Les normes françaises de qualité de l'air ambiant devraient être renforcées pour mieux répondre aux enjeux de protection de la santé de la population, estime l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Elle publie ce mardi 23 mai un avis et un rapport sur le sujet dans lequel elle recommande en particulier "d'envisager l'adoption de valeurs limites d'exposition de la population plus protectrices que les valeurs actuelles pour les particules fines (PM10 et PM2,5)". Plus globalement, l'Agence précise que le panorama des normes pratiquées à l'étranger "a mis en évidence l'existence de normes plus basses (c'est-à-dire plus ambitieuses) dans certains pays que celles applicables dans l'Union européenne et en France pour chacun des polluants étudiés".
Cette évaluation des normes françaises répond à une saisine de la Direction générale de la santé (DGS) et la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC). Pour ce travail, l'Anses s'est notamment basée sur les valeurs guides de qualité de l'air recommandées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Ces valeurs sont en cours de révision depuis 2016 et devraient donner lieu à de nouvelles recommandations de l'OMS à l'horizon 2020.
Des valeurs supérieures à celles de l'OMS
L'Anses explique que les valeurs réglementaires appliquées en France pour les particules (PM10 et PM2,5), l'ozone (O3) et le dioxyde de soufre (SO2) sont moins strictes que les valeurs guides de qualité de l'air ambiant recommandées par l'OMS en 2005. Surtout, certains pays comparables à la France ont retenu des valeurs plus en rapport avec les enjeux sanitaires liés à la pollution de l'air. C'est le cas en particulier des Etats-Unis et du Canada qui appliquent, pour les PM2,5, des normes plus ambitieuses et comparables à celles recommandées par l'OMS.
Pour les PM10, la valeur limite européenne est deux fois plus élevée que celle de l'OMS (40 μg/m3 d'air, contre 20 μg/m3). De même, la valeur guide de 50 μg/m3 ne doit pas être dépassée plus de 35 jours par an dans l'Union européenne, alors que l'OMS recommande de ne pas la dépasser plus de trois jours. Le constat est similaire pour les PM2,5 : l'OMS préconise de ne pas dépasser une concentration annuelle moyenne de 10 μg/m3, alors que la valeur limite applicable en France est de 25 μg/m3. Elle ne sera abaissée à 20 μg/m3 qu'à partir du 1er janvier 2020. L'Anses note qu'"une dizaine de pays" appliquent déjà des seuils plus strictes compris entre 8 et 15 μg/m3. Par ailleurs, "il n'existe aucune norme de l'Union européenne ou française sur une base journalière alors qu'il existe une valeur guide OMS de 25 μg/m3 en moyenne journalière à ne pas dépasser plus de trois jours par an".
L'écart est plus important encore pour le dioxyde de soufre : la valeur limite en moyenne journalière applicable au sein de l'UE et en France est de 125 μg/m3 à ne pas dépasser plus de trois jours par an, alors que la valeur guide OMS est de 20 μg/m3 en moyenne sur 24 heures. Là aussi, entre une dizaine et une trentaine de pays appliquent des valeurs plus strictes. Reste l'ozone qui ne fait pas l'objet de valeur limite en France. La valeur cible et l'objectif à long terme sont fixés à 120 μg/m3 en moyenne sur 8 heures, quand l'OMS recommande une valeur de 100 μg/m3 sur la même période.
Porter le sujet au niveau européen
Les normes actuelles appliquées en Europe et en France étant moins protectrices que les valeurs guides préconisées par l'OMS depuis 2005, l'Anses recommande à l'Etat "d'envisager l'adoption de valeurs limites plus protectrices pour les particules (PM10 et PM2,5)". Les seuils français découlant de la directive européenne sur la pollution de l'air, l'Agence estime que cette "ambition (…) devra être portée au niveau de la Commission européenne". L'Anses ne fixe pas de seuil idéal, mais elle précise qu'"il ne semble pas exister de seuil en dessous duquel aucun effet sur la santé n'est attendu". De même, il conviendrait d'ajouter à la règlementation actuelle une norme visant les effets à court terme des PM2,5. L'Anses rappelle que depuis 2005 l'OMS préconise pour ces particules une concentration de 25 μg/m3 en moyenne journalière.
Au-delà des seuils, l'Agence considère qu'il est important de conserver des dispositifs d'information et d'alerte pour le dioxyde d'azote (NO2), le SO2, l'O3 et les PM10. Ces dispositifs répondent à des considérations sanitaires. En revanche, les seuils d'alerte à 300 et 360 μg/m3 pour l'ozone, qui s'ajoutent au premier seuil d'alerte de 240 μg/m3, pourraient être supprimés. "En effet, la mise en œuvre de mesures d'urgence complémentaires peut dorénavant se faire en fonction de la persistance d'un épisode de pollution", explique l'Anses.