En présentant son plan d'urgence pour la qualité de l'air, Delphine Batho avait annoncé une mesure phare : restreindre la circulation des véhicules les plus polluants lors des pics de pollution. La ministre de l'Ecologie avait aussi précisé que le nombre de jours soumis à la procédure d'alerte triplerait pour atteindre environ 30 jours contre 10 aujourd'hui.
Contacté, le ministère de l'Ecologie a confirmé qu'un arrêté devrait être publié d'ici juin et que les services préfectoraux travaillaient d'ores et déjà à la préparation des arrêtés interpréfectoraux et préfectoraux qui déclineront le texte national. Objectif ? Que la mesure soit opérationnelle pour l'hiver 2013-2014.
Le dépassement du seuil d'alerte implique des mesures de restriction ou de ou de suspension des activités polluantes. L'interdiction de l'usage des cheminées d'agrément, l'arrêt de certaines activités agricoles ou industrielles, l'abaissement des vitesses de 20 km/h, des limitations de trafic routier peuvent être mis en œuvre par arrêté préfectoral.
Concernant les PM10, le décret d'octobre 2010 a abaissé les seuils d'information et d'alertes de respectivement 80 microgrammes par mètre cube (µg/M3) à 50 et de 125 µg/M3 à 80.
En l'occurrence, c'est un projet d'arrêté relatif au déclenchement des procédures préfectorales en cas d'épisodes de pollution qui devrait encadrer cette mesure. Le texte uniformise la procédure d'information et la procédure d'alerte (voir encadré). Les polluants concernés sont les particules (PM10), le dioxyde d'azote (NO2) et l'ozone (O3).
La dernière version du projet, que s'est procuré Actu-environnement, stipule que lorsque le niveau d'alerte est atteint, les préfets pourront "limiter, voire interdire la circulation dans certains secteurs géographiques, comme les zones urbaines denses, à certaines classes de véhicules polluants définis selon la classification prévue à l'article R. 318-2 du code de la route", c'est-à-dire selon leur classement "euro". Le plan d'urgence présenté en février évoque les véhicules immatriculés avant 1996, voire 2000, c'est à dire ceux classés euro 1, euro 2 et euro 3.
A noter cependant que si le projet d'arrêté, actuellement soumis en phase de consultation, oblige le préfet à prendre des mesures en cas d'alerte, rien n'indique que l'interdiction de circulation sera effectivement appliquée. Cette mesure n'est qu'une des multiples mesures possibles réparties en quatre secteurs : l'agriculture, le résidentiel et le tertiaire, l'industrie et les transports. De plus, contrairement aux autres secteurs, les mesures en matière de transport prises par les préfets lors d'une alerte ne s'appliqueraient pas à l'ensemble du département. Au-delà de l'effet d'annonce, l'hiver 2013-2014 devrait donner une première indication de l'application de la mesure.
Uniformiser et modéliser
"Aujourd'hui, il n'y a aucune homogénéité : dans certains départements le déclenchement des procédures de pic de pollution se fait après un constat de dépassement d'un des seuils sur deux balises et ailleurs, ça peut être sur une seule balise ou en fonction d'un zonage", explique Fréderic Bouvier, directeur du Laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air (LCSQA). C'est pourquoi le décret de 2010 qui fixe les seuils de déclenchement des pics, prévoit la définition par arrêté d'une procédure nationale harmonisée de déclenchement des dépassements de seuil.
Cette nouvelle procédure se basera en grande partie sur une modélisation territoriale. Pour les départements ne disposant pas d'outil de modélisation, le déclenchement sera basé sur un constat de franchissement de seuil sur une station de fond.
Lorsque les outils de modélisation sont disponibles, le projet d'arrêté prévoit trois critères de déclenchement : un critère de superficie, un critère de population et un critère tenant compte des particularités locales. Ces critères valent pour un constat de dépassement ou pour une anticipation de dépassement.
