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Actu-Environnement

La pollution d'un terrain voisin d'une ICPE ne suffit pas à caractériser un trouble anormal de voisinage

L'existence d'un trouble anormal de voisinage ne peut être déduite du seul constat du dépassement des normes tolérées pour certaines substances. La Cour de cassation vient de le rappeler.

Risques  |    |  L. Radisson

La Haute juridiction judiciaire a rendu le 8 mars dernier un arrêt (1) qui rappelle les règles applicables en matière de caractérisation du trouble anormal de voisinage susceptible de mettre en jeu la responsabilité de l'auteur de la nuisance.

Déversement d'un lixiviat d'oxyde ferrique

Dans cette affaire, la victime exploitait en fermage un terrain qu'elle avait fait aménager en prairie artificielle. Elle se plaignait du déversement sur sa parcelle par temps de pluie d'un lixiviat d'oxyde ferrique en provenance de la parcelle située au dessus occupée par une activité de traitement de bois répertoriée au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).

Invoquant un trouble causé à la croissance de sa prairie artificielle, et après expertise ordonnée en référé, le fermier a assigné la société exploitant l'installation en réparation de ses préjudices nés du coût des travaux de drainage, du prix du fermage payé et de pertes de fourrage d'une parcelle inexploitable jusqu'au terme de son activité professionnelle.

La cour d'appel de Nîmes a considéré qu'à partir du moment où la teneur en fer, cuivre et chrome VI de l'eau et des sols de la parcelle était "supérieure à la norme admise", la pollution, même mineure, était avérée et le trouble anormal établi.

Censure par la Cour de cassation

La Haute juridiction censure la décision, estimant que l'existence d'un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage ne peut être déduite "du seul constat de la supériorité aux normes tolérées".

Pour Arnaud Gossement, avocat au barreau de Paris, cet arrêt confirme une jurisprudence classique selon laquelle "le respect ou la violation d'une norme ne démontre pas à lui seul l'existence d'un trouble anormal de voisinage".

"La responsabilité pour trouble anormal de voisinage est une création jurisprudentielle autonome et parfaitement étrangère à la notion de faute, elle se fonde exclusivement sur l'anormalité du trouble subi", rappelle également Marie Letourmy, avocate spécialisée en droit de l'environnement.

Le non-respect d'un règlement ne peut donc caractériser en lui-même l'anormalité du trouble. A l'inverse, le fait d'être en conformité avec la réglementation n'empêche pas qu'un trouble anormal de voisinage puisse être caractérisé.

Qu'est-ce que la "norme admise" ?

Ce qui est troublant dans cette affaire, c'est que la décision censurée de la cour d'appel de Nîmes rappelle elle-même cette règle : "le fonctionnement d'un établissement conformément aux règles administratives n'a pas pour conséquence de décharger l'industriel de toute responsabilité ou de toute imputabilité d'une nuisance occasionnant un trouble anormal de voisinage". Car, en l'espèce, les juges du fond avaient estimé que le trouble anormal de voisinage était caractérisé bien que l'exploitant respectait, au jour des prélèvements effectués par l'expert tout du moins, les prescriptions en matière de rejet.

En revanche, les juges d'appel avaient relevé que la teneur en fer, dans l'eau circulant sur la parcelle, et la teneur en cuivre et chrome VI dans le sol étaient "supérieures à la norme admise", formulation qui a, semble-t-il, provoqué la censure de la décision. On peut toutefois se poser la question de savoir ce que visaient exactement les magistrats à travers la notion de "norme admise" s'il ne s'agissait pas des valeurs limites de rejets de l'installation.

1. Consulter l'arrêt de la Cour de cassation
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000025473011&fastReqId=1438844704&fastPos=1

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