Le 21 juillet, les co-rapporteurs de la mission d'information parlementaire sur la prolifération des plantes envahissantes ont rendu leurs conclusions. Nadia Essayan, députée MoDem du Cher, et Patrice Perrot, député LREM de la Nièvre constatent l'urgence de ce « sujet extrêmement envahissant ». Jusqu'à 10 % des 1 379 espèces végétales exotiques recensées en France sont considérées comme envahissantes (ou invasives). Et depuis 1979, le rythme d'introduction en métropole va bon train avec six espèces envahissantes tous les 10 ans. La dissémination et la prolifération de ces espèces, indigènes comme exotiques, posent aujourd'hui des problèmes aussi bien environnementaux que financiers et sanitaires sur l'ensemble des territoires français.
Le coût environnemental et économique des plantes envahissantes
D'un point de vue écosystémique, ces plantes seraient responsables de 40 % des extinctions d'espèces, sur ces 400 dernières années. Cette perte de la biodiversité altère profondément le fonctionnement des écosystèmes qu'elles envahissent et entraîne des conséquences coûteuses, en termes de production agricole mais aussi de tourisme. En France, le coût annuel des invasions biologiques serait évalué à 38 millions d'euros (contre 26,8 milliards à l'échelle mondiale).
Dans leur rapport, les députés soulignent, par exemple, que l'arrachage mécanique et manuel de la jussie à grandes fleurs (Ludwigia grandiflora) sur les berges de l'Adour dans les Landes a coûté 441 000 euros entre 2016 et 2020. Cette même jussie n'est en effet pas consommée par les oiseaux et prolifère ainsi au détriment d'autres plantes.
L'ambroisie à feuilles d'armoise (Ambrosia artemisiifolia), qui envahit les terres en jachère et les bords de route, présente, quant à elle, un problème sanitaire préoccupant. Elle est non seulement corrosive mais son pollen possède des propriétés allergisantes. « La prolifération de l'ambroisie, et son impact sur la santé, doit nous alerter », a déclaré Patrice Perrot lors de la conférence. Pour cette espèce spécifique, il existe déjà des référents dans chaque département ainsi qu'une dérogation, octroyée aux agriculteurs pour traiter leurs terres. Néanmoins, Nadia Essayan a observé que ces derniers ne semblent pas tous correctement informés. « Il faut améliorer la collaboration des intervenants pour mieux coordonner les actions et identifier les espaces prioritaires », recommande la députée. Les co-rapporteurs préconisent surtout d'élargir et de généraliser ce type de régulations aux autres plantes envahissantes sur l'ensemble du territoire.
Mieux financer la lutte
Pour lutter plus efficacement et rapidement contre la prolifération (parfois très rapide, d'une saison à l'autre) de ces espèces, le rapport de la mission d'information recommande avant tout de meilleurs financements. Parmi ses 23 recommandations officielles, il souligne le besoin de multiplier par dix le montant des crédits supplémentaires déjà alloués. Autrement dit, faire passer de 3,5 millions à 35 millions d'euros les crédits consacrés à la lutte contre les espèces exotiques envahissantes (végétales et animales).
Les co-rapporteurs suggèrent le financement d'un nouveau programme de « recherche-action » en la matière, INVABIO 2. L'idée est aussi de pouvoir financer de nouvelles techniques de détection et suivi (par exemple, par drones), de techniques d'arrachage ou encore de gestion et traitement des déchets (comme la méthanisation, parfois longue et coûteuse, et le compostage). Ils recommandent, en outre, la création d'un fonds d'urgence déblocable pour intervenir rapidement – à la manière d'une « frappe chirurgicale » – contre l'émergence de plantes envahissantes sur un territoire déterminé.
Mieux sensibiliser les acteurs et le grand public
Concernant les actions préconisées, ce rapport insiste surtout sur un renforcement de la collaboration des acteurs de la gestion des plantes envahissantes et de la sensibilisation du grand public. Patrice Perrot souligne, notamment, que « chaque citoyen doit appréhender les risques des plantes invasives. » Cela pourrait passer par la promotion de chantiers d'insertion pour la gestion des plantes invasives, mobilisant la « société éloignée de l'emploi » ou des personnes en service civique ou travaux d'intérêt général. « Cela serait porteur car le travail avec la nature est valorisant, offre un savoir-faire et serait surtout utile pour la lutte contre les dégâts des plantes invasives », justifie Nadia Essayan. Côté gouvernance, les co-rapporteurs imaginent la mise en place d'une obligation de surveillance des plantes envahissantes par le maître d'ouvrage pour tout chantier de travaux publics. Ils préconisent aussi le renforcement des moyens humains de contrôle des douanes et du Service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (Sivep), à travers l'établissement d'un « schéma clair de gouvernance national et régional ».
Enfin, le député LREM de la Nièvre suggère d'allier la sensibilisation du grand public à sa participation. « La méconnaissance [du grand public] pose des problèmes, estime-t-il. Un réseau "sentinelle" de citoyens avertis permettrait d'identifier l'urgence locale et de mobiliser moins d'argent pour mener le combat territorial – tant le budget est déjà limité. » Ce réseau servirait aussi à l'élaboration d'une cartographie évolutive, aujourd'hui inexistante, de la présence et de la prolifération de ces espèces.
Rapport français à impact international ?
Selon la députée MoDem du Cher, la secrétaire d'État chargée de la biodiversité, Bérangère Abba, est « consciente du problème (…) qu'elle qualifie de majeur ». Elle soutient, par ailleurs, certaines recommandations du rapport : notamment, la multiplication par dix des crédits alloués par l'État à la lutte contre les espèces exotiques envahissantes.
Si cette mission d'information n'a duré que quatre mois (alors qu'elle en méritait plus selon Patrice Perrot), ce serait justement pour que la secrétaire d'État puisse présenter son rapport devant le congrès mondial de la nature de l'UICN, qui se tiendra en septembre prochain à Marseille. Comme l'a remarqué le député LREM de la Nièvre, cette mission peut être un « point de départ [de renforcement de cette lutte] au-delà des frontières des territoires français mais sur l'ensemble des continents. »