pour mobiliser les surfaces artificialisées

Le projet de loi relatif à l'accélération des énergies renouvelables tente de résoudre l'équation, en libérant un maximum de surfaces artificialisées pour développer du solaire. Le gouvernement a sorti sa calculatrice. En libérant les terrains proches des 12 000 kilomètres d'autoroutes, le gisement potentiel est estimé entre 1,8 et 2,4 GW. « Un potentiel complémentaire, non quantifié, pourra également être mobilisé le long des routes nationales », précise l'étude d'impact du projet de loi, tablant sur un gisement exploitable total de 2,5 GW. Le texte prévoit donc d'autoriser l'installation de panneaux solaires, jusque-là interdite, à moins de 100 mètres de part et d'autre des grands axes routiers.

« Ce gisement représente plusieurs milliers d'hectares, mais tout n'est pas exploitable, certains terrains sont en pente par exemple », souligne le président d'Enerplan. Ces bandes tampons constituent également des zones refuges pour la faune et la flore. « Les délaissés d'autoroutes sont souvent des corridors écologiques. Il peut y avoir des espèces protégées », explique Nicolas Richard, secrétaire national de France nature environnement (FNE). Le gisement finalement exploitable devrait donc être en deçà des projections.

Le projet de loi cible ensuite les parkings de grande taille. Selon les estimations, les parkings de plus de 10 000 m2 couvrent 3 000 à 5 000 hectares, les parkings de plus de 2 500 m2 entre 9 000 et 15 000 hectares. « Équiper la moitié de cette surface en ombrières photovoltaïques représenterait une puissance installée comprise entre 6,75 et 11,25 GW », souligne l'étude d'impact. Le texte prévoit donc une obligation d'équipement sur au moins la moitié de la surface des parkings existants de plus de 2 500 m2.

S'ajoutent à ces surfaces les terrains en friche. Une étude, réalisée par l'Agence de la transition énergétique (Ademe), a permis d'identifier 800 sites potentiels représentant un gisement d'environ 8 GW. Mais ces friches urbaines ou industrielles représentent souvent des installations de petite capacité. Un arrêté tarifaire spécifique est donc annoncé pour accélérer les projets inférieurs à 1 MW.

L'agrivoltaïsme pour conjuguer agriculture et production d'énergie

Finalement, additionnés, ces gisements ne suffiront pas face aux ambitions fixées. Il faudra nécessairement développer les projets au sol sur des terres naturelles ou agricoles, en les encadrant, estime Daniel Bour. « On considère que 30 000 hectares sont déjà artificialisés ou en friche. Il reste donc 50 000 hectares à trouver, en prenant en compte la préservation de la biodiversité et des activités agricoles. »

“ Est-il plus pertinent de faire de l'agrivoltaïsme extensif ou de développer des centrales au sol sur des surfaces agricoles peu productives, définies collectivement ? ” Nicolas Richard, FNE
Mais les projets sur ces espaces génèrent souvent des levées de bouclier. Comment y remédier ? C'est ainsi que le concept d'agrivoltaïsme a fait son apparition, jusqu'à trouver une place dans le projet de loi, en misant sur la coactivité. Il s'agit de conjuguer, sur une parcelle, productions agricole et énergétique, sans que la seconde ne nuise à la première. Jusque-là, les projets agrivoltaïques étaient expérimentaux, afin d'évaluer leurs impacts pour les cultures et l'élevage. Un appel d'offres a d'ailleurs été lancé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour s'appuyer sur des retours d'expérience. Mais aujourd'hui, les projets se multiplient, et cette accélération nécessite une clarification.

