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Agrocarburants : « une place limitée mais indispensable » selon l'OPECST

Après consultation d'un panel d'expert, l'OPECST estime que les agrocarburants devraient avoir une place limitée mais indispensable à l'avenir dans la production d'énergie et relativise, en outre, les problèmes de concurrence des sols en France.

Energie  |    |  S. Fabrégat
   
Agrocarburants : « une place limitée mais indispensable » selon l'OPECST
© Inra Lille/S.Cadoux
   
A l'heure où la plupart des pays se tournent vers des sources d'énergie alternatives pour lutter contre la hausse du prix du pétrole et le changement climatique, la question des agrocarburants est au centre des débats. Après un premier emballement politico médiatique sur le sujet, la prudence est de mise aujourd'hui. Car les enjeux sont tant sociaux qu'environnementaux et économiques et nécessitent une analyse complète tant la question est complexe.
Claude Birraux et Christian Bataille, deux députés chargés de préparer au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un rapport sur la stratégie nationale de la recherche énergétique, ont organisé le 1er octobre dernier une audition publique sur les agrocarburants. Il s'agissait de réunir un panel d'experts afin de clarifier les conditions et les perspectives dans lesquelles s'inscrivent les recherches sur les agrocarburants.
Deux éléments de contexte ont changé ces derniers temps, explique Christian Bataille, député du Nord. Le problème de la viabilité technique des agrocarburants a été remplacé par celui de la concurrence d'utilisation des sols. Enfin, la forte hausse du prix du pétrole, même si son coût est en rémission aujourd'hui, a créé des tensions sur les énergies fossiles.
Si les agrocarburants constituent de ce fait une piste d'énergie nouvelle pour les transports, fortement encouragée par les constructeurs automobiles et les professionnels de l'agriculture, Claude Birraux, député de Haute-Savoie, a souligné que ces nouveaux carburants avaient une place indispensable pour l'avenir mais que cette place serait et devait rester limitée.

Les transports routiers, premier débouché des agrocarburants

Les transports routiers constituent le premier débouché de la filière des agrocarburants. Ceux-ci dépendent aujourd'hui à 98 % des hydrocarbures liquides et consomment près de la moitié du pétrole extrait dans le monde. Compacité énergétique, facilité d'usage et stabilité font que les carburants liquides resteront la voie prioritaire exploitée à l'avenir par les transports routiers, estime Pierre-René Bauquis, professeur associé à l'ENSPM. Si la priorité restera aux énergies liquides car elles sont idéalement adaptées à l'automobile, nous devons sortir du tout pétrole, note André Douaud, directeur technique au Comité des constructeurs français d'automobiles. D'où l'engouement actuel de la profession pour les agrocarburants…

Même si la production mondiale d'agrocarburants a doublé entre 2000 et 2005, celle-ci représente aujourd'hui moins de 2 % de la consommation des transports. En 2007, la production d'agrocarburants s'élevait à près de 36 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) alors que le secteur des transports a consommé plus de 2.000 Mtep de carburant. Si la part des agrocarburants dans les transports reste très faible aujourd'hui, l'Agence internationale de l'énergie a estimé qu'en 2030, sa production pourrait être multipliée par 6, voire 10 dans le cas où des politiques volontaristes seraient menées. Un développement qui doit nécessairement prendre en compte les impacts sociaux et environnementaux que posent de telles filières.

Impacts environnementaux et concurrence de l'occupation des sols

Pourtant, selon Hervé Guyomard, directeur scientifique à l'INRA, il n'y a pas vraiment de concurrence en terme de surface entre les cultures vivrières et la production d'agrocarburants. En terme de production, il n'y a pas de concurrence non plus. Le problème porte davantage sur l'augmentation des consommations humaines, animales et énergétiques à l'avenir. L'impact des agrocarburants sur la hausse du prix des matières premières ? Les instituts de recherche avaient prévu une hausse des prix agricoles résultant de la croissance démographique conjuguée à l'urbanisation. L'impact environnemental d'une telle production ? Sur un hectare destiné auparavant à un usage alimentaire et utilisé pour la production d'agrocarburants, on obtient un bilan d'émissions de CO2 positif, grâce à la valorisation de co-produits, notamment utilisés pour l'alimentation animale. L'incertitude pèse quand on parle en terme de terres non utilisées auparavant. Le bilan peut être négatif en cas de déforestation, utilisation d'intrants… L'expert balaie donc tous les arguments utilisés par les opposants à un développement important de la filière des agrocarburants. Pierre Cuypers, président de l'association nationale pour le développement des carburants agricoles confirme : il y a une disponibilité des sols très large en France. La valorisation des coproduits permettrait de limiter les importations de protéines pour les animaux. Le bilan énergétique est bon et le développement de la filière soutiendrait la création d'emplois, de l'ordre de 6 à 10 emplois pour 1.000 tonnes de produit travaillé.
Un bémol cependant selon Bruno Jarry, de l'académie des technologies : l'objectif de 10 % d'agrocarburants à l'horizon 2020 pose néanmoins problème dans le sens où l'on devra importer de la matière première provenant de pays qui n'ont pas le même intérêt que nous pour l'environnement.
Oui aux agrocarburants en France et en Europe, non aux carburants agricoles importés, c'est la conclusion sur laquelle semblaient s'accorder tous les experts consultés mardi dernier.