Le déclenchement des procédures se fera tout d'abord "à partir d'un critère de superficie, dès lors qu'une surface d'au moins 100 km2 au total dans une région est concernée". Ensuite, le critère de population varie selon la taille de la population départementale : "pour les départements de plus de 500.000 habitants, lorsqu'au moins 10% de la population du département sont concernés par un dépassement de seuil" ou "pour les départements de moins de 500.000 habitants, lorsqu'au moins une population de 50.000 habitants au total dans le département est concernée". Enfin, le préfet peut déclencher la procédure d'information ou d'alerte "en considérant les situations locales particulières portant sur un territoire plus limité, notamment les vallées encaissées ou mal ventilées, les zones de résidence à proximité de voiries à fort trafic, les bassins industriels".
Le projet introduit une autre nouveauté avec la notion de "persistance d'un épisode de pollution" définit comme un constat de dépassement du seuil d'information sur une station de fond durant trois jours consécutifs, ou un constat de dépassement du seuil d'information sur une station de fond durant deux jours consécutifs et une prévision de dépassement du seuil d'information pour le lendemain. "Pour les épisodes de pollution aux particules « PM10 », la procédure d'information et de recommandation évolue en procédure d'alerte en cas de persistance de l'épisode", précise le projet d'arrêté.
Un difficile équilibre
Ce projet d'arrêté a subi de nombreuses révisions depuis la publication du décret de 2010 qu'il vient compléter. Comme le traduit le mécanisme retenu, il a été délicat de trouver des critères satisfaisants pour les petites comme les grandes régions et pour les centres villes comme les zones peu denses. Une version précédente, datant de juin 2011 et qui aurait dû être publiée suite à l'accord du Conseil national de l'air, prévoyait des réglages bien différents.
Ce premier projet, introduisait lui aussi le déclenchement des deux procédures à partir d'une modélisation, conformément à la réglementation européenne. Néanmoins, la modélisation n'était utilisée que pour l'anticipation, le déclenchement sur constat devant être basé sur le franchissement des seuils par deux stations, dont une de fond.
Par ailleurs, le gouvernement précédent prévoyait de se baser sur la modélisation d'un dépassement affectant plus de 250.000 habitants ou couvrant 30% d'une région, d'un département ou d'une agglomération. Des critères qui de prime abord semblent moins stricts que ceux proposés par le gouvernement actuel. Néanmoins, le dernier projet d'arrêté en date apporte parallèlement une nouvelle précision qui rend difficile la comparaison. Il prévoit que "les critères de superficie et de population sont estimés par modélisation en situation de fond", ce qui exclut de la modélisation les stations situées à proximité du trafic, contrairement au précédent projet. Or, les stations à proximité du trafic franchissent le plus fréquemment les seuils, ce qui est loin d'être anodin pour les zones urbaines denses, surtout si elles sont traversées par des autoroutes ou dotées d'un périphérique...
Enfin, un autre point a disparu du nouveau projet : la mise en place d'une information claire et facilement compréhensible par le public. A l'instar des cartes de vigilance météorologiques, le précédent projet d'arrêté prévoyait le suivi de la qualité de l'air via une carte de la zone couverte par l'organisme de surveillance. Le code couleur associé était simple : vert lorsqu'aucun seuil n'est franchi, orange lorsque le seuil d'information et de recommandation est dépassé et rouge lorsque le dépassement concerne le seuil d'alerte. Cette mesure est notamment réclamée de longue date par certains organismes de surveillance de l'air qui déplorent des contradictions difficilement compréhensibles pour le public entre les informations qu'elles délivrent, notamment en période d'alerte, et parfois l'absence de mesure préfectorale. Si cette carte de vigilance n'est plus obligatoire, elle devrait cependant être déployée au niveau national par le LCSQA, assure Fréderic Bouvier. Un point confirmé par le ministère. Reste à savoir, comment elle sera diffusée.