Actuellement, les politiques publiques ne prennent pas en considération les émissions de particules fines liées à l'usure des freins, des pneus et des revêtements routiers, constate un rapport de l'OCDE publié ce lundi 7 décembre. Le déploiement des véhicules électriques ne réduira pas ces émissions, contrairement aux rejets de particules à l'échappement. « Ces sources "hors échappement " pourraient représenter la majeure partie des émissions de particules du trafic routier dès 2035 », alerte l'organisation internationale qui appelle les pouvoirs publics à mieux les prendre en compte.
Le poids des voitures électriques sur la sellette
Le problème est connu de longue date : l'usure des freins, des embrayages, des pneus et des revêtements routiers, ainsi que la remise en suspension de la poussière de la route, participent à la pollution de l'air liée au trafic routier. Au cours de la décennie passée, des études ont montré que ces particules, notamment les métalliques, ont un pouvoir oxydant et sont toxique chez l'homme. En outre, les dommages sanitaires liés à ces particules « peuvent être disproportionnellement importants par rapport aux autres sources d'émissions de particules, car les niveaux d'émission les plus élevés ont tendance à être localisés dans les zones à plus forte densité de population ».
Bien sûr, ces particules ne peuvent expliquer à elles seules les 4,6 millions de décès prématurés associés à la pollution atmosphérique à l'échelle mondiale (évaluation de l'OCDE datant de 2016). Mais le problème prend de l'ampleur car elles représentent une part croissante des émissions polluantes du trafic routier, à mesure que les émissions des moteurs diminuent avec le renforcement des normes antipollution. Parallèlement, les effets des véhicules électriques sont contrastés : ils émettent globalement 5 à 19 % moins de particules hors échappement que les véhicules classiques, mais les véhicules électriques « lourds » émettent 3 à 8 % de particules hors échappement de plus que leur équivalent thermique.
« En l'absence de politiques ciblées pour réduire les émissions autres que les gaz d'échappement, les préférences des consommateurs pour une plus grande autonomie et une plus grande taille de véhicule pourraient donc entraîner une augmentation des émissions de particules dans les années à venir avec l'adoption de véhicules électriques plus lourds », avertit l'étude.
Les courbes des émissions se croisent
En l'occurrence, l'OCDE anticipe qu'en 2035, ces particules hors échappement représenteront la majorité des émissions du transport routier mondial. L'étude estime que ces émissions devraient progresser de 53,5 % pour atteindre 1,3 millions de tonnes en 2030. Parallèlement, le renouvellement des flottes et le renforcement des normes d'émission des voitures réduisent les émissions à l'échappement.
Conséquence de ces évolutions, l'inventaire des émissions du transport réalisé par l'Union européenne montre que depuis 2014, les émissions de particules PM10 hors échappement ont déjà dépassé celles liées à l'échappement. Ce n'est pas encore le cas pour les PM2,5, mais le rapprochement des deux courbes est clair depuis le début des années 2000 et semble inéluctable.
L'OCDE admet qu'il y a probablement un biais dans ces inventaires : les émissions des pots d'échappement sont évaluées sur la base des homologations des véhicules (elles sont supérieures en condition réelles) et les émissions hors échappement représente le haut de la fourchette. Mais le constat européen est réalisé sans tenir compte des poussières remises en suspension par le trafic routier.
Privilégier les ZFE
Une fois le constat dressé, l'OCDE formule une série de recommandations afin que les pouvoirs publics prennent en compte ces émissions. La première priorité est la mise en place de mesures normalisées de ces particules et la réalisation d'études pour mieux comprendre la manière dont divers facteurs, et notamment les caractéristiques du véhicule, influencent les émissions.
Les pouvoirs publics devraient ensuite chercher à réduire les émissions par kilomètre parcouru, ainsi que le nombre des kilomètres parcourus. « Une redevance basée sur la distance (…) est un instrument d'atténuation théoriquement efficace dans la mesure où elle incite à la fois à réduire les facteurs d'émission et les véhicules-kilomètres parcourus », explique le rapport. Le document admet toutefois que la taxation des émissions présente des écueils : difficulté à estimer les émissions par kilomètre et les facteurs qui les influencent, et un coût social difficile à gérer.
L'étude émet donc deux recommandations à mettre en œuvre à court terme. La première est technique : alléger les véhicules et réglementer la composition des pneus. « Dans la mesure où les véhicules plus légers usent moins les freins et les pneumatiques, les mesures d'allègement des véhicules constituent une mesure technologique particulièrement efficace pour réduire les facteurs d'émission », résume l'étude.
La seconde est la réduction du recours à la voiture individuelle, par le biais de politiques encourageant le recours aux transports publics, au vélo et à la marche. Étant donné que l'exposition de la population est la plus élevée dans les zones urbaines, les zones à faibles émissions (ZFE) et les péages urbains « peuvent également être un moyen efficace de réduire les coûts sociaux des émissions non gazeuses ». L'étude estime aussi qu'il faut s'interroger sur les avantages accordés aux véhicules électriques dans les ZFE et les zones à péage : « étant donné que les véhicules électriques affichent des niveaux d'émissions hors d'échappement similaires à ceux des véhicules conventionnels, et potentiellement plus importants pour les PM2,5, l'analyse suggère qu'ils ne devraient pas être exemptés de restriction de circulation ».