A l'occasion du lancement du troisième concours "Villes et villages étoilés", l'Association nationale pour la protection du ciel et de l'environnement nocturnes (Anpcen) a fait un point sur l'actualité et les enjeux des nuisances lumineuses. La situation dépeinte est contrastée.
La prise en compte de la pollution lumineuse par les lois Grenelle a constitué "une première brique institutionnelle mais il existe des pans entiers où les nombreux enjeux de la pollution lumineuse ne sont encore pas pris en compte", précise Anne-Marie Ducroux, présidente de l'Anpcen.
La pollution lumineuse augmente encore
Le dossier de participation, le questionnaire et toutes les informations nécessaires sont consultables et téléchargeables sur le site dédié au concours. Les réponses doivent être adressées avant le 1er novembre 2011. Le concours est gratuit et ouvert à toutes les communes.
Les lauréats recevront un diplôme individualisé dans le courant du mois de janvier et pourront arborer à leur entrée de ville un panneau indiquant leur labellisation avec le nombre d'étoiles obtenues.
Le temps d'éclairement pour les communes de moins de 50.000 habitants est passé de 2.500h/an à 4.000 h/an aujourd'hui. La consommation par habitant, quant à elle, est passée de 71 à 92 kWh entre 1990 et 2005, là où la consommation de l'Allemagne était de 43 kWh/hab en 2000.
Soit un coût total moyen de l'énergie et de maintenance de 732 millions d'euros pour la France en 1999.
Une prise en compte partielle par la réglementation
Du côté du droit, "les lois Grenelle ont eu le mérite de nommer l'enjeu" estime Anne-Marie Ducroux. La loi Grenelle 1 prévoyait notamment que "les émissions de lumière artificielle de nature à présenter des dangers ou à causer un trouble excessif aux personnes, à la faune, à la flore ou aux écosystèmes, entraînant un gaspillage énergétique ou empêchant l'observation du ciel nocturne feront l'objet de mesures de prévention, de suppression ou de limitation".
Mais la pollution lumineuse reste encore absente de nombreux dispositifs dans lesquels elle aurait pourtant toute sa place : agendas 21, plan santé environnement, trames vertes et bleues, etc.
En outre, le projet de décret d'application de la loi Grenelle 2 était "en retrait par rapport à la loi" selon Anne-Marie Ducroux. Finalement, le décret publié en juillet dernier mentionne la notion de "puissance lumineuse moyenne", qui avait disparu du projet. Le texte fixe aussi des mesures plus strictes dans les espaces naturels protégés. Ces deux éléments sont incontournables aux yeux de l'Anpcen.
Mais cette dernière reste vigilante quant au contenu de l'arrêté qui doit venir fixer les prescriptions techniques applicables aux installations lumineuses et dont la première version a été mise en consultation des parties intéressées en juin 2011.
Norme expérimentale XP X90 013
Pour Jacques Lecocq, chef de projet de cette norme, "l'amélioration des performances des installations d'éclairage public et d'éclairage extérieur par une meilleure maîtrise de la lumière, devenue prioritaire ces dernières années, mérite une évaluation, voire une action corrective, dès l'origine des projets d'éclairage. C'est l'objectif principal de cette norme expérimentale (…)".
"Sa mise en application conduirait à la validation des pratiques actuelles avec leurs conséquences connues sur l'environnement nocturne et un gain négligeable en matière d'efficacité énergétique. De plus, elle néglige les conséquences de la lumière artificielle sur la biodiversité et sur les humains. Cette norme sera donc non seulement inutile mais d'une mise en œuvre coûteuse, car la complexité de la méthode nécessite, pour les 36.000 communes françaises, le recours systématique à des bureaux d'étude pour chaque projet d'éclairage", dénonce au contraire l'Apcen.
L'association critique, en particulier, la méthode retenue qui part du principe d'un éclairage "minimal à maintenir" et non d'un éclairage "maximal à ne pas dépasser". Cette norme pourrait, en outre, contribuer à prolonger des recommandations du référentiel européen EN 13201, qui n'est pourtant pas d'obligation obligatoire et qui ne prend pas en compte les impacts environnementaux.
La norme EN 13201, dont l'application a pour objectif de pouvoir déceler un obstacle à longue distance, a eu pour conséquence directe de densifier les sources, selon l'association. En outre, elle serait considérée comme "difficile à comprendre et à appliquer" par de nombreux professionnels de l'éclairage eux-mêmes, ce qui a entraîné l'ouverture du processus de sa révision.
Accompagnement des collectivités locales
C'est finalement plus du côté des élus et des citoyens que les avancées les plus importantes sont attendues. C'est pourquoi l'Anpcen vise avant tout à sensibiliser les collectivités locales à travers plusieurs dispositifs : une charte visant à les accompagner, dont sont signataires 74 communes, un cahier des charges techniques proposant des recommandations, des étiquettes environnementales permettant de situer la performance des dispositifs existants et un label décerné dans le cadre du concours "Villes et villages étoilés" (voir encadré).
Plusieurs outils censés permettre la promotion des divers enjeux cachés derrière la lutte contres les nuisances lumineuses : conséquences sur le sommeil humain, impact sur la biodiversité, consommation d'énergie, émissions de gaz à effet de serre, dépenses publiques, observation du ciel nocturne, sécurité routière, sécurité civile…