La ministre des Transports l'avait annoncé en décembre 2017 en clôture des Assises de la mobilité. Après de nombreux atermoiements laissant craindre des reculs aux défenseurs de la petite reine, c'est finalement le Premier ministre lui-même qui a présenté ce vendredi à Angers le plan du gouvernement pour développer le vélo et les mobilités actives.
Que contient ce plan ? Il fixe en premier lieu l'objectif de tripler la part du vélo dans l'ensemble des déplacements d'ici 2024. Comme le rappelle la ministre Elisabeth Borne, "seulement 3% des déplacements se font à vélo, alors que près de la moitié des trajets du quotidien font moins de 5 km".
350 millions sur sept ans
Pour atteindre cet objectif, le gouvernement annonce la création d'un fonds national d'un montant de 350 millions d'euros sur sept ans destiné à cofinancer les infrastructures cyclables. "C'est la première fois que l'Etat se mobilise autant pour financer des infrastructures pour le vélo", vante Edouard Philippe. L'Ademe lance dès aujourd'hui un appel à projets à destination des collectivités en vue de les accompagner dans cette voie.
"Même si la dotation du fonds vélo est en retrait par rapport aux besoins des collectivités et aux préconisations du Conseil d'orientation des infrastructures, c'est un changement d'ère important pour le vélo", estime Pierre Serne, président du Club des villes et territoires cyclables. L'association de collectivités estime que "pour la première fois depuis 15 ans, l'Etat inscrit des financements en faveur du vélo et des modes actifs en face des objectifs qu'il a fixés".
"Ce plan national est inédit dans son volet infrastructures", reconnaît également le Réseau Action Climat (RAC), qui regroupe plusieurs associations de protection de l'environnement. "Mais le compte n'y est pas pour rattraper le retard de la France", ajoutent immédiatement les ONG qui réclamaient 200 M€/an. Soit quatre fois plus. Alors que les gouvernements danois et hollandais investissent depuis des années 4 euros par habitant et par an, le montant annoncé par le gouvernement équivaut à 70 centimes par Français et par an, déplorent-elles.
Outre le financement des infrastructures, le gouvernement annonce plusieurs mesures permettant d'améliorer la sécurité des cyclistes et des autres modes de mobilité douce. Cela passe par une adaptation du code de la route, des emplacements de stationnement réservés aux vélos en amont des passages piétons, la généralisation des sas vélos devant les feux tricolores, la prescription d'équipements spécifiques de détection pour les poids lourds, la généralisation des doubles sens cyclables dans les rues limitées à 50 km/h "partout où cela est techniquement faisable" ou encore l'autorisation de circulation de front en zones de circulation apaisée...
Un forfait mobilité de 400 euros en franchise fiscale et sociale
Edouard Philippe confirme par ailleurs la transformation de l'actuelle indemnité kilométrique vélo (IKV) en un "forfait mobilité durable", ouvert au covoiturage, qui pourra être mis en place dans le secteur privé comme dans le secteur public. "Le nouveau dispositif (...) se veut plus simple, car basé sur un forfait et non sur le nombre de kilomètres parcourus", analyse la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB). Ce forfait pourra atteindre 400 euros en franchise fiscale et sociale par an mais sa mise en œuvre reste facultative pour les employeurs, alors qu'il avait été envisagé un moment de rendre obligatoire l'IKV. D'où l'appel des associations à ce que les instances patronales, comme le Medef, rendent la prime vélo accessible aux salariés dans toutes les entreprises.
En revanche, l'Etat en tant qu'employeur mettra systématiquement en place un forfait de 200 euros pour l'ensemble de ses agents à partir de 2020, a annoncé le Premier ministre. La FUB demande toutefois "une application immédiate dans les trois fonctions publiques". La fédération d'usagers réclame par ailleurs le cumul du forfait mobilité avec le remboursement de 50% des frais de transport en commun qu'elle juge "indispensable pour atteindre un report modal". Une revendication qui ne sera manifestement pas satisfaite : "Si vous êtes dans le dispositif transport en commun, vous ne pouvez pas être dans le dispositif vélo. Il faudra choisir", a en effet déclaré le chef du gouvernement au Courrier de l'Ouest. En revanche, "le vélo entrera dans le barème remboursement déplacements domicile-travail, demandé depuis si longtemps par les associations", se félicite le député Matthieu Orphelin. Une mesure qui "met fin à une inégalité entre les modes de transport", se réjouit la FUB.
Cette dernière salue également l'extension de la réduction fiscale bénéficiant aux entreprises mettant à disposition de leurs salariés des flottes de vélos au cas où cette flotte est louée et non plus seulement en cas d'achat.
Marquage systématique des vélos par les vendeurs
"La relance d'un véritable bonus à l'achat d'un vélo à assistance électrique (...) manque à l'appel", pointe le RAC. Le bonus de 200 euros, instauré par le gouvernement en février 2017, a en effet fortement été revu à la baisse un an plus tard. Le Club des villes et territoires cyclables avait qualifié le nouveau dispositif de "rafistolage". Ce dernier salue en revanche "le soutien à l'achat d'un vélo ou d'un vélo-cargo à assistance électrique par le biais des certificats d'économie d'énergie (CEE)".
Le Premier ministre a également présenté une série de mesures portant sur la lutte contre le vol. "Nous rendrons systématique le marquage des vélos par les vendeurs : chaque vélo disposera demain d'un identifiant unique infalsifiable", a annoncé Edouard Philippe qui veut également développer les parkings sécurisés, notamment près des gares. Enfin, le gouvernement souhaite promouvoir le développement d'une "culture vélo". "D'ici 2022, nous généraliserons le dispositif « Savoir rouler » qui existe déjà dans certaines académies et qui consiste à s'assurer que les enfants qui entrent en sixième sachent pratiquer le vélo de manière autonome et en toute sécurité", a ajouté le chef du gouvernement.