En complément de sa feuille de route bas carbone 2050, la Commission européenne a présenté mercredi 9 mars un nouveau Plan Efficacité Energétique qui doit permettre de relancer les actions en la matière, plutôt délaissées jusqu'à maintenant, afin d'atteindre l'un des trois objectifs du paquet énergie-climat à savoir améliorer de 20% l'efficacité énergétique européenne d'ici 2020. Le Commissaire européen chargé de l'énergie a justifié ce nouveau plan en rappelant que "malgré les progrès réalisés, nos estimations montrent qu'une nouvelle initiative décisive et coordonnée est nécessaire en matière d'efficacité énergétique, sans quoi l'UE n'atteindra pas son objectif de 20% d'économies d'énergie d'ici à 2020". Selon la Commission, la tendance actuelle ne permettrait d'atteindre que la moitié de l'objectif !
Le secteur public appelé à montrer l'exemple
La Commission mise sur les économies d'énergie réalisables par le secteur public. Celui-ci représente 17% des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l'UE et possède ou occupe 12% des surfaces immobilières européennes. Pour l'UE, il est donc crucial d'apporter plus d'attention à ce secteur qui recouvre à la fois l'achat public, la rénovation des édifices publics et encourage la haute performance dans les villes. "Le secteur public peut créer des marchés pour des technologies, des services et des modèles économiques au rendement optimum". Le plan propose d'ailleurs la mise en place d'un objectif contraignant pour accélérer le taux de rénovation des bâtiments publics. Les pouvoirs publics devraient être obligés de rénover au moins 3 % de leurs bâtiments chaque année. L'outil des marchés publics est également plébiscité pour favoriser les produits et les services plus économes en énergie de même que les contrats de performance énergétique (CPE). La Commission note toutefois que dans de nombreux Etats membres le développement des CPE est compromis par l'absence de cadre légal et de données de consommations d'énergie fiables. Elle entend d'ailleurs proposer une législation pour lever cet obstacle courant 2011.
Le secteur du bâtiment au premier plan
Le secteur du bâtiment et son fort potentiel d'économie intéresse également la Commission qui entend éclaircir la réglementation dans ce domaine et notamment la répartition des économies réalisées entre le locataire et le propriétaire d'un bien. Les Etats membres devront se pencher sur la question et présenter des solutions. Bruxelles constate également un manque de formation appropriée pour les architectes, ingénieurs, auditeurs, artisans, techniciens et installateurs, notamment pour ceux impliqués dans la rénovation. "Aujourd'hui, environ 1,1 million d'ouvriers qualifiés sont disponibles, alors qu'il en faudrait 2,5 millions en 2015". La Commission lance donc "l'Initiative pour une main-d'œuvre du bâtiment qualifiée" pour soutenir des Etats membres en évaluant des besoins de formation du secteur et en stimulant des programmes de formation efficaces.
Une industrie compétitive et économe
Environ 30% de la consommation d'énergie primaire de l'UE est due au secteur de l'énergie, principalement pour la production et la distribution d'électricité et de chaleur. Le plan prévoit par conséquent un remplacement des équipements avec les Meilleures Techniques Disponibles (MTD). Ces MTD pourraient devenir obligatoires pour l'obtention des autorisations d'exploitation.
Dans l'industrie, la commission note que les progrès en matière d'efficacité énergétique ont été très importants avec une amélioration de 30% de l'intensité énergétique sur 20 ans. Mais des économies sont encore possibles. La Commission prévoit également des exigences en matière d'efficacité énergétique applicables au matériel industriel, un renfort des informations communiquées aux PME, ainsi que des audits énergétiques et des systèmes de gestion énergétique pour les grandes entreprises.
Un potentiel de 1.000 euros par ménage et par an
"L'ensemble des mesures proposées a pour objectif de générer des avantages considérables pour les ménages, les entreprises et les pouvoirs publics", explique la Commission. Selon ses estimations, son plan devrait potentiellement faire économiser jusqu'à 1.000 euros par ménage et par an, renforcer la compétitivité industrielle de l'UE et créer jusqu'à 2 millions de nouveaux emplois. L'ensemble des propositions sera traduit en une proposition législative dans les prochains mois et fera l'objet d'un suivi. "Si les conclusions révèlent que l'objectif global de l'UE risque de ne pas être atteint, la Commission proposera des objectifs juridiquement contraignants pour 2020", prévient l'institution.
Des solutions jugées insuffisantes
Ce Plan Efficacité Energétique n'a pas manqué de faire réagir plusieurs associations environnementales et notamment les Amis de la Terre. L'association regrette que l'objectif d'efficacité ne devienne pas contraignant. Le Bureau européen de l'Environnement qui regroupe plus d'une centaine d'associations européennes estime lui aussi que ce plan manque d'ambition : "ce plan manque de mesures d'urgence", déclare Catherine Pearce, responsable de la politique énergétique au BEE. "Les quelques mesures proposées sont laissées à l'appréciation des Etats membres", ajoute-t-elle.
Le manque "d'actions" est également déploré par Yannick Jadot, eurodéputé du groupe Verts/ALE : "le Commissaire [à l'énergie Günther Oettinger ] a eu l'honnêteté de changer le nom de son plan, qui n'est désormais plus un Plan "d'action" pour l'Efficacité Énergétique. Car d'action, il n'y en a guère !". Claude Turmes, député européen luxembourgeois du Groupe Vert/ALE estime quant à lui que "la faiblesse de ce plan est particulièrement choquante à l'heure où les prix de l'énergie s'envolent à nouveau et où l'Europe s'inquiète pour sa sécurité énergétique".