En plein pic des particules fines dans plusieurs régions, l'association Ecologie sans frontière (ESF) a déposé mardi 11 mars une plainte contre X au tribunal de grande instance de Paris pour "mise en danger de la vie d'autrui" en dénonçant "l'inaction des pouvoirs publics".
Depuis 6 jours les seuils d'alerte à la pollution ont dépassé les records notamment en région Ile-de-France et à Paris. Suite à cette plainte, le maire de la capitale, Bertrand Delanoë, a aussitôt défendu le bilan de sa mandature en matière de qualité de l'air. En pleine campagne électorale, il a notamment rappelé l'adoption en 2007, d'un Plan climat qui fixe l'objectif de réduction de 25% de réduction de l'émission de gaz à effet de serre d'ici 2020 sur le territoire parisien, la limitation de la vitesse sur le périphérique et sur les grands axes urbains ou encore l'objectif que 50% des livraisons de marchandises à Paris soient réalisées en véhicule non diesel d'ici 2017. "La qualité de l'air s'est globalement améliorée depuis 10 ans à Paris, comme l'ont souligné plusieurs études d'Airparif", a-t-il martelé dans un communiqué. Et de citer une étude publiée en juillet 2013 démontrant que les particules fines "y ont diminué de 35% (malgré la diésélisation du parc automobile français), les oxydes d'azote de 30%, et les émissions de CO2 de 13%".
Cette première action judiciaire "pose la question de l'action menée par les pouvoirs publics pour lutter contre ce fléau urbain. La santé des citoyens est une question sérieuse qui ne mérite ni les approximations, ni les exploitations politiciennes. Je ne peux laisser penser que la Ville de Paris aurait été attentiste en la matière", a répondu M.Delanoë. La Ville de Paris a mis en place lundi le stationnement résidentiel gratuit durant l'épisode de pollution.
De leur côté, les élus écologistes au Conseil régional d'Ile-de-France, qui approuvent cette plainte, "rappellent que le problème doit être pris en compte sur l'ensemble du territoire francilien". "Si l'utilisation des véhicules individuels doit être limitée, il faut que les aires de stationnement autour des gares dans l'ensemble de la Région soient également gratuites", a indiqué Mounir Satouri, président du groupe EELV au Conseil régional. Les écologistes demandent également au Préfet de Région "d'instaurer la circulation alternée en cas de pics de pollution".
Plainte contre X : "un aveu d'impuissance" pour les médecins
Le parquet a deux mois pour transmettre la plainte d'Ecologie sans frontière à un juge d'instruction. L'ONG a également lancé "un appel aux victimes et à leurs familles pour s'associer à la plainte".
L'Association Santé Environnement France (Asef), qui rassemble près de 2.500 médecins, a annoncé ce 11 mars qu'elle ne portera pas plainte. "Même si dans le meilleur des cas la plainte aboutit, est-ce que cela va changer quoi que ce soit ? Les médecins de l'Asef en doutent fort", a déclaré l'association dans un communiqué.
Pour le Dr Patrice Halimi, Secrétaire général de l'Asef : "Nous comprenons que certaines associations, qui comme nous travaillent sur le sujet, perdent patience car il y a de quoi se décourager. Mais, de notre point de vue, porter plainte contre X est finalement un aveu d'impuissance. Un ultime recours avant la fin. Car, au fond, nous sommes tous un peu responsables et nous avons bien souvent les élus que nous méritons…. Alors, pour nous, porter plainte contre X revient à porter plainte contre chacun de nous". L'Asef estime que "l'important est de sensibiliser les populations, les usagers, les entreprises, les collectivités territoriales. Leur faire accepter que limiter ses déplacements routiers, c'est améliorer sa liberté… respiratoire (…) Pour qu'ils acceptent d'abandonner leur voiture, il faut qu'on leur propose une alternative au moins aussi efficace, mais pas qu'ils se sentent coupables… Je ne suis pas sûr que porter plainte aille dans ce sens, au contraire", juge le Dr Halimi.
Le gouvernement "mobilisé"
Ce pic de pollution aux particules "devrait perdurer encore plusieurs jours sous l'effet des conditions anticycloniques", a prévenu le ministère de l'Ecologie, en soulignant qu'il touche principalement le Nord, l'Est et le Sud Est du pays.
Le gouvernement "n'est pas spectateur de la situation" et s'est engagé "dans la réduction des émissions de polluants atmosphériques dans tous les secteurs émetteurs (transports, industries, résidentiel/tertiaire, agriculture)", a affirmé le ministère dans un communiqué.
Philippe Martin, ministre de l'Ecologie, a présenté l'avancement des 38 mesures du plan d'urgence pour la Qualité de l'air le 18 décembre dernier. Parmi les 35 mesures nationales, "26 sont achevées ou en passe de l'être et 6 sont engagées ", a précisé le ministère.
L'arrêté interministériel réorganisant et renforçant le dispositif de gestion des pics de pollution "est en cours de signature, pour une entrée en vigueur au 1er juillet 2014". Cet arrêté prévoit l'harmonisation nationale des procédures préfectorales et des critères de déclenchement. Le texte contient également "la liste des actions sectorielles pouvant être retenues par les préfets en cas d'épisode de pollution", a annoncé le ministère.
Localement, la mise en œuvre des plans de protection de l'atmosphère (PPA) "se poursuit", a-t-il assuré. D'ici l'été 2014, tous ceux concernés par le contentieux européen relatif aux particules "seront approuvés". Il s'agit des zones géographiques : Marseille, Toulon, Paris, Douai-Béthune-Valenciennes, Lille, Grenoble, Lyon, la Zone Urbaine Régionale de Rhône-Alpes, Nice, la Zone Urbaine Régionale de PACA et la Martinique.