La Cour de cassation a rendu, le 28 janvier 2020, une décision qui va faciliter l'action judiciaire à l'encontre des auteurs de pollution. Selon cette décision, le juge des libertés et de la détention peut prononcer, sur le fondement de l'article L. 216-13 du code de l'environnement, des mesures conservatoires destinées à mettre un terme à une pollution, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute de la personne concernée de nature à engager sa responsabilité pénale.
L'article L. 216-13 permet au juge des libertés d'ordonner, pour une durée d'un an au plus, aux personnes, physiques ou morales, concernées par le non-respect des prescriptions imposées dans le cadre d'une autorisation environnementale ou de la police de l'eau, toute mesure utile, y compris la suspension ou l'interdiction des opérations menées en infraction à la loi pénale.
En l'espèce, le contentieux portait sur une pollution constatée dans la rivière La Brévenne à la hauteur de la station d'épuration des Rossandes à Sainte-Foy-l'Argentière (Rhône), dont le syndicat intercommunal avait confié l'exploitation à la société Suez Eau France. Dans le cadre d'une enquête pénale, des analyses avaient fait apparaître des taux de concentration en nitrites, phosphates et ions ammonium supérieurs aux normes fixées par l'arrêté du 21 juillet 2015 relatif aux systèmes d'assainissement. Sur demande de la fédération départementale de pêche, le procureur de la République avait saisi le juge des libertés, sur le fondement de l'article L. 216-13, afin d'enjoindre au syndicat et à l'exploitant de cesser toute rejet dépassant les seuils réglementaires.
Par une ordonnance du 5 septembre 2018, le juge des libertés avait fait droit à cette requête en ordonnant à ces derniers de cesser tout rejet illicite sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Par une décision du 10 septembre 2018, le président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon a suspendu l'ordonnance à la demande du syndicat intercommunal et de la société exploitante, estimant que l'intervention du juge des libertés était nécessairement subordonnée au constat d'une infraction. Or, selon la juridiction d'instruction, la pollution constatée ne permettait pas de caractériser une faute de nature à engager la responsabilité pénale du syndicat et de l'exploitant, d'autant que l'ensemble des parties s'accordaient à imputer la responsabilité de la pollution aux rejets dans le réseau d'assainissement d'un industriel situé en amont. La chambre criminelle de la Cour de cassation casse et annule cette décision puisqu'elle affirme que la caractérisation d'une faute pénale n'est pas nécessaire.