En 2008, la France lançait son plan Ecophyto pour réduire de 50% l'utilisation des pesticides d'ici 2018. Dix ans après, on en est au même point. Voire pire. Entre 2009 et 2017, le nombre de doses unités (Nodu), nom de l'indicateur qui sert à évaluer l'utilisation des pesticides, a augmenté de 12,4% selon les chiffres présentés lors du comité de suivi vendredi 27 juillet. Les molécules qui semblent augmenter le plus sur ces dernières années sont les fongicides. Le seul point positif est la diminution significative des usages non agricoles puisque ceux-ci baissent de 38% entre 2015 et 2016. Suite logique de la loi Labbé qui interdit depuis janvier 2017 l'utilisation des produits phytosanitaires pour l'entretien des espaces verts, forêts, promenades et voiries accessibles ou ouverts au public.
La version 2 du plan Ecophyto - lancée en 2015 avec un objectif de 50% décalé à 2025 - n'a pas eu d'effets. Un constat d'échec qui pose question. "L'outil Ecophyto est intéressant mais la sortie des pesticides ne se fera pas sans l'activation d'autres leviers économiques et règlementaires nécessaires pour obtenir une mobilisation de l'ensemble de la profession", estime Claudine Joly, en charge des questions pesticides à France Nature Environnement. "Ecophyto n' a pas marché car c'est une approche punitive et stigmatisante, expliquait Christiane Lambert, la présidence de la FNSEA, il y a peu. Les solutions n'étaient pas disponibles, [la météo] ne nous a pas aidé et l'approche était élitiste". Alors le plan Ecophyto a-t-il encore un avenir ?
Une version bonus pour donner une nouvelle impulsion
Le gouvernement a l'air d'y croire. "Ces résultats insatisfaisants ne doivent pas masquer les avancées concrètes du plan Ecophyto sur de nombreux volets : développement du réseau des fermes Dephy, déploiement des Certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), actions visant les jardins et espaces verts, définition de priorités régionales, etc", argumentent les ministres de la Transition écologique, de l'Agriculture, de la Santé et de la Recherche. Ces derniers comptent donner "une nouvelle impulsion".
Une impulsion qui pourrait venir aussi du monde agricole. Quarante partenaires ont présenté, début juillet, le contrat de solutions déployables dès maintenant pour réduire l'utilisation des phytos. Lors du comité de suivi, deux interprofessions, qui font figure d'exception, ont présenté leurs objectifs : 45% de réduction en grandes cultures et oléoprotéagineux et 50% en viticulture d'ici trois ans.
Les ministres ont de leur côté présenté une version améliorée du plan : la version Ecophyto 2+. Un "plus" qui signifie l'introduction de mesures complémentaires à celles déjà engagées. Ces mesures "bonus" sont celles du plan d'actions sur les produits phytopharmaceutiques présenté le 25 avril dernier et du plan d'actions de sortie en trois ans du glyphosate présenté le 22 juin dernier.
A cela s'ajoute un fléchage des 71 millions d'euros dédié à Ecophyto chaque année. La priorité est donnée aux actions de recherche appliquée et de transfert de l'innovation ainsi que le déploiement des collectifs d'agriculteurs. Les outils du Grand plan d'investissement seront également mobilisés pour soutenir le développement et la mise sur le marché de nouvelles solutions technologiques en agroéquipement ou en biocontrôle.
"Quelques rares dérogations" pour les néonicotinoïdes
Les ministres en ont profité pour lister les actions lancées depuis la présentation des deux plans : saisie des inspections générales pour évaluer les dispositions réglementaires concernant les lieux accueillant des personnes vulnérables et la définition des points d'eau, saisie de l'Inserm et de l'Anses, constitution du comité de suivi glyphosate et préparation du centre de ressources sur les alternatives, etc.
Plusieurs annonces ponctuent leur communiqué de presse : les autorisations de mise sur le marché des produits contenant du glyphosate par l'Anses seront limitées à trois ans pour encourager la substitution. Les usages, pour lesquels des solutions alternatives non chimiques existent et sont couramment utilisées, seront progressivement interdits.
Pour ce qui est des néonicotinoides, seules "quelques rares" dérogations aux interdictions décidées sont "envisageables". "Elles ne pourront concerner que des produits à base d'acétamipride pour de faibles volumes et feront l'objet d'une instruction approfondie quant à leurs impacts", préviennent les ministères.
Des annonces suffisantes ?
Pour les associations qui suivent ce plan depuis ses débuts, la perplexité persiste. "Les contrats de solutions présentés par la FNSEA sont les bienvenus, mais ils arrivent avec 10 ans de retard… et il faudra plus que des bonnes intentions pour aller vers la sortie des pesticides", juge FNE. "L'actuelle ébauche de plan présentée aujourd'hui ne pourra pas permettre selon nous une évolution à la baisse significative de ces chiffres. En effet, pour notre association, ce nouveau plan manque d'une approche claire sur de nécessaires changements radicaux de systèmes agricoles", estime Générations futures, qui entend faire de "nombreuses propositions d'amélioration" dans les prochaines semaines puisque le plan Ecophyto 2+ sera soumis à la consultation publique à l'automne prochain et publié avant fin 2018.