« Une étape est franchie pour conditionner les aides publiques à des engagements écologiques », se félicite la nouvelle ministre de la Transition écologique. Barbara Pompili salue par là le vote d'un amendement (1) du groupe LReM au troisième projet de loi de finances rectificatives (PLFR 3), qui a été adopté (2) en première lecture par l'Assemblée nationale jeudi 9 juillet. Un texte qui prévoit de mobiliser les ressources de l'État et ses opérateurs pour un montant de 43,5 milliards d'euros supplémentaires en faveur des secteurs les plus touchés par la crise.
ONG et députés écologistes y voient au contraire un amendement « fantoche », estimant que le Gouvernement a manqué le premier crash-test pour montrer sa volonté de véritablement mettre en œuvre les propositions de la Convention citoyenne pour le climat pourtant validées par Emmanuel Macron.
« Amendement greenwashing »
Que prévoit l'amendement adopté ? « Lorsque l'État prend une participation dans une grande entreprise, celle-ci devra réduire ses émissions de CO2, rendre compte et sera sanctionnée en cas de manquements », explique Barbara Pompili. « Mieux valait ne rien voter que cet amendement greenwashing », cingle le député Matthieu Orphelin (EDS), pourtant élu sous l'étiquette de la majorité en 2017.
La disposition vise les entreprises de plus de 500 millions d'euros de chiffre d'affaires soumises à l'obligation de déclaration de performance extra-financière. La prise de participation par l'intermédiaire de l'Agence des participations de l'État (APE) est subordonnée à la souscription d'engagements en matière de réduction de gaz à effet de serre en cohérence avec les budgets carbone sectoriels prévus par la stratégie bas-carbone. Les entreprises concernées doivent publier un rapport annuel sur le respect de ces engagements qui devra être intégré au sein de la déclaration de performance extra-financière. Une amende administrative est prévue si cette publication n'est pas faite.
« L'obligation ne porte que sur la publication d'un simple rapport qui élabore une stratégie climatique sans aucune obligation [des entreprises] de tenir leurs engagements. Seules les participations de l'État sont concernées. La sanction pour non-publicité du rapport n'est que de 350 000 euros », critique le groupe Écologie Démocratie Solidarité (EDS).
« Rejet des mesures pro-climat »
Et ce dernier de citer les mesures rejetées par la majorité : intégration du critère du poids dans le malus auto, baisse de TVA à 5,5 % sur les billets de train, prêts à taux zéro pour l'achat de véhicules peu émetteurs, élargissement des publics éligibles aux aides à la rénovation énergétique performante, prime à l'investissement pour la restauration collective, augmentation du Fonds vélo pour financer les pistes cyclables, etc.
« Bis repetita ! Après les 20 milliards d'euros du PLFR 2 offerts aux grandes entreprises sans contreparties écologiques, la majorité LReM refuse à nouveau de sauver et transformer les entreprises vers un modèle plus durable », s'indigne Alexandre Poidatz d'Oxfam France. « Pour basculer dans le monde d'après, le plan de relance attendu en septembre ne devra pas seulement inscrire une logique d'éco-conditionnalités pour les entreprises bénéficiant d'argent public, mais une éco-responsabilité pour l'ensemble des grandes entreprises : des objectifs précis et contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre, cohérents avec l'Accord de Paris, doivent être fixés dans la loi », estime le chargé du plaidoyer « finance et climat » de l'ONG.
« À tous ceux qui doutent, je rappelle que la majorité doit être fière de son bilan environnemental. Elle doit le porter haut et fort. Elle doit rappeler que nous avons engagé des mesures puissantes pour la rénovation énergétique des bâtiments, pour le renouvellement du parc automobile ou pour le déploiement des énergies renouvelables », avait vanté Bruno Le Maire le 29 juin devant les députés en ouverture de la discussion du projet de loi. « Le réel résiste, il faut apprendre à le changer. Nous continuerons à le changer en accélérant la décarbonation de notre économie dans ce troisième projet de loi de finances rectificative », avait promis le ministre de l'Économie. Visiblement, il n'a pas convaincu tout le monde.