Les arrêtés préfectoraux de 2014 et 2016 fixant des prescriptions complémentaires à la société Aprochim pour son site de traitement de déchets industriels de Grez-en-Bouère (Mayenne) faisaient l'objet de litiges devant la justice administrative. Par une décision du 23 septembre 2021, le Conseil d'État se prononce sur le dispositif de surveillance mis en place par le préfet.
Plusieurs associations de protection de l'environnement, puis, pour des raisons opposées, l'exploitant de ce site classé Seveso seuil haut, avaient successivement attaqué les arrêtés préfectoraux. Ceux-ci avaient été pris à la suite du constat d'un dépassement des normes autorisées pour les dioxines et polychlorobiphényles (PCB) de type dioxines. Le 27 avril 2017, le tribunal administratif de Nantes avait annulé l'arrêté de 2014 du fait qu'il ne comportait pas de dispositif contraignant permettant de sanctionner l'exploitant pour les émissions diffuses liées à son exploitation. Il avait aussi annulé partiellement l'arrêté de 2016 du fait qu'il fixait un seuil à respecter dans les herbages plus strict (0,3 pg TEQ/g) que celui (1,25 ng TEQ/kg) fixé par la directive européenne du 7 mai 2002 relative aux substances indésirables dans les aliments pour animaux. Le jugement avait été confirmé par la cour administrative d'appel de Nantes le 4 octobre 2019.
Sur un pourvoi du ministère de la Transition écologique, le Conseil d'État annule la décision d'appel et renvoie l'affaire devant la même cour pour être rejugée. Afin d'éviter que les animaux d'élevage situés à proximité du site de l'installation ne consomment des herbes dont la concentration en dioxines et en PCB de type dioxine excède les valeurs réglementaires, le préfet avait fixé des prescriptions imposant que la concentration moyenne sur cinq mois glissants mesurée dans les herbes situées dans les stations de surveillance autour du site n'excède pas 0,3 pg TEQ/g. Cette surveillance s'effectue par un réseau de mesures constitué par des implants de ray-grass sélectionnés pour leur caractère propice à la mesure des PCB et prélevés après quatre à six semaines. Selon le Conseil d'État, les juges d'appel ont fait une mauvaise interprétation de l'arrêté en estimant que le seuil de 0,3 TEQ/g s'appliquait à l'ensemble des herbes des pâturages proches et non au seul ray-grass.
« Le raisonnement du Conseil d'Etat laisse espérer un renforcement considérable du plan de surveillance : puisque le seuil de 0,3 ne s'applique qu'à des stations de surveillance qui ne sont pas le fourrage situé aux alentours, l'arrêté de 2016 n'entre pas dans le champ de la directive de 2002 et n'est donc pas soumis au respect du seuil de 1,25 », se félicite Benjamin Hogommat, chargé de mission juridique chez France Nature Environnement Pays-de-la-Loire. Reste maintenant à voir comment la cour de Nantes va se positionner sur la validité de l'arrêté de 2016 au regard de cet arrêt du Conseil d'État.