La commission du développement durable a auditionné ce 23 octobre le professeur de droit public Yves Jégouzo, qui a présidé le groupe de travail à l'origine du rapport sur la réparation du préjudice écologique remis le 17 septembre dernier à la garde des Sceaux, Christiane Taubira, et actuellement soumis à la consultation du public.
Une audition particulièrement importante puisque les députés seront amenés à se prononcer sur cette question dans le cadre du projet de loi annoncé pour la fin 2013.
Une proposition ambitieuse
"Nous avons été prudents, on a voulu être opérationnels", explique Yves Jégouzo. En revanche, le groupe de travail a été plus audacieux en proposant la création d'une Haute autorité environnementale sur lequel le juriste "revendique une ambition". Ce qui explique aussi les nombreuses questions, ou objections, des députés à ce sujet. Ainsi, le député Martial Saddier, pour le groupe UMP, se dit "opposé à la création d'une structure nouvelle", sur le principe mais aussi sur le fond, tandis qu'Yves Jégouzo révèle également l'opposition du ministère de l'Ecologie à la création d'une telle entité.
Que préconise exactement le rapport sur ce point ? Il s'agit de créer une autorité administrative indépendante, garante du respect de l'environnement. "Cette Haute autorité aurait une mission générale d'évaluation, de régulation et de vigilance quant à la prévention et la réparation des dommages causés à l'environnement", prévoit le rapport, qui avance l'idée de fusionner des entités existantes, en se gardant toutefois de les nommer, afin "d'avoir une empreinte budgétaire moindre".
La Haute autorité pourrait naître d'une CNDP transformée
Yves Jégouzo apporte toutefois des précisions devant les députés. Le groupe de travail qu'il a présidé estime qu'il doit y avoir une articulation totale entre le principe de prévention, le principe de participation et d'information du public, et le principe de réparation, tous trois prévus par la Charte de l'environnement.
Pour ce qui concerne le premier, il existe le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) compétent pour l'évaluation mais "un peu suspecté" car appartenant à la structure administrative. Il existe la Commission nationale du développement public (CNDP) pour l'information et le débat public, qui est déjà une autorité administrative indépendante mais "qui tourne très largement à vide". Pour la réparation, en revanche, il n'y a rien, relève le professeur de droit.
"C'est l'instance qui peut mettre en œuvre les actions de réparation, et qui aurait vu au départ les évaluations élaborées, qui est la mieux à même de gérer l'articulation de ces trois principes", explique-t-il. Le décryptage de ces réflexions conduit à conclure que la Haute autorité environnementale pourrait naître d'une CNDP transformée, à laquelle on transférerait les compétences d'évaluation jusque là détenues par le CGEDD et à laquelle on ajouterait les nouvelles compétences liées à la réparation.
Garantir l'affectation des condamnations à la réparation de l'environnement
De plus, la Haute autorité environnementale, alimentée par le produit d'amendes civiles et des dommages et intérêts, pourrait mobiliser des moyens qui permettront de régler la question des expertises, qui constitue aujourd'hui un moyen facile de blocage des procès, faute de financement permettant de les mener à bien, explique Yves Jégouzo.
De manière plus large, la création d'un fonds de réparation environnementale, "qui pourrait être conçu comme un simple compte ouvert dans le budget de la Haute autorité", permettrait "de garantir l'affectation" des condamnations prononcées à la réparation de l'environnement, indique le rapport.
La question est en effet sensible. "Aura-t-on la certitude que ces fonds iront à la réparation écologique ?", interroge le député Jacques Krabal (2RDP), traduisant une crainte, largement partagée par ses collègues, d'un siphonage des ressources par l'Etat si les réparations lui étaient affectées. Une raison de plus qui plaiderait pour la création de cette autorité indépendante.
"On est persuadé que c'est la condition pour que cela fonctionne bien", conclut Yves Jégouzo, même si, admet-il, il ne s'agit pas d'une condition indispensable à la mise en œuvre du nouveau régime.