Les chiffres donnent le vertige. Au cours de la seule année 2019, les déchets en plastique mondiaux ont représenté l'équivalent du poids de 35 000 tours Eiffel. Entre 1950 et 2021, leur production est passée de zéro à 450 millions de tonnes. Entre 2010 et 2019, leur volume a plus que doublé. C'est ce que met en lumière le Global Plastic Outlook (1) , substantielle étude conduite par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
L'intérêt de l'étude de l'OCDE tient à ce qu'elle soit parvenue à quantifier des catégories très diverses de matériaux. « Le cadre de modélisation présente un haut niveau de granularité, avec l'inclusion de la production de plastiques primaires et secondaires, 14 catégories de polymères et diverses applications », explique M. Agrawala. Autre apport de ce diagnostic global, « les volumes et les processus impliqués dans les fuites de plastique, macroplastiques et microplastiques, dans les environnements aquatiques et terrestres, ainsi que les émissions de gaz à effet de serre, sont estimés ». Celles-ci sont élevées. Elles représentent 3,4 % des émissions mondiales.
Moins de 10 % de déchets recyclés
Près des deux tiers de tous les déchets en plastique proviennent d'applications dont la durée de vie est inférieure à cinq ans : emballages (40 %), produits de consommation (12 %) et textiles (11 %). Seuls 55 Mt de ces déchets ont été collectés pour être recyclés en 2019, mais 22 Mt se sont retrouvés sous forme de résidus de recyclage nécessitant une élimination ultérieure. Finalement, seuls 9 % des déchets plastique ont été recyclés, 19 % ont été incinérés et près de 50 % sont allés en décharges contrôlées. Les 22 % restants ont été éliminés dans des décharges sauvages, brûlés dans des fosses à ciel ouvert ou rejetés dans l'environnement.
L'étude de l'OCDE pointe les limites de l'économie circulaire. Alors que le recyclage est crucial dans la réduction de l'empreinte environnementale des plastiques, les plastiques secondaires, c'est-à-dire produits à partir d'articles recyclés en fin de vie, ne représentent actuellement que 6 % de la matière première des nouveaux plastiques produits dans le monde. Bien que la production mondiale de plastiques secondaires ait plus que quadruplé en deux décennies, passant de 6,8 Mt en 2000 à 29,1 Mt en 2019.
Afin de favoriser les marchés secondaires des plastiques, plusieurs pays ont récemment renforcé leurs politiques pour stimuler l'offre par le biais de programmes de responsabilité élargie des producteurs (REP) et attirer la demande, via des objectifs de contenu recyclé. Par exemple, l'Europe a récemment mis en place des prix différenciés pour inciter à l'utilisation de polyéthylène téréphtalate (PET) secondaire, principalement pour des applications de qualité alimentaire.
Vers un accord mondial ?
Le soutien international jouera un rôle déterminant dans l'accélération des investissements requis dans les infrastructures et les modifications des pratiques, des politiques et de la gouvernance en matière de gestion des déchets. L'aide publique au développement (APD) pourrait être l'une des voies, mais celle liée au plastique reste marginale, ne représentant que 0,2 % des engagements bruts d'APD entre 2017 et 2019.
Pour les pays dont la rigueur politique est modérée, voire faible, et où les infrastructures sont quasi inexistantes, l'investissement initial nécessaire pour mettre en œuvre un profil d'investissement modérément ambitieux serait de 20,20 euros par habitant, avec des coûts annualisés de 6,50 euros par habitant. Appliqué à la population des pays à revenu faible et intermédiaire, cela représenterait un investissement initial de 80 milliards d'euros et un coût annualisé de plus de 25 milliards. Soit une dépense assez modérée en regard des enjeux.
La bonne nouvelle est que ces dernières années ont vu monter en puissance l'attention internationale sur la pollution plastique, en particulier sur les déchets marins. En conséquence, un certain nombre d'initiatives sur les fuites de plastique ont été lancées par le G7, puis par le G20, comme l'Osaka Blue Ocean Vision, annoncée en 2019, qui fixe l'objectif stratégique de réduire les fuites de plastique dans l'océan à zéro net d'ici à 2050. La Convention sur la diversité biologique et l'Union européenne ont également fixé des objectifs supplémentaires, mais ils restent volontaires. Les Objectifs de développement durable (ODD), adoptés par les Nations unies en 2015, ciblent les fuites de déchets plastique, mais ils sont non contraignants.
Enfin, une série d'accords internationaux, comme la Convention Marpol, mettent en avant des exigences contraignantes et des recommandations non contraignantes pour gérer les plastiques et prévenir la pollution. Cependant, cette mosaïque d'accords présente des lacunes et il n'existe aucun instrument de gouvernance internationale qui réponde de manière globale aux défis aux différentes étapes du cycle de vie des plastiques. Un certain nombre de gouvernements et d'acteurs de la société civile ont appelé à un traité international pour améliorer ce paysage politique fragmenté et incomplet. Des discussions sur un accord mondial sont en cours sous les auspices de l'Assemblée des Nations unies pour l'environnement.