« La promesse implicite de l'agrivoltaïsme, c'est 1 + 1 = 3. On fait à la fois de la production énergétique et agricole, en garantissant que le revenu de la surface n'est pas diminué, voire est amélioré », souligne Nicolas Richard, qui s'interroge : « Si on se rend compte a posteriori que cette promesse n'est pas tenue, les terres agricoles sont déclassées ? »

Hiérarchiser l'usage des terres

Côté agriculteurs, le concept est loin de séduire. « L'agrivoltaisme et les centrales photovoltaiques sur les terres agricoles ont un impact majeur sur les prix et la disponibilité́ du foncier », pointe du doigt la Confédération paysanne. Les Jeunes Agriculteurs (JA) ont carrément demandé un moratoire sur ces projets : « La stricte priorité doit demeurer l'installation d'agriculteurs et non de panneaux solaires. Le risque porte sur un phénomène de spéculation et de détournement de la vocation nourricière des fermes dans un contexte démographique inédit. » Sans s'y opposer totalement, la FNSEA et les chambres d'agriculture plaident pour un encadrement strict de la pratique. Dans les coulisses, le sujet serait loin de faire l'unanimité.

Pour Nicolas Richard, il faut clairement poser la question : « Est-il plus pertinent de faire de l'agrivoltaïsme extensif qui occupera le double de surfaces agricoles ou de développer des centrales au sol sur des surfaces agricoles peu productives, définies collectivement ? » Mais, ajoute-t-il, cela ne peut être envisagé qu'en dernier recours. « Il faut d'abord déployer le solaire sur les zones artificialisées, le bâti, les zones commerciales. Puis sur les espaces très dégradés d'un point de vue écologique et après, et seulement après, envisager l'agrivoltaïsme ou le photovoltaïque sur terres agricoles ». FNE demande la création d'un observatoire des énergies renouvelables, afin de quantifier où et sur quels types de terrains les projets ont été développés jusque-là. Fait rare : les Jeunes Agriculteurs formulent la même demande, estimant que le photovoltaïque sur terres agricoles ne pourra pas être développé tant que « les terres [déjà artificialisées] et les toitures ne seront pas couvertes dans leur plus grande partie ».

Dérisquer du foncier territoire par territoire

La planification, certains territoires s'y essaient déjà. Le parc naturel régional de la Sainte-Baume (Paca) a répondu à un appel à manifestation d'intérêt (AMI) qu'a lancé la Région Sud, pour dérisquer du foncier pour le photovoltaïque. Autrement dit, identifier les surfaces sans contrainte. « Sur le territoire du parc, il y a déjà douze centrales au sol qui couvrent 180 hectares, majoritairement sur des espaces forestiers défrichés », explique la chargée de mission, Stéphanie Singh. Lors de l'élaboration de la charte du parc, créé fin 2017, les élus ont donc défini de larges zones excluant les énergies renouvelables. Il s'agit désormais d'identifier des zones propices à leur accueil.

L'étude, qui porte sur 14 communes du parc, cible les zones artificialisées (carrières, zone d'activité, bâtiments, parkings...). Après cette phase d'inventaire, une rencontre est organisée avec les potentiels maîtres d'ouvrage. « L'objectif est de retenir 50 sites potentiels pour lesquels un bureau d'études va réaliser les études techniques (matériels, possibilités de raccordement au réseau, analyse économique, autoconsommation…). Fin 2023, ce travail devrait aboutir à un catalogue de projets. » Dont des projets au sol ? « Les centrales au sol ne seront retenues que dans les zones très artificialisées. C'est ce qui nous est reproché : le photovoltaïque en toitures est moins rentable », explique Stéphanie Singh.

Voilà peut-être la principale inconnue de l'équation : quel prix (commun) est-on prêt à payer pour mener à bien la transition énergétique ?

Réactions6 réactions à cet article

STOP avant de mettre des panneaux solaires au sol, couvrir toutes les toitures des bâtiments agricoles, commerciaux, industriels, maisons, dépendances, puis on fait le décompte. Il faut raison garder et conserver des terres agricoles pour nourrir la population !

