Pour développer la filière apicole et réduire les mortalités d'abeilles en France, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a lancé le 8 février un plan pour la période 2013-2015.
Ce plan global d'action s'inscrit dans le cadre du projet agro-écologique présenté en décembre dernier par le ministre visant à structurer et professionnaliser les filières françaises "de demain" dont la filière apicole.
50% du miel importé, 30% de mortalité des colonies
A l'occasion d'un déplacement au sein d'une exploitation dans la Sarthe, le ministre de l'Agriculture a ainsi rappelé l'importance économique et écologique des abeilles "indispensables à la production nationale de miel et d'autres produits de l'apiculture mais aussi à la pollinisation et donc à l'agriculture".
Mais si, chaque année, la France consomme 40.000 tonnes de miel, elle en produit seulement près de la moitié (soit 18.500 tonnes), a-t-il déploré. Alors que "25.500 tonnes de miel par an sont importées" en grande partie de Chine, il faudrait un million de ruches et 3.000 apiculteurs supplémentaires pour répondre à la demande française, chiffre le ministère.
La production de miel nécessite donc de mieux organiser la filière déjà fragilisée par une mortalité accrue des colonies d'abeilles depuis une vingtaine d'années : "les mortalités hivernales moyennes sont supérieures à 20% et il est fréquent que les taux de pertes dépassent les 30% par an", ajoute le ministère.
"Au-delà de l'aspect économique, la mise en place d'un plan de développement durable de l'apiculture doit permettre la préservation de la population d'abeilles, ce qui est indispensable à la vie végétale", a souligné Stéphane Le Foll.
40 millions d'euros dédiés à la filière
L'objectif affiché du plan est donc "de faire de la France l'un des grands pays apicoles de l'Union européenne" et "de développer le cheptel apicole dans un contexte de fragilité généralisée des colonies d'abeilles".
Pour ce faire, ce plan, doté de 40 millions d'euros sur trois ans, s'articulera en 17 axes déclinés en 115 actions pour lutter contre la surmortalité des colonies et développer la filière apicole, a précisé le ministre.
Pour favoriser "la recherche sur la santé des abeilles", le ministère prévoit la création en 2013 d'un observatoire des résidus de pesticides dans l'alimentation de l'abeille (pollen, nectar…), avec pour objectif de diminuer leur impact en réduisant "l'utilisation systématique du parapluie chimique en agriculture" via une campagne de sensibilisation. Une épidémiosurveillance des intoxications des colonies d'abeilles sera lancée.
Afin de "préserver les colonies", il s'agit également d'une part de lutter contre le frelon asiatique, prédateur des abeilles, classé comme espèce nuisible fin 2012 et très prochainement envahissante, et d'autre part de lutter contre les parasites (Varroa) ou les infections, autres causes de leur déclin. Des programmes de surveillance et de prévention sont prévus à l'instar de la mise en place de pièges sélectifs et/ou de méthodes de lutte biologique contre le frelon asiatique. Un organisme à vocation sanitaire national "compétent" en matière de maladies des abeilles sera également désigné.
Le ministère entend également augmenter le nombre de colonies d'abeilles en mettant en place "une filière française compétitive" d'élevage de reines et d'essaims. Il s'agit de soutenir et d'organiser la recherche génétique (définition des critères de sélection de chaque type d'abeille, création de conservatoires régionaux de conservation et de diffusion de la génétique d'abeilles adaptées à l'écotype local...). Le système de déclaration des ruchers sera en outre "amélioré" et le contrôle des importations de reines et de cheptels sera "renforcé".
"Encourager les nouveaux apiculteurs"
Retrouver la biodiversité "nécessaire à l'apiculture" figure aussi parmi les actions. "Pour produire du miel, il faut des fleurs, et pour maintenir les abeilles en bonne santé, il faut une flore variée". Pour bénéficier de soutiens liés au verdissement de la nouvelle Politique agricole commune (PAC), le ministère prévoit de promouvoir les plantes mellifères dans les surfaces dites d'"intérêt écologique" en faveur des colonies.
Pour relancer la production en France, le plan vise aussi à structurer la filière apicole et développer la professionnalisation en "créant des formations initiales et continues au métier de l'apiculture". Alors que seuls 1.600 apiculteurs (4%) seraient "professionnels", le ministère veut créer une formation de technicien en productions végétales option apiculture (BTS, BAC pro…). Des structures collectives de formation par les associations et syndicats (ruchers écoles) et dans les lycées agricoles avec la participation notamment des associations de développement de l'apiculture (ruchers de formation) seront également "encouragées".
Il s'agit aussi de développer la recherche via le lancement d'un appel à projets 2013-2015 en collaboration avec l'ANR et favoriser la création d'une chaire d'enseignement supérieur en apidologie (biologie et physiologie de l'abeille, élevages des abeilles, production de miel et autres produits de la ruche, écotoxicologie…).
L'objectif est également "d'encourager l'installation de nouveaux apiculteurs" : 200 à 300 installations par an, a précisé le ministre lors de sa visite. Les chambres d'agriculture seront "encouragées" à soutenir les exploitants agricoles apiculteurs, notamment lors de leur installation et "dans les phases importantes" du développement de leur exploitation.
Interdiction des néonicotinoïdes soumise à l'échelle européenne
Si le plan vise à redynamiser la filière et diminuer l'impact des pesticides, le ministre n'a toutefois pas annoncé de nouvelle interdiction effective de phytosanitaires, au grand dam des apiculteurs qui demandent le retrait définitif des trois molécules insecticides de la famille des néonicotinoïdes (la clothianidine, l'imidaclopride et le thiaméthoxam) épinglées mi-janvier par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) dans le déclin des abeilles.
Fin janvier, la Commission européenne a proposé d'interdire pendant deux ans à compter du 1er juillet 2013 l'utilisation de ces pesticides néonicotinoïdes sur quatre types de cultures (maïs, colza, tournesol et coton). Bruxelles souhaite soumettre cette interdiction au vote des Etats-membres le 25 février. Mais si Stéphane Le Foll a déjà interdit en juillet 2012 l'utilisation sur le colza du pesticide Cruiser OSR de Syngenta, il n'envisage pas pour l'heure le retrait de mise sur le marché du Cruiser 350 utilisé sur le maïs alors que la matière active des deux insecticides est le thiamétoxam pointé par l'Efsa.
Si le ministre a réaffirmé sa volonté de "soutenir la position de la Commission", il préfère toutefois s'en remettre à la décision des Etats membres qui voteront l'interdiction ou non des néonicotinoïdes cet été et ainsi "éviter toute concurrence déloyale", a-t-il déclaré selon l'AFP, en s'interrogeant sur les alternatives possibles pour les productions céréalières. "2013 sera une année avec pesticides et nous sommes déçus", a pour sa part déploré Olivier Belval, président de l'Union nationale de l'apiculture française (Unaf)."Aider financièrement une filière qui subit une énorme hémorragie d'abeilles ? Autant jeter de l'argent dans un puits sans fond !", a-t-il indiqué au Monde.