Le porte-conteneurs MSC Flaminia accidenté le 14 juillet dernier (cf encadré) se situe toujours dans les eaux internationales plus d'un mois après cet événement. Des voix s'élèvent pour regretter que la France ne mette pas en œuvre la législation adoptée à la suite du naufrage de l'Erika en vue d'accueillir les navires en difficulté. Qu'en est-il réellement ?
Un marin qui tentait d'éteindre l'incendie déclaré suite à cette explosion est porté disparu. Un second meurt de ses blessures. Trois autres blessés sont conduits aux Açores par un navire de commerce, tandis qu'un autre navire évacue le reste de l'équipage vers Southampton en Angleterre.
Une deuxième explosion se produit quatre jours plus tard, le 18 juillet. Le feu fait rage pendant 9 jours et s'étend à deux autres cales. Le nombre de conteneurs tombés à la mer est inconnu mais le ministère de l'Ecologie estime que 37 conteneurs pourraient représenter un risque de pollution en raison des produits chimiques qu'ils contiennent.
Une directive européenne, visant à renforcer la sécurité maritime suite à la catastrophe de l'Erika, fait obligation aux Etats membres de désigner des autorités habilitées à décider des conditions d'accueil des navires ayant besoin d'assistance. Un décret, publié début février 2012, donne au préfet maritime le pouvoir d'enjoindre l'autorité portuaire d'accueillir ces navires.
"Dix ans de réflexion et enfin en décembre 2011 trois ports furent retenus en France « Le Havre, Cherbourg et Brest », mais nous constatons qu'au moment de les utiliser, personne n'est capable de prendre la décision puisque depuis le 14 juillet 2012 (…), le porte-conteneurs MSC Flaminia erre et agonise au large des côtes françaises", s'indigne l'association Mor Glaz dans une lettre ouverte au Premier ministre datée du 14 août, dans laquelle elle demande à ce que le navire soit "autorisé à entrer dans les eaux territoriales le plus rapidement possible".
L'armateur allemand Reederei NSB s'est dit "choqué" qu'un bateau battant pavillon allemand "ne reçoive de la part d'aucun pays européen l'autorisation de rallier un port". L'Association française des capitaines de navires (Afcan) se demande également pourquoi "la France pourrait se dérober à son devoir d'assistance en refusant l'accès à un port refuge". Tandis que le syndicat CGT des Marins du Grand Ouest s'interroge pour l'activité du port de Brest après le refus de cette escale forcée.
De son côté, l'ONG Robin des Bois dénonce l'incapacité des Etats membres de l'UE, malgré les dispositions en vigueur sur les "abris refuge" de proposer à l'armateur "des solutions pour mettre en sécurité le navire, pour faciliter l'expertise post-accidentelle, transvaser le fioul de propulsion, décharger les conteneurs, pomper et traiter les eaux d'extinction en fond de cales". Et l'ONG d'ajouter : "quand il s'agit d'accueillir des porte-conteneurs de plus en plus grands emportant 18.000 boîtes, les ports européens se livrent à une concurrence impitoyable. Quand il s'agit de recueillir un porte-conteneurs en difficulté, ils sont tous unis pour le rejeter".
Maîtriser les risques d'incendie et d'explosion, contrôler la coque
Qu'en pensent les autorités françaises ? Dans un premier communiqué en date du 10 août, Delphine Batho, ministre de l'Ecologie, et Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, indiquaient qu'il n'était effectivement pas question pour l'instant d'accueillir le MSC Flaminia dans les eaux territoriales françaises. "La priorité est d'assurer la sécurité maritime dans des espaces très fréquentés et d'éviter tout risque d'atteinte à l'environnement marin et aux littoraux", déclaraient les ministres.
Le Cedre confirme cette approche '"avant d'envisager l'entrée du MSC Flaminia dans un port européen, les experts doivent s'assurer qu'il n'y a plus de risques d'incendie ou d'explosion dans les conteneurs en périphérie de l'évènement initial et que la coque a gardé son intégrité malgré l'intensité des explosions et de l'incendie".
La préfecture maritime de l'Atlantique estime en tout état de cause que la procédure des "ports refuges" n'est pas applicable en l'espèce car il n'y a "pas de danger immédiat", l'explosion initiale s'étant produite il y a plus d'un mois à 875 milles nautiques de la France. Il est vrai que les opérations de secours et d'assistance ont permis d'obtenir des améliorations notables de la situation du navire ces derniers jours : la gîte du navire a été corrigée passant de 10° initialement à 2° aujourd'hui. L'autre priorité était de maîtriser le feu à bord, ce qui semble chose faite aujourd'hui, même s'il reste des points chauds. "Aucune trace de fuite ou de rejet en mer, notamment de fioul, n'a été détectée", ajoute le ministère de l'Ecologie.
La piste Rotterdam
Alors le remorquage vers une zone refuge est-il aujourd'hui possible ? La préfecture maritime ne l'exclut pas mais veut s'assurer préalablement de l'absence de danger pour la population et pour l'environnement. "Une solution de long terme consisterait, au final, à remorquer le navire dans un port européen disposant de toutes les infrastructures nécessaires pour mettre en œuvre d'importants travaux de réparations", précise le ministère de l'Ecologie. Le port de Rotterdam pourrait être une solution, les infrastructures françaises pouvant être considérées comme techniquement limitées pour accueillir et traiter un tel navire. Les autorités françaises n'excluent toutefois pas aujourd'hui la possibilité d'un "accueil intermédiaire" du MSC Flaminia dans une zone-refuge située sur les côtes françaises, même si le navire se trouve aujourd'hui à 400 milles nautiques de la Bretagne dans les eaux internationales sous coordination anglaise.
Pour Jacky Bonnemains, président de Robin des Bois, la directive européenne sur l'assistance des navires est tout à fait applicable en l'espèce. Mais il estime "juridiquement pratique" pour l'Etat de laisser le navire dans les eaux internationales. "En cas de pépin", le problème devra être réglé entre l'armateur et son assureur. Il estime pourtant qu'il y a urgence à rapprocher le navire des côtes, compte tenu des risques pour les sauveteurs et des dangers présentés par les conteneurs pour la navigation maritime. Mais, en période de boom touristique, estime l'association, la préfecture maritime peut être tentée de jouer la montre….