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Présidence française de l'Europe : les écueils à éviter pour le climat

La France n'a pas tardé à imposer son tempo, avec de premières réunions informelles des ministres de l'Énergie et de l'Environnement. Elle veut aller vite, mais prend le risque de faire l'impasse sur certains dossiers pourtant essentiels pour le climat.

Gouvernance  |    |  F. Roussel
Présidence française de l'Europe : les écueils à éviter pour le climat

Un mois après son arrivée à la présidence de l'Union européenne, la France a pris en main la plupart des dossiers environnementaux qu'elle avait dans sa ligne de mire. Un premier Conseil des ministres de l'Agriculture a eu lieu, le 17 janvier, sous la responsabilité de Julien Denormandie. Le ministre français de l'Agriculture a rappelé ses deux priorités : la réciprocité des normes et le sujet du carbone. « Si le relèvement des normes se traduit par une augmentation des importations qui ne répondent pas aux mêmes exigences ou qui se traduisent par une dégradation du bilan carbone global, nous n'aurons rien gagné. Ni sur le plan du climat, ni sur le plan de notre souveraineté. » Deux jours plus tard, le président français Emmanuel Macron prenait la parole devant le Parlement européen pour y parler notamment de climat : « L'Europe est le continent qui, avec l'objectif de neutralité carbone en 2050, s'est donné la première les objectifs les plus ambitieux de la planète. Nous avons à passer de l'intention aux actes. »

Ce passage à l'acte, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a souhaité l'impulser sans perdre de temps, en organisant trois jours de réunions informelles avec les ministres européens de l'Environnement et ceux de l'Énergie, du 20 au 22 janvier, à Amiens. Car si le ministère français cumule les deux thématiques, ce n'est pas le cas dans tous les pays européens. « J'ai voulu donner une impulsion politique forte. La dynamique politique est là, c'est cette dynamique qui peut et doit nous mener plus loin, a estimé Barbara Pompili, à la sortie des premières réunions de travail, le 21 janvier. Les ministres sont venus en grand nombre avec la volonté d'avancer. Car le Pacte vert est une réforme immense, en profondeur, et le travail qui reste est complexe et dense », estime la ministre.

Ne pas laisser l'élection présidentielle influencer les débats

“ J'ai voulu donner une impulsion politique forte. La dynamique politique est là, c'est cette dynamique qui peut et doit nous mener plus loin ” Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique
Il faut dire que le calendrier de travail de la présidence française est assez contraint, car jalonné d'événements politiques pouvant gripper les négociations. « Il y a peu d'attentes à avoir du côté de la République tchèque, qui prendra le relais dans six mois à la présidence de l'UE. Ça se joue sous PFUE avec, comme point fort, un gouvernement allemand ambitieux sur le climat qui vient, par ailleurs, de prendre la présidence du G7, mais aussi avec des éléments moins aidants, relève Lucie Mattera, responsable de la politique européenne au think tank E3G, citant à la suite « les élections en Hongrie, avec un Viktor Orban qui fait campagne contre Bruxelles, des États-Unis, dont le leadership climatique est dans le flou, et les élections françaises, en avril prochain. Finalement, la PFUE, c'est trois mois effectifs ». Ainsi, au cours du premier trimestre, le pouvoir politique sera sans doute très allant, avant un second temps plus en retrait, laissant le soin à l'administration de dérouler les dossiers.

Mais si l'élection présidentielle française accélère de fait le calendrier, elle pourrait aussi être un grain de sable dans le processus diplomatique. « La France risque de se concentrer sur des sujets à forte valeur ajoutée pour les Français, comme le mécanisme carbone aux frontières (MACF) ou les clauses miroirs », craint Lucie Mattera. Quitte à laisser la porte ouverte à certains compromis pour miner l'ambition du Paquet fit-for-55 au profit du MACF ? Ce serait le scénario du pire. « Il faut que la présidence s'attaque à tous les morceaux », estime Neil Makaroff, responsable des politiques européennes à Réseau Action Climat France, qui remarque d'ailleurs que le président français, dans son discours devant les eurodéputés, a cité, en priorité, des sujets de politique extérieure de l'UE, comme le MACF et les clauses miroirs ou encore la déforestation importée, plutôt que les enjeux internes, comme le partage de l'effort climatique.

Ne pas laisser de côté les sujets qui fâchent

Certains sujets intérieurs ont toutefois été abordés à Amiens. Au menu des discussions informelles, la présidence française a choisi d'inscrire la mise en cohérence des politiques sur les pesticides et une prise de position en faveur d'une réforme du règlement Reach en amont d'une proposition de la Commission européenne attendue sur ces deux sujets. « On doit aller plus loin. C'est une attente forte des ministres en présence. Renforcer la règlementation sur les perturbateurs endocriniens, les PFAS, les nanomatériaux », a précisé Barbara Pompili.

En matière d'énergie, cette réunion informelle a permis des avancées dans les négociations sur les prix de l'énergie, l'efficacité énergétique et l'hydrogène. Dans le cadre des négociations du Paquet fit-for-55, la présidence française a souhaité placer la directive Efficacité énergétique au centre des débats. « Une grande majorité des États membres considère dorénavant que l'application de ce principe doit être effective dans toutes les politiques publiques de l'Union et de ses États membres », conclut la présidence. Autre point de convergence souligné par les ministres : l'obligation annuelle d'économies d‘énergie, qui doit tenir un rôle central au sein de la directive.

La question du prix de l'énergie, et de sa hausse actuelle, laisse toutefois planer des inquiétudes sur d'autres volets du Paquet fit-for-55, notamment la question de la création d'un deuxième système d'échange de quotas pour les émissions de carbone des ménages (ETS 2 sur les transports et le bâtiment). « C'est le texte le plus explosif, vu le contexte actuel, et il risque d'enliser tout le paquet », craint Neil Makaroff, qui se satisfait toutefois que la France ait entamé les discussions. « Nous devons nous extraire d'une civilisation basée sur les énergies fossiles et les mesures d'accompagnement seront clefs, a déclaré Mme Pompili à l'issue des échanges. On doit encore travailler à cet ETS bis, car il est source de nombreuses expressions d'inquiétude. »

Ne pas polluer les débats avec la taxonomie

Autre sujet qui fâche : la taxonomie et la place du gaz et du nucléaire dans ces travaux. Si Barbara Pompili reconnait le « désaccord » avec l'Allemagne sur ce sujet, les deux ministres n'ont pas abordé la question frontalement à Amiens, pour « ne pas ralentir les discussions ». Une bonne chose, selon Murielle Gagnebin, chargée de projet politique énergétique France-Allemagne, Agora Energiewende, car « la taxonomie prend plus de place que ça devrait », même si la spécialiste reconnaît que ce sujet pourrait limiter l'effet d'entraînement que peuvent avoir l'Allemagne et la France quand elles sont sur la même longueur d'onde. « Quand la France et l'Allemagne sont alignées, ça fait avancer les dossiers. Le nucléaire vient gripper tout ça. » Surtout que le calendrier de la taxonomie se superpose à celui du Paquet fit-for-55. La Commission européenne a mis en consultation son projet de règlement, le 31 décembre. Elle prévoit de le publier sans modification dans les jours qui viennent. Puis le Parlement et les États membres auront quatre mois pour se prononcer. Autrement dit, le sujet risque de cristalliser les débats politiques tout au long du premier semestre.

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