Les députés ont validé mardi 21 juin en nouvelle lecture l'inscription du principe de non-régression du droit de l'environnement dans l'article L. 110-1 du code de l'environnement. Selon ce principe, "la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifique et techniques du moment".
Ce principe, de la même façon que la réparation du préjudice écologique, ne figurait pas dans le projet de loi initial. Il constitue pourtant une disposition phare de la loi sur la biodiversité, dont la rédaction ne devrait maintenant plus évoluer d'ici son adoption définitive dans quelques semaines.
Introduit en deuxième lecture par l'Assemblée en mars dernier, il a ensuite été supprimé par le Sénat et a constitué le point de fracture de la commission mixte paritaire chargée de trouver un compromis sur les dispositions du texte de loi restant en discussion. C'est dire toute la portée juridique que ce principe revêt, mais aussi la charge symbolique qui lui est attachée.
Principe de progrès
Ses promoteurs considèrent que ce principe, selon lequel on ne peut abaisser le niveau de protection de l'environnement, est un principe de progrès, comme l'illustre son début de reconnaissance internationale. "Le principe de non-régression (…) figure parmi les principes de la déclaration adoptée à l'issue du premier congrès mondial du droit de l'environnement, qui s'est tenu à Rio en avril dernier", fait ainsi valoir Geneviève Gaillard, rapporteure socialiste du projet de loi devant l'Assemblée.
Mais ses détracteurs craignent qu'il ne fige le droit de l'environnement. "Ce principe ne signifie nullement qu'il sera impossible de modifier des textes si la protection ne s'avère plus nécessaire, par exemple en cas d'évolution de l'environnement ou d'amélioration des connaissances scientifiques", entend rassurer Barbara Pompili, secrétaire d'Etat à la biodiversité. "C'est un principe d'action et non d'interdiction : il n'interdit pas de modifier la règle existante dès lors que cela n'entraîne pas un recul de la protection", renchérit Mme Gaillard.
Le monde de la chasse semble particulièrement inquiet de ce principe qui empêcherait, selon lui, de réguler les espèces. "Avec ce principe, les mesures adoptées en faveur de la protection des espèces ne pourront plus être révisées. Elles seront irréversibles", a ainsi fait valoir le député LR Dino Cinieri. "Le principe de non-régression ne concerne pas les espèces ; il ne concerne pas les individus ; il ne concerne pas le droit de chasse. Il ne concerne que la loi", estime de son côté Geneviève Gaillard.
"Alinéa potentiellement extrêmement dangereux"
Le risque d'insécurité juridique est également soulevé par les députés d'opposition. "Que se passera-t-il en définitive ? Eh bien, les tribunaux vont s'engouffrer dans la brèche pour donner à ce principe une portée que vous n'osez pas lui donner (…) afin de nous rassurer", a déclaré le député LR Daniel Fasquelle à l'attention de Barbara Pompili, qualifiant l'alinéa adopté de "potentiellement extrêmement dangereux". "Est-il vraiment utile d'encombrer des tribunaux qui peinent déjà à interpréter le principe de précaution ?", a ajouté le parlementaire, qui craint que cette mesure amplifie la régression économique de la France.
"Il y a erreur d'interprétation sur ce qu'est le principe de non-régression", estime l'ancienne ministre de l'Environnement Delphine Batho face à ces critiques. "C'est précisément le fait de poser ce principe, c'est-à-dire d'affirmer que l'on ne renonce pas à l'objectif de protection de l'environnement, qui permettra de changer les modalités et de simplifier un certain nombre de règles dès lors que cette simplification n'aura pas pour but d'aboutir à plus de pollution ou à plus de destruction de la nature", estime la députée socialiste.
L'avenir nous dira quelle interprétation les juges feront de ce nouveau principe adopté en même temps que ceux de solidarité écologique, d'utilisation durable et de complémentarité entre l'environnement, l'agriculture, l'aquaculture et la gestion durable des forêts. "A l'instar d'autres principes, il aura ensuite vocation à intégrer la Charte constitutionnelle de l'environnement", estiment cinq associations de protection de l'environnement (FNE, LPO, WWF, UICN et FNH) qui avaient publié une tribune le 17 juin sur Actu-Environnement appelant les parlementaires à adopter ce principe.
En tout état de cause, "le principe de non-régression doit (…) être compris comme l'expression d'un devoir qui s'impose aux pouvoirs publics au-delà des alternances politiques", estimaient les ONG.