Les collectivités locales doivent prendre à bras le corps le problème de la pollution en modérant le trafic routier au profit des mobilités à faibles émissions. Tel est le message porté ce mardi 10 janvier par le Réseau Action Climat (RAC), France Nature Environnement (FNE), la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB) et des médecins spécialistes des maladies respiratoires. Ils soumettent aux élus locaux un guide intitulé "Les villes « respire » de demain, agir sur la mobilité et les transports face à l'urgence sanitaire et climatique".
Les politiques publiques bégayent
"Il n'y a plus de débat sur les impacts sanitaires de la pollution de l'air", explique le pneumologue Jean-Philippe Santoni. Ces impacts concernent l'ensemble de la population - même si les personnes vulnérables sont les plus touchées -, sont source d'une multitude de pathologies - pas uniquement respiratoires -, et sont générés par la pollution atmosphérique chronique, et pas seulement les pics. A ces enjeux sanitaires, s'ajoute la prise de conscience des citoyens lors des pics de pollution de décembre dernier. "Ce ne sont pas les raisons d'agir qui manquent", résume Lorelei Limousin, responsable des politiques Climat et Transports au RAC.
Pour autant, les collectivités locales agissent-t-elles ? Oui et non. Côté positif, les associations notent les initiatives de Paris, Lyon (Rhône) et Grenoble (Isère). En l'occurrence, les associations saluent l'action entreprise par la Ville de Paris qui s'attaque à la pollution chronique en interdisant toute l'année les véhicules les plus polluants. Lyon et Grenoble ont, pour leur part, préférer mettre en place des dispositifs de restriction de la circulation lors des pics de pollution. Côté négatif, les associations pointent du doigt 25 mauvais élèves : dix villes ont restauré des parkings en centre-ville sur des espaces piétons, neuf villes ont remis en cause leur projet de transports collectifs en site propre, huit villes ont rendu le stationnement gratuit et six villes ont supprimé des couloirs réservés aux bus ou aux cyclistes.
Plus globalement, les politiques de lutte contre la pollution de l'air "bégayent", déplore Benoît Hartmann, porte parole de FNE, regrettant "l'inaction liée à un certain fatalisme de la population". Il rappelle en particulier que les zones à circulation restreinte (ZCR) qui voient timidement le jour en France reprennent les grandes lignes des Zones d'action prioritaires pour l'air (Zapa). L'expérimentation de l'interdiction des véhicules polluants dans les Zapa, prévue en 2010 par la loi Grenelle 2, a fait long feu, avant d'être remise à l'ordre du jour en 2015 par la loi de transition énergétique. Pourtant, la mesure est efficace : baisse jusqu'à 12% de la concentration dans l'air des particules (PM10) et des oxydes d'azote (NOx), jusqu'à 15% des particules fines (PM2,5) et jusqu'à 52% du carbone suie, selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Quatre leviers d'action
Pour agir efficacement, les associations recommandent tout d'abord de réguler le stationnement pour limiter le trafic. "Le stationnement est un facteur déterminant du taux de recours à la voiture dans les déplacements locaux", explique le guide des associations précisant qu'"à Lille (…) si le stationnement est assuré sur le lieu de travail, la voiture est choisie par 80% des gens [alors que] ce taux tombe à 58% quand ce n'est pas le cas". La réduction de la part de la voiture dans les déplacements est atteignable, estiment les associations, car la moitié des trajets automobiles effectués en ville font moins de 3 km et 20% moins de 800 m.
Les associations suggèrent aussi de s'inspirer des politiques menées à Paris, Lyon et Grenoble en créant des zones à circulation restreinte (ZCR). "En France, la moitié de la population réside dans le périmètre d'un plan de protection de l'atmosphère (PPA) et pourrait donc être mieux protégée", explique le guide des ONG. Pour avoir un impact significatif, la ZCR doit s'appuyer sur un périmètre ambitieux, notamment s'agissant des véhicules interdits de circulation. Elle doit aussi faire l'objet de contrôles effectifs et efficaces, quitte à débuter par une période blanche à visée pédagogique.
Le troisième levier proposé est la mise en place de zones à circulation apaisée. Il s'agit de zones de rencontre, qui redonnent la priorité au piéton tout en maintenant un trafic motorisé, des zones piétonnes, où seul le trafic motorisé devient exceptionnel, et des zones 30 km/h. Le guide recommande d'apaiser en priorité les parvis et les places centrales, les quartiers touristiques et historiques, les zones concentrées de commerces, services publics, transports, ainsi que les rues résidentielles ou de lotissements, et les éco-quartiers.
Enfin, le RAC suggère de passer à la ville à 30 km/h. "Nulle obligation d'abaisser la vitesse à 30 km/h sur la totalité de la voirie mais la vitesse de 30 km/h est la mieux adaptée sur 80% de la voirie urbaine", explique le guide. Le document cite en particulier les axes où circulent les lignes de bus structurantes.