Ce vendredi 1er juin, Nicolas Hulot a présenté le Plan de déploiement de l'hydrogène pour la transition énergétique. Les pouvoirs publics vont consacrer 100 millions d'euros pour accompagner la production d'hydrogène, le stockage électrique, ainsi que des applications dans le secteur des transports. Cette somme sera disponible via un appel à projets. Par la suite, le gouvernement envisage de pérenniser ces financements : le ministre de la Transition écologique évoque un financement de 100 millions d'euros par an "à terme". Nicolas Hulot annonce aussi la création d'un groupe de travail en vue de l'adoption d'un engagement pour la croissance verte (ECV) d'ici la fin de l'année.
Couteau suisse
"Ça fait des lustres que j'entends parler d'hydrogène, accompagné par cette phrase : « c'est bien, mais ça ne marchera jamais » ou « c'est bien, mais c'est trop cher »", explique Nicolas Hulot. Mais aujourd'hui "[sa] raison est faite : l'hydrogène pourra jouer un rôle dans la transition énergétique". Le ministre estime surtout que la France ne doit pas laisser passer l'occasion, comme elle l'a fait avec d'autres technologies de la transition énergétique. Surtout que l'hydrogène peut apporter de multiples solutions pour la transition énergétique, estime-t-il, ajoutant qu'il voit dans ce vecteur énergétique "un couteau suisse". Or, certains pays se sont déjà lancés. Le Japon compte 90 stations, la Californie a un parc de 7.000 véhicules et 62 stations, l'Allemagne dispose d'une centaine de véhicules et d'environ 25 stations. Quant à la Chine, elle ambitionne de faire rouler 50.000 voitures à l'hydrogène en 2025.
Aujourd'hui, explique Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat (DGEC) au ministère, le prix des piles à combustible a fortement chuté, en particulier celles à combustible à membrane d'échange de protons. En outre, l'hydrogène permet d'apporter des solutions de stockage électrique, et tout particulièrement pour les zones non reliées au réseau national. Le troisième facteur clé est la possibilité de dépasser certaines limites des véhicules électriques, notamment pour les usages intensifs et lourds (poids-lourds ou train).
Décarboner l'hydrogène
Actuellement, la production d'hydrogène industriel repose sur deux technologies fortement émettrices de gaz à effet de serre (GES) : le vaporeformage du gaz et la gazeification du charbon (environ 40% de la production française pour chacune). La production d'une tonne de H2 génère environ 13 tonnes de CO2, soit 11 millions de tonnes CO2 pour les 900.000 tonnes produites en France chaque année. Cela représente près de 3% des émissions de GES françaises et près de 26% des émissions du secteur de l'industrie. "C'est par là qu'il faut commencer", insiste Nicolas Hulot.
Le premier axe du plan vise donc à créer une filière de production décarbonée en remplaçant les deux procédés polluants par l'électrolyse de l'eau. Le plan fixe pour objectif d'atteindre 10% d'hydrogène décarboné dans l'hydrogène industriel d'ici à 2023 et entre 20 et 40% d'ici 2028. L'objectif est d'investir dans l'électrolyse sur les petits sites industriels qui ne disposent pas d'usine de production d'hydrogène. Cette autoconsommation d'hydrogène décarboné viendrait se substituer à l'achat d'H2 carboné.
Pour accompagner cette première mesure, l'Etat annonce vouloir mettre en place en 2020 un système de traçabilité de l'H2 (dans le cadre de la directive relative aux énergies renouvelables) et mettre en évidence l'impact environnemental de l'hydrogène dans la réglementation relative aux GES (notamment, en l'inscrivant dans la Base Carbone de l'Ademe).
Stockage dans les ZNI
Le deuxième axe du plan vise le stockage de l'électricité. Cet aspect sera surtout développé dans les zones non interconnectées (ZNI) au réseau éclectique. Le gouvernement demande à EDF et l'Ademe de caractériser, pour chaque ZNI, les services que peuvent rendre les électrolyseurs. L'objectif est de pouvoir inscrire des mesures en faveur de l'hydrogène dans les programmations pluriannuelles de l'énergie (PPE) des ZNI. De même, le plan prévoit de lancer "rapidement" des expérimentations dans des territoires isolés. Parallèlement, RTE et Enedis sont chargés d'identifier la valeur des services rendus au réseau par les électrolyseurs et les moyens permettant de les valoriser pour développer les business models de l'hydrogène.
Le second volet en matière de stockage concerne le réseau gazier. Le plan doit permettre d'établir les conditions techniques et économiques acceptables d'injection d'hydrogène dans les réseaux de gaz. Pour le gouvernement, il s'agit d'une première étape avant l'arriver du "power to gas" qui doit permettre de stocker de l'électricité dans le réseau gazier. Un premier rapport devrait être publié fin 2018.
Expérimenter un train hydrogène
Enfin, le dernier volet concerne le transport. Le plan privilégie le déploiement d'"écosystèmes territoriaux de mobilité hydrogène". L'objectif est d'atteindre 5.000 véhicules utilitaires légers et 200 véhicules lourds d'ici 2023. Une centaine de stations devront aussi être installées à cet horizon. Pour 2028, l'objectif est fixé entre 20.000 et 50.000 véhicules utilitaires légers, entre 800 et 2.000 véhicules lourds et de 400 à 1.000 stations. Pour y parvenir, le plan prévoit de soutenir la création de flottes, les stations devenant rentables lorsque de nombreux véhicules s'y ravitaillent.
Le plan prévoit aussi le verdissement du transport ferroviaire en substituant des trains roulant à l'hydrogène aux trains diesel. La moitié du réseau ferré français, essentiellement les "petites lignes", n'est pas électrifiée, font valoir les promoteurs du train à hydrogène. Une mission parlementaire, présidée par Benoit Simian, député LREM de Gironde, est chargée de préparer une expérimentation rapide et de proposer des solutions pour développer cette solution ferroviaire. L'objectif est d'aboutir à l'homologation d'un train avant la fin du quinquennat.
A ces mesures s'ajoutent des mesures d'accompagnement. L'Etat s'engage notamment à poursuivre le travail réglementaire relatif à la sécurité et à la prévention des risques. Un cadre réglementaire spécifique pour les stations-services distribuant de l'hydrogène sera mis en place.