Le ministère en charge de l'Ecologie et de l'Energie a remis le 24 avril dernier à la Commission européenne son plan national d'action visant l'objectif de 20% d'économies d'énergie d'ici 2020.
Les Etats membres devaient présenter au plus tard le 30 avril 2014 (puis tous les 3 ans) leurs plans nationaux, en application de la directive relative à l'efficacité énergétique de 2012 qui prévoit de réaliser 1,5% d'économies d'énergie par an chez les clients finaux entre 2014 et 2020 dans l'UE. Cette directive doit être transposée dans les législations nationales d'ici le 5 juin. "La France est le premier Etat européen à avoir remis son plan", se vante le ministère de l'Ecologie. À travers ce plan d'action 2014, l'Hexagone s'est fixé un double objectif d'ici 2020 pour réduire sa consommation énergétique (production, distribution, utilisation) hors transport aérien international.
La France entend d'une part réduire sa consommation d'énergie finale livrée au consommateur (essence à la pompe, électricité du foyer...) à 131 Mtep (millions de tonnes équivalent pétrole) d'ici cette échéance, contre 155 Mtep actuellement, et d'autre part limiter sa consommation d'énergie primaire (énergie finale à laquelle s'ajoutent les pertes d'énergie induites par la transformation et le transport de l'énergie) à 236 Mtep, contre 260 Mtep aujourd'hui.
La France est d'ores et déjà "sur la bonne trajectoire" pour atteindre son objectif de 12 Mtep d'économies d'énergie en 2016, fixé par la directive de 2006 relative aux services énergétiques (ESD), avec environ 6,3 Mtep d'économies d'énergie entre 2007 et 2011, et 9 Mtep d'économies d'énergie entre 2007 et 2012 (hors secteur tertiaire), précise le ministère.
Efficacité énergétique du bâtiment
Pour atteindre ses objectifs d'ici 2020, le gouvernement mise sur les certificats d'économie d'énergie (CEE) imposant aux fournisseurs d'énergie de justifier d'opérations permettant des économies "dans plusieurs secteurs simultanément" et qui reste de loin son dispositif privilégié. Et pour cause : l'Etat vise pour les CEE, dont la troisième période a été annoncée en décembre 2013, plus de 9 Mtep d'économies d'énergie générées en 2020 ! La troisième période débutera le 1er janvier 2015, avec un objectif triennal de 660 TWhcumac. (térawattheurescumulés actualisés). Au 30 novembre 2013, le volume de certificats d'économies d'énergie délivré depuis le début du dispositif était de 462 TWhcumac dont 90,4% des opérations ont été réalisées dans le secteur du bâtiment !
Le secteur résidentiel tertiaire est en effet au cœur des mesures phares du plan d'action (Voir tableau). L'objectif fixé est une réduction de 38% de la consommation d'énergie d'ici 2020 en soutenant le plan gouvernemental de rénovation énergétique de 500.000 logements par an d'ici 2017. Des aides ou primes financées par le fonds de garantie pour la rénovation des bâtiments existants sont prévues ainsi que des nouveaux passeports à compter de 2015 afin de faciliter l'accompagnement des ménages dans leurs démarches d'audit et leurs projets de travaux.
L'Etat s'appuie également sur les dispositifs fiscaux : crédits d'impôts développement durable (CIDD), éco-prêt à taux zéro (Eco-PTZ), éco-prêt logement social (Eco-PLS) qui devraient générer au total des économies de l'ordre de 2,1 à 2,3 Mtep en 2020. La réglementation thermique 2012 devrait, quant à elle, générer des économies d'énergie à hauteur de 1,15 Mtep en 2020, par l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments neufs, table le ministère.
