
© Louis Verveur
C'est un rapport sévère, rédigé à la demande du préfet de la Région Bretagne et daté du 7 février 2011, qu'a remis le Comité scientifique chargé d'évaluer le Plan gouvernemental de lutte contre les algues vertes. Le projet de la Lieue de Grève obtient un "avis globalement positif" assorti de "réserves significatives sur plusieurs points." Quant à celui de la Baie de Saint-Brieuc il n'est tout simplement "pas acceptable en l'état", notamment car il est "trop conventionnel [et il] ne se place pas d'emblée dans la nécessité de la mise en place d'un nouveau modèle agricole."
Certes, le Comité souligne que les projets de la Lieu de Grève et de la Baie de Saint-Brieuc "marquent clairement une volonté de la profession agricole de diminuer les fuites d'azote nitrique à la rivière et à la mer côtière […], un premier point très positif", mais il pondère ces propos et juge que "néanmoins, ces deux projets proposent des actions dont l'ambition globale risque d'être insuffisante." En effet, "les méthodes retenues dans ces deux projets ont déjà été utilisées pour plusieurs d'entre elles dans les programmes d'action précédents et se sont avérées insuffisamment efficaces", estiment les chercheurs.
Ils regrettent en particulier que l'accent ne soit pas mis sur des pratiques permettant de réduire massivement les apports d'azote, telles qu'une diminution massive des excédents d'azote et un usage parcimonieux des engrais minéraux, une meilleure utilisation des déjections, "voire réduction du cheptel si besoin."
Un objectif trop bas et une réduction linéaire injustifiée
L'un des points soulevé par le rapport est la probable insuffisance de l'objectif fixé. En effet, le Plan vise une concentration en nitrate à 10 milligrammes par litre (mg/L), alors que les travaux de l'Ifremer sur les baies confinées indiquent que les algues vertes apparaissent dès qu'on dépasse le seuil des 5 mg/L. "Les deux projets considèrent que le problème des marées vertes aura disparu dès qu'on aura atteint 10 mg/L NO3 dans les tributaires, ce qui ne sera vraisemblablement pas le cas", concluent les experts qui jugent qu'une concentration inférieure à 5 mg/L permettrait probablement que "la biomasse échouée sur les plages soit compatible avec l'usage touristique."
Mieux suivre les pratiques agricoles et renforcer le Plan en 2015
S'agissant des propositions, le Comité "[suggère] que ce plan algues vertes soit l'occasion de réaliser un outil moteur de plan prévisionnel de fumure (PPF) régional ou interrégional mettant en œuvre tous les acquis disponibles de l'agronomie et de la fertilisation équilibrée." En clair, il s'agit de développer une série d'outils de contrôles qui permettraient de connaître sur le long terme les pratiques agricoles dans les parcelles. "Le coût d'un tel projet reste par ailleurs extrêmement modeste pour les financeurs", ajoute le Comité.
Enfin, "le comité scientifique souligne […] que même le projet le plus abouti, celui de la Lieue de Grève, ne constitue qu'une première étape." Il est donc "clair […] qu'une étape plus importante devra être conduite après 2015 au vu des résultats obtenus."
En conclusion, compte tenu de l'inertie et du temps de réponse des bassins versants, les scientifiques jugent "qu'en l'absence d'une forte réduction de la pression agricole, qui pourra nécessiter des changements structurels majeurs, les efforts entrepris aujourd'hui semblent avoir peu de chance d'aboutir aux objectifs escomptés en 2027 par le plan algues vertes, à savoir le bon état écologique des cours d'eau."