"Face à l'inaction des pouvoirs publics" en matière de pollution atmosphérique, l'association Ecologie Sans Frontière (ESF) a annoncé, ce lundi 10 mars, qu'elle allait porter plainte contre X pour mise en danger d'autrui. Mardi, l'association, membre du réseau Rassemblement pour la planète, déposera sa plainte auprès du procureur de la République. Elle a donné rendez-vous à ses soutiens devant le pôle santé publique du parquet de Paris.
Ce dépôt de plainte intervient alors que l'arrivée précoce du printemps s'accompagne depuis plusieurs jours de pics de pollution aux particules fines et au dioxyde d'azote (NO2). Ce lundi, les agglomérations de Dunkerque, Lens, Lille, Lyon, Maubeuge, Metz, Mulhouse, Nancy, Paris, Strasbourg, Valence et Valencienne ont une qualité de l'air classée "mauvaise ou très mauvaise", indique Atmo France, la fédération des associations de surveillance de la qualité de l'air qui centralise les données locales. A l'opposé, seules les villes d'Angoulême, La Rochelle, Montpellier et Poitiers bénéficient d'un air jugé bon ou très bon.
Des effets sanitaires indéniables
La plainte est soutenue par l'association Respire qui rappelle que dès 1983, "le rapport Roussel, sur l'impact des pollutions d'origine automobile, a fait le lien entre particules fines et cancers". Par la suite "les instituts les plus prestigieux" ont publié des études confirmant l'impact cancérogène des particules.
En juin 2012, le centre international de recherche sur le cancer (Circ), agence spécialisée de l'OMS, classait officiellement les gaz d'échappement des véhicules diesel comme cancérogènes certains pour l'homme (groupe 1). Le risque accru de cancer des poumons justifient ce classement, selon le Circ.
En octobre 2013, le Circ classait dans cette même catégorie la pollution de l'air extérieur, et ce, quelle que soit la région du monde. Il mettait en avant "un mélange de substances cancérigènes", composé des émissions des moteurs diesel, de solvants, de métaux et de poussières. Le centre estimait alors qu'en 2010, 223.000 personnes sont mortes dans le monde des suites d'un cancer du poumon en lien avec la pollution de l'air. A cette occasion, le Circ s'est aussi penché sur le rôle spécifique des particules fines (PM10 et PM2,5). Il les a classées, elles aussi, dans le groupe 1 des cancérogènes certains.
S'agissant de l'évaluation du nombre de décès annuels lié à la pollution atmosphérique en France et en Europe, l'étude Aphekom, coordonnée par l'Institut français de veille sanitaire (InVS), a montré en 2011 que le respect de la valeur guide de l'OMS pour les PM2,5 (10 microgrammes par mètre cube [µg/m3]) permettrait de gagner près de deux ans d'espérance de vie pour les citadins âgés de 30 ans et plus. Un respect des normes qui permettrait aussi d'économiser quelque 31,5 milliards d'euros par an à l'échelle de l'Europe.
L'absence d'agrément pourrait jouer
"Et pourtant, déplore Respire, au lieu de prendre les devants, d'accompagner le changement, de prendre des mesures modernes sur les transports, la fiscalité, la R&D sur l'énergie, sur l'aménagement du territoire, nos représentants politiques successifs ont laissé perdurer une situation inadmissible." Jugeant que "les petites manifs très gentilles [ne suffisent plus]", les deux associations et le collectif auquel elles appartiennent ont décidé de porter plainte au pénal.
Contacté par Actu-environnement, Nadir Saifi, vice-président d'ESF, explique que la plainte sera déposée au nom d'ESF, "le gouvernement n'ayant pas accepté que puisse être déposées des actions de groupe en matière de santé environnementale". Avec cette plainte, l'association espère que la justice remontera la chaîne des responsabilités et que les pouvoirs publics prendront des mesures pour réduire la pollution de l'air.
Concrètement la plainte s'appuiera sur l'article 223-1 du code pénal qui punit "le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement".
Reste un détail important : pour l'instant, ESF n'a pas obtenu son nouvel agrément ministériel au titre de la protection de l'environnement. Sauf à ce qu'ESF fasse la preuve d'avoir subi un préjudice direct et personnel, l'agrément ministériel s'avère indispensable pour qu'une association puisse mener une action devant les juridictions judiciaires.
Interrogé sur le sujet, Nadir Saïfi a indiqué ne pas avoir d'information sur l'instruction en cours de la demande d'agrément d'ESF. Faute d'agrément, ESF pourrait faire porter sa plainte par une autre association du Rassemblement pour la planète, a-t-il évoqué. Actuellement, au sein du Rassemblement, seule l'ONG Générations Futures est agréée.