Une chute de 6,3% des surfaces déclarées en prairies permanentes (PP) entre 2006 et 2010 (dont 3% sur la seule période 2009-2010) : c'est le constat d'un rapport du Commissariat général au développement durable (CGDD). Cette évolution affecte plus particulièrement les régions agricoles du Nord-ouest et Sud-est de la France.
Dans les Pyrénées, au sud des Alpes, en Rhône-Alpes, en PACA et dans le nord du Languedoc-Roussillon, ce recul s'est produit en même temps qu'une forte augmentation des surfaces de landes. En Bretagne, en Normandie, dans les Pays de la Loire, comme dans le Centre et en Limousin, les prairies permanentes s'effacent au profit des prairies temporaires ou de façon moins marquée des surfaces en céréales et oléoprotéagineux (SCOP).
Un artéfact déclaratif ?
Trois pourcents des pertes de surfaces de prairies permanentes entre 2009 et 2010 seraient toutefois la conséquence d'un phénomène en partie administratif. "Ces deux périodes de forte diminution des surfaces en PP sont concomitantes des changements de dispositifs politiques concernant les surfaces en herbe", pointe le CGDD.
Entre 2009 et 2010, la majorité des surfaces perdues en PP bénéficie principalement aux prairies temporaires. Comme ces dernières n'ont pas d'obligation de conservation, le risque de retournement est réel.
A partir de 2007, la Prime Herbagère Agro-environnementale (PHAE2) est accordée pour des surfaces extensives jusqu'alors non soutenues. "Il est donc possible que les agriculteurs aient ajusté leur déclaration en fonction de ces nouvelles définitions des surfaces primées et qu'ils aient déclaré comme landes des parcelles qui, jusque-là, étaient déclarées en PP", explique le document.
Autre explication : une anticipation du renforcement, en 2010, des Bonnes Conditions Agro- Environnementales (BCAE) sur la "gestion des surfaces en herbe". Ces dernières imposent des contraintes sur les conditions de revente ou de retournement (changement d'usage) plus strictes pour les parcelles en prairies permanentes que pour celles en prairies temporaires (PT), ce qui a pu conduire certains agriculteurs à déclarer des surfaces, initialement en PP, en PT pour réduire les contraintes s'exerçant sur leurs surfaces agricoles.
Une valeur économique de 600 €/ha/an
Support de biodiversité, régulation de la qualité de l'eau, qualité des paysages, etc., les prairies rendent pourtant de grands services écosystémiques.
La valeur économique de ces derniers ne s'avère en outre pas négligeable. Quatre grandes catégories ont été définies par le Millenium Ecosystem Assessment (MEA, 2005) : les services de prélèvement (produits obtenus directement de l'écosystème tels la nourriture, les fibres et les énergies), ceux de régulation (par exemple, la régulation du climat, de l'eau et de certaines maladies humaines), les services culturels et les services d'auto-entretien (nécessaires à la production de tous les autres services).
"La valeur économique totale des biens non marchands issus de ces services (particulièrement des services de régulation) est au moins égale, sinon très largement supérieure à celle des biens marchands (issus des services d'approvisionnement et de certains services culturels)", pointe le Commissariat général au développement durable, dans un rapport consacré.
Même si un nombre limité de services écosystémiques ont été évalués, l'ordre de grandeur pour les prairies permanentes atteint 600 €/ha/an. Pour les prairies humides, la valeur s'élève à une fourchette comprise entre 1.100 à 4.600 €/ha/an.
Plus de la moitié de cette valeur des services rendus est constituée par le service de régulation du climat global. Plus précisément, le service de fixation du carbone pourrait être valorisé entre 23 et 47 €/ha/an (pour l'année 2008) et le service de stockage peut lui être valorisé à hauteur de 320 €/ha/an.
Les prairies jouent également un rôle dans l'épuration des eaux en piégeant ou en transformant les éléments nutritifs en excès, les particules fines ainsi que certains polluants, grâce à des processus physiques, géochimiques et biologiques (90 €/ha/an). Elles permettent également de protéger contre les crues (entre 60 et 300 €), joue un rôle bénéfique pour la pollinisation (60 à 80 €/ha/an), et autorisent des activités de pâturages, fauche (280 et 630 €/ha) et chasse. Elles présentent des valeurs éducatives (entre 10 et 15 €/ha/an) et récréatives (entre 290 et 1.200 €).
"Les prairies étant des écosystèmes dont l'existence même résulte de l'activité agricole, les services rendus, et leur niveau de qualité, dépendront étroitement des itinéraires technico-économiques ou des modes de gestion retenus par les exploitants", reconnaît le CGDD.
Ainsi, l'augmentation de la charge bovine à l'hectare de prairie accroîtra les quantités d'azote apportées au sol et donc risque d'augmenter les teneurs en nitrate des nappes d'eau souterraines et au final réduire la qualité du service de régulation de la qualité de l'eau.