Concernant les algues vertes, ''les plans proposés n'apporteront que peu d'effets à court terme et ne pourront pas atteindre l'objectif d'une réduction significative des marées vertes à l'horizon 2027'', affirment dix chercheurs, membres du conseil scientifique du plan de lutte contre les algues vertes. Ces derniers ont dénoncé dans un article du Courrier de l'environnement de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra). les méthodes utilisées pour l'élaboration des projets et la résistance manifeste au changement des acteurs impliqués. Ces derniers avaient déjà appelé à un changement des pratiques dans un rapport publié en février 2011.
Constitué pour valider les orientations du plan Algues vertes de 2010, le comité a analysé les huit diagnostics et programmes d'actions des principaux bassins versants générateurs d'algues vertes. ''De manière générale, les plans d'action se sont focalisés sur une amélioration des pratiques à court terme ; très peu affichent des objectifs chiffrés et aucun n'envisage une évolution au-delà de l'échéance 2015'', regrettent les scientifiques.
Dépendantes des apports de nutriments azotés, les marées vertes apparaissent dans des contextes de faible renouvellement des eaux, eaux peu profondes limpides et chaudes, sédiments sableux à sablo-limoneux, etc., selon les auteurs du document. Le flux d'azote dissous amené par les rivières serait en grande partie responsable. ''Les diagnostics présentés indiquent que l'activité agricole contrôle 90 à 98% de ce flux selon les bassins versants'', estiment les scientifiques.
Un manque d'indicateurs d'état et de pression
Premier constat : les diagnostics de bassin versants fournis par les projets ne permettent pas la confection de plans efficaces et ont peu recours à des indicateurs d'état et de pression (par exemple la production d'azote organique par hectare par sous-bassin versant ou par commune).
Ainsi, selon eux, les estimations de flux d'azote agricole entrants reposent sur des méthodes classiques, mal consolidées. ''La relative meilleure qualité de certains diagnostics réalisés par les porteurs de projet eux-mêmes -et non en sous-traitance- constitue peut-être une indication de la nécessité d'un fort investissement et d'une excellente connaissance du milieu pour parvenir à réaliser une réelle analyse dynamique dont découlent les actions nécessaires'', analysent les chercheurs. Ils recommandent que le plan d'action régional se base sur plusieurs indicateurs qui reflètent les différents niveaux et leviers de contrôle ainsi que de gestion (parcelle, exploitation, sous-bassin versant, territoire) établis suivant une méthode transparente fixée pour la durée du programme.
Autre regret : aucun projet n'envisage de réduction significative du cheptel en élevage, ni des apports d'engrais minéraux, ou d'évolution vers des systèmes plus extensifs. '' Il manque en fait une véritable étude technico-économique comparée de divers scénarios d'abaissement drastique des fuites d'azote agricoles : quelle baisse des teneurs en nitrate dans la rivière, mais aussi quels gains ou pertes financières pour l'agriculteur et le territoire de scénarios de changements massifs de système de production, de réduction de SAU ou de cheptel ?, etc.'', constatent les scientifiques.
La méthanisation, une mauvaise solution
Si le recours à la méthanisation figure dans la plupart des projets examinés, les scientifiques déconseillent d'encourager cette solution. Comme le pouvoir méthanogène des algues est faible car pauvre en carbone, il faudrait introduire des substrats comme des graisses animales, déchets verts ou ensilage de maïs. ''Si le cheptel ne diminue pas, la part de la production végétale détournée vers la production énergétique sera compensée par une augmentation des importations déjà élevées de protéines végétales et de céréales, anticipent les auteurs, le surplus potentiel ne peut que conduire à une augmentation de l'excédent azoté''.
Les scientifiques s'étonnent également des choix réalisés dans les plans d'actions. Alors que le flux azoté issu des rejets urbains représente en moyenne 4,4% des apports nets d'azote aux bassins versants, sa réduction est affichée comme un volet clef.
Autre action mise en avant mais dont les impacts seront limités, selon les auteurs : la réhabilitation des zones humides. ''Les spécificités régionales ne permettent pas d'espérer faire fonctionner les zones humides dénitrifiantes de manière optimale, modèrent les chercheurs, par d'ailleurs le gain des actions de réhabilitation des zones humides est chiffré par les porteurs de projets au plus à 5% des flux sortants''.
Pour eux, les actions foncières proposées manquent d'une prise en compte des facteurs humains et structurels. ''Les porteurs de projet auraient pu proposer à titre expérimental des actions foncières coordonnées pour accompagner et faciliter les changements de systèmes agricoles, et souligner ainsi que la politique de structures est aujourd'hui obsolète face aux nouveaux défis agricoles''.
Les auteurs du document soulignent également l'absence de réflexion sur les mécanismes économiques de passage à une agriculture qui utilise moins de pesticides et d'engrais chimiques, moins intensive et plus intégrée.
''Il serait sans doute souhaitable de mettre en oeuvre un plan d'ensemble avec une mutualisation des risques à l'échelle de la région, ceci afin que les agriculteurs des bassins concernés puissent bénéficier de la solidarité et du soutien publics et qu'ils puissent faire évoluer significativement leurs systèmes de production'', pointent les scientifiques.