Mesure | Partie | Economies d'énergie finale | ||||
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2010 | 2013 | 2016 | 2020 | |||
RT 2012 | Résidentiel-Tertiaire | - | - | 0,41 Mtep | 1,15 Mtep | |
CIDD | Résidentiel-Tertiaire | - | 0,78 Mtep | 0,93 Mtep | 1,08 Mtep | |
Eco-PTZ | Résidentiel-Tertiaire | - | 0,18 Mtep | 0,19 Mtep | 0,19 Mtep | |
Eco-PLS | Résidentiel-Tertiaire | - | 0,35 Mtep | 0,65 Mtep | 1,03 Mtep | |
Eco-taxe poids lourds | Transports | - | - | 0,165 Mtep | 0,168 Mtep | |
Amélioration de la performance des véhicules neufs | Transports | 0,1 Mtep | - | 1,1 Mtep | 2,2 Mtep | |
Bancs d'essais moteur mobiles | Agriculture | 3,5 ktep | - | 23,2 ktep | 36 ktep | |
CEE | Energie | - | 2,5 Mtep | 5,17 Mtep | 9,29 Mtep | |
Ecoconception (ampoules) | Energie | - | 0,46 Mtep | 0,76 Mtep | 0,75 Mtep | |
Ecoconception (téléviseurs) | Energie | - | - | - | 0,3 Mtep | |
Prévention des déchets | Energie | 2,53 Mtep | - | - | - | |
TICPE | Gazole | Energie | - | 4,9 Mtep | 4,3 Mtep | 4,1 Mtep |
Essence | - | 0,5 Mtep | 0,4 Mtep | 0,3 Mtep |
(Source : Ministère de l'Ecologie)
Transports : l'écotaxe poids lourds maintenue
Côté transports : les mesures visent à les optimiser et à soutenir le report modal. Comment ? L'Etat compte à nouveau sur la fiscalité permettant de réduire les émissions de CO2 en s'attaquant aux carburants via la hausse du taux de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) en fonction du contenu en CO2 , prévue dans la loi de finances 2014. La valeur de la tonne de carbone sera fixée à 7 euros en 2014, 14,5 euros en 2015 et 22 euros en 2016. Sur le gazole, le ministère mise sur une économie d'énergie de 4,1 Mtep d'ici 2020 et de 0,3 Mtep pour l'essence. La loi de finances 2014 a également ajouté une composante "air" à la taxe sur les véhicules de société (TVS) de manière à tenir compte également des émissions de polluants atmosphériques (particules et oxydes d'azote).
Le gouvernement mise aussi sur le dispositif du "bonus-malus écologique" qui récompense l'achat des véhicules les moins émetteurs de CO2. Il a permis à la France d'avoir en 2013 "l'un des marchés de véhicules neufs les moins émetteurs de CO2 en Europe, de l'ordre de 117 g CO2/km", selon le ministère. Ces mesures d'amélioration de la performance des véhicules neufs permettront l'économie d'environ 2,2 Mtep en 2020, estime-t-il.
Le plan d'action français inclut également l'écotaxe poids lourds permettant de financer les projets d'infrastructures de transport, alors qu'elle est suspendue depuis octobre dernier et que la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal prône comme alternative de taxer les camions en transit.
La mise en œuvre de cette écotaxe permettrait pourtant des économies d'énergie finales annuelles de 0,165 Mtep en 2016 et de 0,168 Mtep en 2020…, selon le plan. La mission d'information de l'Assemblée nationale présentera ses recommandations sur l'avenir de ce dispositif le 14 mai.
Industrie : mesures incitatives
Concernant le secteur industriel, le gouvernement mise notamment sur des mesures incitatives financières à l'instar des certificats d'économies d'énergie dont le total émis entre 2006 et le 30 novembre 2013 était d'environ 6,5% pour un volume d'économies d'énergie d'environ 28,8 TWhcumac.
Dans le cadre des investissements d'avenir, des "Prêts verts" à taux bonifiés sont destinés aux PME industrielles, dotés d'une enveloppe de 500 M€. Une nouvelle enveloppe de 340 M€ de prêts sera disponible pour la période de 2014 à 2017, gérée par BpiFrance. Cette dernière a mis en place en 2012 des "Prêts Eco-Energie" à hauteur de 100 M€ permettant aux PME de financer l'installation et les travaux de mise aux normes de postes consommateurs en énergie (éclairage, chauffage, climatisation et motorisation électrique).
Le plan favorise également l'éco-conception des ampoules et téléviseurs (conformément à la directive 2009/125/CE applicable aux produits liés à l'énergie) afin de réduire leurs consommations d'énergie respectives de 0,75 Mtep et 0,3 Mtep en 2020.
En matière d'agriculture, la mise en place de bancs d'essais moteur mobiles pour le réglage des tracteurs figure parmi les mesures. Ils permettraient une économie d'énergie finale annuelle de 36 ktep (kilotonnes d'équivalent pétrole) en 2020. Les économies d'énergie issues d'opérations standardisées dans le secteur agricole représentaient 0,72% des CEE déposés au 30 septembre 2013.
Un plan français qui manque d'ambition ?
Selon un rapport publié fin avril de la Coalition pour les économies d'énergie, regroupement européen d'ONG et de professionnels, les plans des 28 Etats membres, dont la France, présenteraient des lacunes. Seuls trois pays, le Danemark, l'Irlande et la Croatie, ont transmis des plans "crédible et sérieux". Douze États, dont l'Allemagne, la Finlande et la Suède, ont des plans "incomplets ou de mauvaise qualité". Les onze autres, dont le plan français qui repose sur le système des CEE, présenteraient des incohérences et faiblesses. Le Luxembourg n'a soumis aucun plan. Selon la Coalition, l'UE atteindrait une réduction de 0,8% de la consommation d'énergie finale au lieu des 1,5% prévus en 2020.