Le comité parlementaire de suivi du risque ambroisie et autres plantes invasives prépare une nouvelle proposition de loi visant à lutter contre leur prolifération et leurs impacts sur les personnes allergiques et les agriculteurs. "Nous préparons une proposition de loi complète sur le sujet", qui devrait être déposée à l'automne au Parlement, a annoncé le président du comité Alain Moyne-Bressand, député UMP de l'Isère, lors d'une réunion d'information le 3 juin à l'Assemblée nationale.
M. Moyne-Bressand a de nouveau déploré le rejet de son texte initial le 5 décembre 2013 en séance publique à l'Assemblée nationale. "Alors qu'il permettait de fixer un cadre juridique national pour la lutte contre l'ambroisie, applicable dès la saison 2014, ce texte n'a pas été adopté au motif qu'il fallait étendre la lutte à d'autres plantes invasives, le Gouvernement s'engageant alors à œuvrer dans ce sens très rapidement", a-t-il expliqué. La ministre de la Santé Marisol Touraine a notamment demandé au comité de se pencher sur d'autres insectes exotiques envahissants à l'instar de la chenille processionnaire du pin ainsi que des moustiques (tigres…), a-t-il ajouté.
Des plantes allergisantes et nuisibles aux récoltes
Le comité a élargi en mars dernier "son spectre de suivi" à quatre autres plantes invasives : le datura, l'orobanche, la renouée du Japon et la berce du Caucase. Si le pollen de l'ambroisie est "fortement allergène" et touche environ 15% de la population française, cette plante gagne l'ensemble de la France (87 départements) et impacte 75% des parcelles de tournesol. "Les agriculteurs en sont les premières victimes", a déploré M. Moyne-Bressand. Alterner les cultures, arracher manuellement l'ambroisie, voire pratiquer le binage (casser la croûte du sol) figureraient parmi les solutions de lutte, selon André Merrien, directeur des études et recherches au centre technique des oléagineux (Cetiom). Autre piste d'action à l'étude : de nouvelles variétés de tournesols mutagènes (tolérants à un désherbant).
Les graines de datura stramonium sont "hautement toxiques" et impactent également les champs cultivés de tournesol mais aussi de maïs, les vignes et les vergers, a précisé Guillaume Fried du Laboratoire de la santé des végétaux de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). De par leur haute toxicité, la présence de graines de datura dans les denrées alimentaires est très réglementée (tourteaux). La plante se développe préférentiellement dans la zone grand Sud-Ouest de la France mais elle a tendance à envahir désormais les régions plus au Nord. "Les graines de 3 mm de diamètre sont délicates à séparer des graines de tournesol. Aucune solution génétique n'existe pour lutter contre le datura", a indiqué M. Merrien. Des produits de désherbage "post-levée" sont principalement utilisés.
L'orobanche ramosa est également "un fléau" pour l'agriculture (haricot, tomate, tournesol, colza, chanvre, pomme de terre…), alerte le comité de suivi. Dans l'Ouest de la France, plus de 150.000 ha de surface agricole utile (SAU) seraient potentiellement concernés par l'extension de ce parasite, "avec des spots dans d'autres régions françaises". Dans une étude, le Cetiom a estimé une perte de rendement de 30 à 100% des cultures de colza. "Actuellement, il n'existe pas de solution efficace pour continuer le colza dans les parcelles très infestées", selon M. Merrien qui préconise un plan de "prophylaxie" pour limiter la dissémination des graines. Il s'agit d'allonger les rotations de cultures, d'utiliser "si possible" des cultures dites "faux hôtes" (germination des graines, mais pas de développement du parasite) comme le lin ou le maïs, ou encore de préférer les semis de début septembre.
La renouée du Japon "colonise les bords de route et les berges des cours d'eau" et la berce du Caucase provoque, au simple contact avec la sève, "une sensibilisation de la peau aux rayons du soleil ce qui peut être à l'origine de sévères brûlures", ajoute le comité. En se focalisant sur ces plantes invasives, les parlementaires entendent "insuffler une forte prise de conscience et (re)dynamiser les acteurs qui luttent sur le terrain : agriculteurs, gestionnaires d'espaces verts, jardiniers amateurs, collectivités locales…"
Seule une plante introduite sur 1.000 "devient invasive", a souligné Guillaume Fried de l'Anses. "On ne peut toutefois pas dresser le portrait robot de ces espèces. Tout dépend de l'adéquation des milieux naturels où elle est introduite", a-t-il précisé.
Vers un renforcement de la réglementation
En complément de la réglementation, la prévention (réseau de surveillance, code de bonne conduite de jardinerie…) et l'éradication "précoce" de ces plantes en milieu naturel sont "plus rentables à moyen et long terme" qu'appliquer une gestion curative (confinement…). La lutte biologique "va maintenir la plante invasive à un même niveau de nuisance mais ne pourra pas l'éradiquer", a prévenu M. Fried.
Un cadre juridique encadrant les espèces envahissantes existe actuellement, à travers l'article L. 411-3 du code de l'environnement mais resterait insuffisant. D'où cette nouvelle proposition de loi que prévoit le comité pour déclarer ces plantes "nuisibles". Le texte initial permettait aux collectivités de demander au préfet d'exiger des propriétaires des mesures de destruction de l'ambroisie "avant sa floraison" et "à leur charge".
Le projet de loi de santé publique, dont les orientations seront annoncées par Marisol Touraine le 17 juin, prévoirait également des dispositions sur les espèces invasives, selon Alain Moyne-Bressand. "Nous enrichirons le projet de loi par amendements", a-t-il indiqué. Mais aucune date n'est encore prévue pour l'examen de cette loi. Le député UMP du Nord, Jean-Pierre Decool, a également déposé le 25 février dernier une proposition de loi pour mettre en place "une structure indépendante et représentative chargée, régulièrement, du classement des espèces végétales envahissantes, ainsi que de la sensibilisation de la population face à leurs dangers".
Les espèces invasives font également l'objet d'un projet de règlement européen qui "pourrait être adopté fin 2014", selon M. Fried. Le texte prévoit une interdiction des espèces qualifiées de "préoccupantes" pour l'UE, mentionnées dans une liste. Le règlement ne prévoit plus de limiter cette liste à 50 espèces, a-t-il précisé.