Le ministre des Finances, Michel Sapin, a confirmé lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2015 une hausse de 2 centimes par litre de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) sur le gazole, suscitant de nombreuses réactions. Dans un entretien aux Echos ce jeudi 2 octobre, Emmanuel Macron, son homologue à l'Economie, dévoile le détail de la prime à la conversion, ou "superbonus", censée accompagner les ménages les plus modestes dans l'acquisition d'un véhicule plus propre à compter de la mi-2015.
Véhicules diesel de plus de 13 ans
Annoncée dès le mois de juin par Ségolène Royal, la mise en place d'une prime à l'achat d'un véhicule récent pour la mise au rebut d'un véhicule ancien est inscrite dans le projet de loi sur la transition énergétique. Cette prime permettra "d'améliorer l'acceptabilité sociale de la mise en œuvre des zones de restriction de circulation et d'accélérer le parc de véhicules anciens (sic)", précise l'étude d'impact du projet de loi.
Le ministère de l'Ecologie en attend beaucoup en matière d'impact environnemental. "Un véhicule particulier diesel classé dans la catégorie 5* (…) émet 96% de particules en moins qu'un véhicule particulier diesel classé dans la catégorie 1*", précise-t-il.
Restaient à définir les critères sociaux ou géographiques conditionnant l'attribution de cette prime, critères qui devront être formellement précisés par décret. Cette prime, de 3.700 euros pour l'achat d'un véhicule électrique, de 2.500 euros pour un véhicule hybride rechargeable, et de 500 euros pour un véhicule répondant à la norme Euro 6, sera conditionnée à la mise au rebut d'une voiture diesel de plus de 13 ans. Elle ne concernera, en outre, que les zones soumises à un plan de protection de l'atmosphère (PPA). Le ministère de l'Economie estime à 1,1 million le nombre de véhicules concernés.
Ajoutée aux 6.300 euros du bonus écologique prévu pour les véhicules électriques, cette prime porte à 10.000 euros l'aide totale à l'acquisition de ces véhicules. Pour les véhicules hybrides rechargeables, l'aide totale serait portée à 6.500 euros (2.500 € + 4.000 € de bonus écologique).
Ouvrir la prime aux véhicules d'occasion ?
Réagissant à la confirmation de la hausse de la taxe, l'Automobile Club réclame des mesures raisonnables et non pénalisantes pour l'automobiliste. "TVA, TICPE, TVA sur la TICPE, Contribution climat énergie, compensation de l'écotaxe ..., l'automobiliste est incontestablement le consommateur le plus taxé, il est d'ailleurs un «excellent contribuable»", s'indigne Didier Bollecker, son président. "Pour peu qu'il fasse partie d'un ménage modeste et qu'il roule avec un véhicule ancien, avec de telles mesures il pourrait en plus se voir interdire de rouler dans certaines zones", ajoute-t-il faisant allusion à la création des zones de restriction de circulation (ZRC) en remplacement des zones d'actions prioritaires pour l'air (Zapa).
La sénatrice UMP Fabienne Keller dénonce de son côté la politique de "gribouille" du Gouvernement. "Chacun se souvient de la baisse de 2 à 3 centimes décidée en août 2012 par le Gouvernement Ayrault. Aujourd'hui, le Gouvernement Valls augmente le diesel de 2 centimes par litre", pointe la parlementaire, qui estime que des signaux clairs et constants doivent être adressés aux particuliers et aux entreprises pour que la transition énergétique devienne une réalité.
La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) salue, quant à elle, une hausse "justifiée et parfaitement supportable par les automobilistes", réclamant même l'accentuation de la taxation du gazole afin d'annuler le différentiel de prix avec l'essence. "Le rééquilibrage de la fiscalité entre l'essence et le diesel est indispensable, confirme Matthieu Orphelin, conseiller spécial énergie de la Fondation Nicolas Hulot (FNH), à l'AFP. Mais augmenter le diesel pour mieux exempter les transporteurs routiers de toute contribution sur les coûts et les pollutions qu'ils génèrent n'est pas la meilleure façon de le faire", ajoute-t-il. Sur la même longueur d'onde, France Nature Environnement (FNE), par la voix de Michel Dubromel, son responsable transports, estime "scandaleux" que les transporteurs routiers soient exemptés d'une contribution d'intérêt général alors qu'ils participent largement aux émissions de particules fines.
Mathieu Orphelin pointe par ailleurs l'insuffisance de l'aide au changement de véhicules pour les ménages les moins aisés. "Il faut pour cela une prime à la conversion ambitieuse, d'au moins 500 millions d'euros par an, et ouverte aux véhicules d'occasion, bien au delà de ce qui est prévu dans le projet de loi sur la transition énergétique", estime le représentant de FNH. Une ouverture de la prime aux véhicules d'occasion également demandée par le député écologiste Denis Baupin. "On est train de creuser cette idée qui paraît judicieuse", lui a répondu Ségolène Royal le 26 septembre lors de la discussion du texte en commission, tout en alertant sur les difficultés à contrôler le caractère "propre" des véhicules d'occasion.