BJ50320 | 15 novembre 2022 à 10h00 Signaler un contenu inapproprié

Tout à fait d'accord: entre énergie et alimentation, il va falloir choisir! La réduction des pesticides entrainant à terme une baisse des rendements, sans parler du réchauffement climatique qui a provoqué par exemple une baisse de la production de 70% en Espagne cette année, il faut sauvegarder les terres agricoles. Par contre, les surfaces laissées vacantes par les incendies de l'été dernier seraient sans doute intéressantes à équiper car déjà déboisées avant de déboiser d'autres surfaces... Et puis effectivement il y a tous les autres espaces à conquérir en priorité: toitures, parkings, etc

Uncinulanecator | 15 novembre 2022 à 11h34 Signaler un contenu inapproprié

Pour que les panneaux photovoltaïques puissent essaimer sur les toitures plates des "boîtes à chaussures" que sont les bâtiments des zones commerciales, il faudrait qu'ils soient conçus pour en supporter la charge. Or, afin de ne pas faire fuir les porteurs de projets de grandes marques commerciales, cela n'a pas été (ou si peu) imposé par les collectivités territoriales (communautés de communes ou d'agglo par exemple). Du coup, la France se retrouve aujourd'hui avec une urgence à développer le photovoltaïque et des centaines de milliers d'hectares de toitures industrielles inexploitables. Un gâchis magistral par manque d'anticipation et de courage politique local !

Pégase | 15 novembre 2022 à 21h43 Signaler un contenu inapproprié

Combien de terres à moutons recherche t on ? Environ 55 000 ha. pour des projets d'installations agri Voltaïques de 0,73 MWc / ha. C'est beaucoup ! Nombre de projets ne passent pas l'épreuve de la commission CDPENAF. Les porteurs de projets sont qualifiés majoritairement pour le PV, certains pour sols désaffectés, pollués ( photosol ), mais peu pour l'agri Voltaïque. Dans le sud 37, on a vu passer des projets élaborés, mais la hauteur des panneaux peine à grimper (souvent H à partir de 1,1 m, 1,2 m) pas assez haut pour que l'herbe pousse de façon durable, et il faudrait des espacements de 6 - 7 m. Des projets ont l'ambition de faire évoluer leur exploitation vers des productions bio, ou agroforesterie. Les municipalités demandent une étude d'insertion paysagère, pour éviter les conflits de voisinage. Des agriculteurs cherchent un appoint, vu la hausse des coûts de production (gasoil, matériel, engrais, foncier..) L'augmentation des rendements par emploi d'engrais, pesticides ne parviennent plus à compenser). Il y a même des projets d'aubaine, proposant de l'agri, production de Plus de 0,9 MWc / ha sur sols de remblais d'anciennes carrières ! Les aides devraient aller aux exploitations qui justifient une production agricole réelle. Une réglementation plus stricte s'impose, pour ne pas supporter des "projets agri alibi ". Et encore, des projets ne spécifient pas l'échéance du projet et démantèlement. On a des méthaniseurs qui ont des récoltes comme intrants, ça suffit !!

J Cl M 44 | 15 novembre 2022 à 22h53 Signaler un contenu inapproprié

Bonjour,
Merci pour cet intéressant bilan, j'ai trois questions :
- En dehors des mesures de la loi pour l'accélération des EnR, est-ce que la poursuite de 2 GW par an est réaliste?
- Est-ce qu'il n'y a pas des des accélérations attendues du fait de récentes obligations déjà actées concernant les toitures de bâtiments tertiaires?
- Est-ce qu'il n'y a pas des marges de manœuvre pour renforcer les obligations concernant la bâtiments tertiaires?
Merci

matthieu | 16 novembre 2022 à 06h43 Signaler un contenu inapproprié

Bonjour Matthieu,
Oui l'objectif de 2 GW par an est réaliste. Il a été atteint en 2021. Les obligations sur bâtiment portent sur les constructions ou les grosses rénovations et laissent le choix à l'exploitant d'installer des énergies renouvelables ou de végétaliser. Par ailleurs, elles n'entreront en vigueur qu'en juillet 2023. Il serait possible d'étendre cette obligation à l'existant, mais en prenant en compte le fait que toutes les toitures ne sont pas adaptées à l'installation de panneaux photovoltaïques (solidité, exposition, ombres portées...).

Sophie Fabrégat Sophie Fabrégat
16 novembre 2022 à 09h05
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