La Cour des comptes a publié, le 4 février, un référé sur le bilan des plans Écophyto, qui visent une réduction de 50 % des produits phytopharmaceutiques. Elle estime « que les effets des plans Écophyto demeurent très en deçà des objectifs fixés ».
Si elle dresse des recommandations pour rendre plus efficaces les politiques visant la transition du modèle agricole, la Cour des comptes « estime que l'État pourrait davantage influer sur les modes de production et les filières par l'exercice de ses compétences normatives, de régulation et d'information ». La Cour des comptes publie également la réponse du Premier ministre, auquel elle a adressé le référé le 27 novembre dernier.
Flécher les aides vers les pratiques vertueuses
Si la Cour des comptes se félicite de la nomination du délégué interministériel pour coordonner et articuler les différentes actions, elle recommande « de mettre rapidement en place, comme l'État s'y est engagé, un tableau de bord exhaustif et public des actions et crédits nationaux et régionaux venant au soutien de cette politique ».
Elle juge nécessaire un meilleur fléchage des aides de la politique agricole commune (PAC) vers la performance environnementale et l'agriculture biologique. Cela passe par l'inscription d'un objectif prioritaire de réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques dans la future PAC. « La nouvelle Commission européenne s'est engagée à proposer des évolutions ambitieuses dans le cadre de son "Green New Deal", notamment en adoptant pour la première fois des objectifs quantitatifs de réduction des risques mais aussi de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques », souligne en réponse Édouard Philippe. Les moyens pour les atteindre à l'échelle française seront décrits dans le futur « plan stratégique national », ajoute-t-il.
Pour offrir plus de visibilité aux acteurs, un cadre pluriannuel de programmation des financements issus de la redevance pour pollutions diffuses et affectés au plan Écophyto devrait être mis en place dès 2020. Les processus annuels d'allocation des ressources devraient être simplifiés. Selon le Premier ministre, une mission inter-inspections planche actuellement sur ces questions.
Améliorer l'évaluation des substances et les contrôles
« L'État peut [aussi] agir pour améliorer les règles scientifiques et déontologiques d'évaluation des substances et adapter les procédures d'autorisations et de retraits et ainsi favoriser l'émergence de produits de substitution, dans les limites laissées à chaque État membre », estime la Cour des comptes. Dans sa lettre, le Premier ministre rappelle que « le Gouvernement a pris, en 2018 et 2019, les mesures visant à diminuer rapidement l'utilisation des substances les plus préoccupantes pour la santé et pour l'environnement ». En deux ans, 38 substances préoccupantes ont été retirées au niveau européen. La France a également procédé au retrait du métamsodium, de l'époxiconazole, et des néonicotinoïdes et apparentés. Par ailleurs, répond Édouard Philippe, « la France a été à l'initiative de l'évolution des procédures européennes d'évaluation sanitaire, adoptée en 2019 et permettant notamment aux agences sanitaires de diligenter leurs propres études en cas de besoin ».
Protection et information des citoyens
Les questions de protection des professionnels et des riverains, prégnantes, conduisent « les pouvoirs publics et les parties prenantes à s'interroger à nouveau sur la délimitation de zones sensibles et sur les activités pouvant s'y développer ». Le Premier ministre rappelle qu'un nouveau cadre a été fixé fin 2019 et que des programmes d'évaluation scientifiques des impacts des produits, notamment l'étude PestiRiv, permettront d'évaluer l'exposition des riverains.
Enfin, les ministères de l'Environnement et de l'Agriculture devraient « publier et rendre accessibles au public, chaque année, les données et les analyses rendant compte de la politique menée, des substances actives émises et de leurs effets sur la santé humaine et sur l'environnement, notamment sous forme de cartographies », recommande la Cour des comptes. Le Premier ministre souligne que de nouveaux indicateurs vont être publiés pour compléter les indicateurs aujourd'hui utilisés (Nodu et QSA), « qui s'avèrent insuffisants pour rendre compte des politiques publiques menées ». Ils permettront d'éclairer sur la suppression des produits les plus dangereux, le développement des alternatives, l'engagement des agriculteurs dans l'agriculture biologique ou de l'agriculture à Haute valeur environnementale (HVE).