Faire converger les objectifs de développement de l'hydroélectricité portés par les producteurs d'électricité et le potentiel envisagé par les services administratifs français. Tel est l'objet du rapport "connaissance du potentiel hydroélectrique français" dont la synthèse a été publiée le 14 novembre par le ministère de l'Ecologie. Le document de 14 pages présente un potentiel hydroélectrique de création de nouveaux sites ou d'équipement de seuils existants, élaboré conjointement par la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), la Direction de l'eau et de la biodiversité (DEB), les Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) et les producteurs réunis au sein de l'Union française de l'électricité (UFE).
Le document révèle le consensus entre les industriels et les services administratifs centraux et déconcentrés. Même si le potentiel dévoilé doit être affiné, il donne une idée du développement de l'hydroélectricité en France pour les années à venir calculé à partir d'une analyse cours d'eau par cours d'eau. Au total, quelque 2.750 mégawatts (MW) de puissance hydroélectrique font l'objet d'un consensus et pourraient être ajoutés, pour une production annuelle de l'ordre de 10 térawattheures (TWh). Compte tenu que certaines régions n'ont pu être étudiées, le potentiel maximal, calculé en ajoutant les projets proposés par l'UFE au potentiel validé, pourrait atteindre 3.350 MW pour une production de 12 TWh par an.
Le sujet est particulièrement sensible, ce qui explique probablement que le ministère n'ait fait aucune publicité autour du document. En revanche, l'UFE ne s'est pas privée d'en faire la promotion dans son éditorial du 2 décembre. La satisfaction de l'organisation représentant les producteurs d'électricité est bien compréhensible puisque l'étude publiée par le ministère de l'Ecologie valide les chiffres présentés par l'UFE dans le cadre du débat sur la transition énergétique. A cette occasion, l'UFE évaluait à 10,6 TWh le potentiel de production des sites inexploités et défendait un fort développement de ce potentiel. Une recommandation reprise dans le document de synthèse du groupe de travail "énergies renouvelables" et que France Nature Environnement (FNE) jugeait inacceptable. L'association avait alors menacé de quitter le débat…
Pas de prise en compte des impacts environnementaux
Si de nombreuses études analysant le potentiel hydroélectrique français existent, elles restent difficiles à concilier car elles ont été réalisées à des dates différentes, sur la base de méthodes variées et à diverses échelles géographiques, explique le ministère. Pourtant une bonne connaissance du potentiel est indispensable pour définir des objectifs de développement à l'échelle nationale, à l'échelle des bassins et à l'échelle régionale, pour dimensionner les mécanismes de soutien, tels que la contribution au service public de l'électricité (CSPE) couvrant l'obligation d'achat ou d'éventuels appels d'offres, et pour réaliser les études d'impacts de la planification du développement hydroélectrique français.
Dans ce contexte, les services de l'Etat et les industriels du secteur ont confronté leurs études avec les avis des experts. Objectif : obtenir "la liste des projets réalisables techniquement et la liste des tronçons exploitables afin de disposer in fine d'une vision partagée du potentiel hydroélectrique français". Trois catégories sont prise en compte : l'optimisation des ouvrages existants, l'équipement de retenues existantes créées pour d'autres usages et la création de nouveaux sites. A cela il convient de retrancher la baisse des débits de certains cours d'eau, pour des raisons "naturelles" (baisse des débits d'étiage par exemple) ou "en raison notamment de mesures environnementales", ainsi que la fermeture pour raison économique de certains ouvrages.
Quant au potentiel retenu, il s'agit du "potentiel technique expertisé", c'est à dire celui calculé à partir du potentiel brut du cours d'eau, qui se base sur le débit non exploité et le dénivelé, auquel est retranché le potentiel inexploitable avec les techniques actuelles. Contrairement au "potentiel technique acceptable", le potentiel présenté ne tient donc pas compte de la maîtrise des impacts environnementaux. En d'autres termes les chiffres présentés se basent sur une liste d'ouvrages parmi lesquels figurent "des projets qui ne sont pas acceptables du point de vue de l'environnement, c'est-à-dire qui ne pourraient pas obtenir une autorisation au titre du code de l'énergie pour les aménagements concédés ou au titre du code de l'environnement pour les aménagements autorisés".
En l'occurrence, le document totalise 2.476,6 MW de capacité pour l'ensemble des nouveaux sites qui pourraient être implantés sur les cours d'eau français, pour une production annuelle de 8,9 TWh. "Si l'on ajoute à ce potentiel, le potentiel majorant des régions pour lesquelles la convergence n'a pas eu lieu, celui-ci pourrait être porté à 2.885 MW et 10,3 TWh/an", précise le document qui indique que des projets proposés par l'UFE pour les régions Auvergne (340 MW), Bretagne (26 MW), Limousin (21 MW) et Lorraine (22,1 MW) n'ont pu être étudiés. Avec des potentiels de 753 MW, 613 MW et 530 MW, les régions Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte-D'azur et Midi-Pyrénées forment, sans surprise, le trio de tête.
Quant à l'aménagement en centrales hydroélectriques des retenues d'eau existantes mais non équipées de turbines, le potentiel est évalué à 261 MW pour une production de 0,9 TWh. Les régions Franche-Comté (96 MW), Midi-Pyrénées (50 MW) et Champagne-Ardenne (44,6 MW) forment le podium. "Si l'on ajoute à ce potentiel, le potentiel majorant des régions pour lesquelles la convergence n'a pas eu lieu, celui-ci pourrait être porté à 477 MW et 1,6 TWh/an".