"L'Etat a commis une faute du fait de l'insuffisance des mesures prises en matière de qualité de l'air", annonce le Tribunal administratif de Montreuil qui rend un jugement (1) en ce sens, ce mardi 25 juin. La justice administrative estime que l'Etat n'a pas suffisamment agi pour réduire la pollution de l'air en Ile-de-France entre 2012 et 2016. Pour autant, les juges rejettent la requête de la plaignante. Celle-ci réclamait 160.000 euros au titre de la réparation des préjudices que sa fille et elle avaient subis. A noter que la préfecture de police échappe aux critiques du tribunal pour avoir appliqué suffisamment vite les mesures d'urgence lors du pic de fin 2016.
La reconnaissance de la faute de l'Etat va dans le sens d'un arrêt du Conseil d'Etat rendu en juillet 2017 selon lequel le respect des valeurs limites de concentration des polluants fixées par la réglementation européenne constitue une obligation de résultat (plutôt qu'une obligation de moyen comme le soutenait l'Etat). La haute juridiction avait alors demandé à l'Etat de réviser et de durcir les plans de protection de l'atmosphère (PPA). En vain, pour l'instant.
L'inefficacité du PPA constitue une faute de l'Etat
En 27 février 2018, une ancienne habitante de Seine-Saint-Denis attaquait l'Etat en son nom ainsi qu'au nom de sa fille. Lorsqu'elles résidaient à proximité du périphérique à Saint-Ouen, la plaignante et sa fille souffraient respectivement de bronchites et d'asthme. Leur santé s'est améliorée lorsqu'elles ont déménagé à Orléans. Estimant que leurs troubles étaient liés à la pollution de l'air, les plaignantes demandaient donc au tribunal de condamner l'Etat à réparer les préjudices subis. Le recours portait sur les épisodes de pollution survenus entre 2012 et 2016, et en particulier sur celui de la fin d'année 2016.
Le tribunal constate que les seuils de concentration des polluants "ont été dépassés de manière récurrente entre 2012 et 2016 dans la région Ile-de-France". La "persistance des dépassements observés" au cours de cette période démontre que le plan de protection de l'atmosphère francilien, ainsi que ses conditions de mise en œuvre, "doivent être regardés comme insuffisants au regard des obligations [fixées par la directive de 2008 sur la qualité de l'air]", explique le tribunal. Et d'expliquer que "si le dépassement des valeurs limites ne peut constituer, à lui seul, une carence fautive de l'Etat (…), l'insuffisance des mesures prises pour y remédier est en revanche constitutive d'une telle carence".
Mesures d'urgence prise rapidement
Par contre, les mesures prises par la préfecture pour lutter contre l'épisode de pollution de décembre 2016 sont jugé suffisantes par le tribunal. A cette occasion, la préfecture avait notamment mis en œuvre circulation alternée. La plaignante estimait que le pic de pollution était décelable dès le 28 novembre 2016 et que les mesures préfectorales d'urgence ont été mises en œuvre tardivement à partir du 1er décembre 2016. Le tribunal rejette cette analyse en expliquant que les relevés d'Airparif (seule agréée pour la surveillance de la pollution de l'air en Ile-de-France) ne passent au niveau de pollution "élevé" que le 30 novembre. "Le premier arrêté préfectoral portant application des mesures d'urgence (…), daté du 30 novembre 2016 et applicable à compter du 1er décembre, n'est par conséquent pas intervenu tardivement", quand bien même d'autres sources qu'Airparif annonçaient l'arrivée du pic de pollution. En conséquence, "le préfet de police (…) n'a pas commis de faute en prenant suffisamment rapidement les mesures d'urgence qu'il a adoptées", explique le tribunal.
Si la faute de l'Etat est reconnue, elle n'entraîne toutefois pas d'indemnisation. En effet, "[les plaignantes] n'apportent (…) pas suffisamment d'éléments, notamment médicaux, de nature à établir la gravité des atteintes qui résulteraient pour elles de ces dépassements de seuil". Le tribunal estime ne pas avoir eu assez d'éléments sur leur durée de résidence en Ile-de-France, sur leurs lieux de résidence successifs et sur la date d'apparition des pathologies et leur évolution. Elles ne peuvent donc pas soutenir "que l'Etat, du seul fait du dépassement des valeurs limites constaté entre 2012 et 2016 et de l'insuffisance des plans pour y mettre fin (…), aurait porté atteinte à [leur] droit à la vie".