Un nouveau dossier brûlant pour le ministre de la Transition écologique, mis sous pression par la justice administrative concernant la lutte contre la pollution lumineuse. Par une décision rendue ce mercredi 28 mars, le Conseil d'Etat donne en effet neuf mois au gouvernement pour prendre les arrêtés prévus par la loi Grenelle 2.
"L'Etat devait prendre (…) des arrêtés précisant les prescriptions techniques pour chacune des catégories d'installations lumineuses. Cependant, aucun des ministres qui se sont succédés n'a publié les arrêtés précisant les conditions d'implantation et de fonctionnement des points lumineux, la puissance lumineuse moyenne, l'efficacité lumineuse des sources utilisées… ni précisé les mesures spécifiques à mettre en place dans les espaces protégés (sites Natura 2000, sites classés, parcs nationaux…)", expliquent les trois associations requérantes (FNE, Frapna, Anpcen) dans un communiqué commun.
"Ce refus d'agir de l'Etat rendait ineffectifs les dispositifs permettant de réduire la pollution lumineuse et le gaspillage énergétique. Il est donc urgent désormais de passer de l'intention aux actes pour que ces objectifs deviennent enfin une réalité tangible", réagit Raymond Léost, responsable des questions juridiques de FNE.
La carence du pouvoir exécutif n'était toutefois pas totale. Un arrêté, paru en janvier 2013, a notamment réglementé l'éclairage des façades, vitrines des magasins et bureaux non occupés. Mais "de nombreux progrès restent à faire. Ils ne s'effectueront pas sans une forte mobilisation des autorités qui en sont responsables", explique l'Anpcen qui observe sur le terrain l'application de cette réglementation. Outre la mauvaise application des quelques textes existants, les associations déploraient l'absence de publication de l'ensemble du cadre réglementaire prévu. D'où le recours déposé devant le Conseil d'Etat en avril 2017 pour contraindre le gouvernement à agir.
Le nouvel exécutif a envoyé quelques signaux. Nicolas Hulot a en effet fait part à l'automne de sa volonté de renforcer la réglementation sur la pollution lumineuse. Le ministre avait annoncé la publication de l'arrêté fixant la liste des sites astronomiques exceptionnels pour le printemps prochain. Il avait également fait part de son attention de mettre en place de nouveaux outils réglementaires pour favoriser la sobriété des sources d'éclairage non couvertes par la réglementation : parcs de stationnement, installations sportives, éclairages de mise en valeur, etc. Des engagements qui ne se sont pas concrétisés jusque là.
Plus de 94% de lumière émise par les éclairages publics
Les associations pointent les nuisances liées à la lumière sur l'environnement et la biodiversité, mais également les conséquences en termes énergétiques. Se référant à une étude américaine publiée dans Science Advances en novembre dernier, les ONG expliquent que l'essor de l'utilisation des lampes LED a amplifié la pollution lumineuse. "En effet, celles-ci étant plus économiques, les agglomérations ont posé des éclairages là où il n'y en avait pas avant. De leur côté, les particuliers éclairent des endroits de leur propriété laissés auparavant dans l'obscurité et ont tendance à laisser les lumières allumées plus longtemps", précisent-elles.
Selon l'Anpcen, la lumière émise a augmenté de 94% depuis les années 90 pour le seul éclairage public. A cela s'ajoutent tout une série de sources lumineuses comme les éclairages de façades, de vitrines, de bureaux non occupés, les enseignes et publicités lumineuses, les sites privés, etc.
A défaut de publication de l'ensemble des textes réglementaires réclamés, la lutte contre la pollution lumineuse a toutefois fait l'objet d'initiatives volontaires que l'association dédiée à la reconquête de la qualité de la nuit rappelle : 12.000 communes françaises réduisent la durée d'éclairement au cours de la nuit, 574 communes sont labellisées "Villes et villages étoilées", 300 municipalités ont signé une charte d'engagement volontaire pour lutter contre la pollution lumineuse.