Première, deuxième, troisième génération…

En France, 2 milliards d'euros ont été investis dans des équipements industriels destinés à la production d'agrocarburants depuis 5 ans. L'enjeu économique est donc énorme. D'où l'espoir qui repose sur le développement des carburants agricoles de deuxième et troisième générations. Ceux-ci ne poseraient plus la question de la concurrence avec les filières alimentaires puisque la deuxième génération est produite à partir de matière première non alimentaire, selon Olivier Appert, président de l'IFP. Alors que les agrocarburants de première génération utilisent principalement des productions agricoles à usage alimentaire (colza, soja, tournesol, canne à sucre…), la deuxième génération se tourne vers des plantes telles que les miscanthus, la jatropha… De plus, leurs rendements à l'hectare sont supérieurs et les bilans environnementaux positifs. Mais le président de l'IFP prévient : Attention, moins on sait, moins on doute ! Les carburants de deuxième génération sont actuellement au stade de la recherche et ne devraient pas être développés avant 2015. L'enjeu des projets en cours est de s'assurer qu'il y a un enchaînement adéquat des briques : compatibilité avec les véhicules, coûts optimisés mais aussi baisse des impacts environnementaux… Il est nécessaire de réaliser dès aujourd'hui des bilans socio économiques.
Il est donc trop tôt aujourd'hui pour connaître l'intérêt d'une telle filière. Il reste un certain nombre de problèmes à résoudre à toutes les échelles, reconnaît Paul Lucchese, du CEA. Nous avons besoin de développer la partie recherche de base.
Quid de la troisième génération, produite à partir d'algues ? Malgré des atouts incontestables, cette filière pose la question des surfaces de culture nécessaires mais aussi de coûts élevés. Dans tous les cas, ce ne sera donc pas pour demain !

Réactions2 réactions à cet article

Les algues n'ont pas besoin de terres agricoles

"Quid de la troisième génération, produite à partir d'algues ? Malgré des atouts incontestables, cette filière pose la question des surfaces de culture nécessaires"

Les algues ont besoin de soleil et d'eau qui peut être salée. Leur culture pourra donc se faire par exemple le long de la côte ouest et nord de l'Afrique dans des régions actuellement désertiques.

Maroc, Mauritanie, Sénégal, Egypte, futurs nababs du pétrole vert.

JkB | 06 octobre 2008 à 19h34 Signaler un contenu inapproprié
Oui, très bien, mais

Très intéressant. Mais, si on pousse le raisonnement à un horizon où le pétrole aura disparu (peut être plus vite que prévu, imaginons une guerre ou un embargo) on s'aperçoit qu'il faut réduire grandement notre mobilité, que le biocarburant ne peut être produit et consommé qu'au même endroit et qu'un facteur dix est à viser dans la réduction de la mobilité.
Ce qui veut dire, en première approximation, dix fois moins de voitures, de camions, d'avions etc. On voit donc bien se dessiner, plus vite que certains ne le pensent, une nouvelle forme d'économie et de société. Une société de proximité où la mobilité n'est plus un droit.
Cela peut faire peur, tétaniser les incompétents trop nombreux du système, mais il y a de véritables marges d'économies. Si on se réfère à la théorie du facteur 4, chère aux écologistes, on voit que nous avons déjà, a priori, 75 % de marge à confort égal. De 75 à 90 % il ne reste que 15 % à gagner. D'une part ce n'est pas l'impossible et d'autre part nous n'avons pas le choix.

rené-pierre | 10 octobre 2008 à 12h25 Signaler un contenu inapproprié

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